Comment l'Etat tente d'organiser le verdissement du numérique

Le gouvernement a dévoilé son Haut comité pour un numérique écoresponsable. Objectif : fédérer les acteurs français du numérique pour accélérer le verdissement de la filière dans tous les territoires et répondre aux nombreuses nouvelles obligations législatives et réglementaires. Globalement satisfait par la démarche, l'écosystème redoute néanmoins que ne soient oubliés non seulement des travaux et des expérimentations menées depuis des années par certains acteurs comme Convergences numériques ou des clusters dans les territoires, mais aussi des enjeux autour de la formation. Décryptage.
Sylvain Rolland
(Crédits : DR)

C'est un euphémisme de dire que le verdissement du numérique fait l'objet d'une intense activité de l'Etat ces dernières années, même si paradoxalement, quasiment tout reste encore à faire. Face au constat que le secteur du numérique pèse aujourd'hui 2,5% des émissions de gaz à effet de serre en France et 10% de la consommation énergétique, et que cette part devrait grimper à 7% des gaz à effet de serre en 2040 si rien n'est fait, des initiatives multiples ont vu le jour. Parmi elles, trois lois : la loi anti-gaspillage pour une économie circulaire dite loi AGEC en 2020, la loi pour la Réduction de l'Empreinte Environnementale du Numérique en France dite loi REEN en 2021, et la loi Climat et résilience en 2021. Mais il y a aussi le plan France 2030 et sa future « stratégie sur le numérique écoresponsable », la future Stratégie nationale bas carbone (SNBC), ou encore la feuille de route « Numérique et environnement » lancée l'an dernier, sans oublier bien sûr le futur Règlement européen relatif à l'écoconception pour des produits durables... Ainsi qu'une pléthore de rapports, études et initiatives venant des acteurs de l'écosystème et de nombreuses stratégies et expérimentations dans les territoires.

Pour organiser ce capharnaüm, le gouvernement a lancé lundi 14 novembre... une nouvelle structure. Au nom de la planification écologique chère à Emmanuel Macron et Elisabeth Borne, et dans la continuité du plan France Nation Verte présenté par la Première ministre le 21 octobre dernier, le « haut comité pour un numérique écoresponsable » vise à fédérer les acteurs de la tech « instance unique » conçue comme un espace de dialogue » pour faire appliquer les nouvelles obligations pour verdir le secteur. « Le principe de planification écologique n'est pas un buzzword mais une méthode pour embarquer l'ensemble des forces vives de la Nation dans une démarche de volontarisme, pour atteindre l'objectif de neutralité carbone à horizon 2050 et l'étape de court terme de réduction de 10% de la consommation énergétique », précise Jean-Noël Barrot, le ministre délégué à la Transition numérique et aux télécommunications, qui porte l'initiative avec Dominique Faure, secrétaire d'Etat chargé de la Ruralité.

« Mise en cohérence » des diverses feuilles de route

Concrètement, le Haut comité pour un numérique écoresponsable se dote de deux grands objectifs. Le premier est la « mise en cohérence » des diverses feuilles de route issues des récents textes de loi. Le deuxième est la contribution des « forces vives de la nation » (comprendre : les organisations professionnelles, régulateurs et institutions) dans une démarche « bottom up », où ce sont les acteurs eux-mêmes qui doivent trouver comment atteindre les objectifs de réduction de l'empreinte carbone et de consommation énergétique.

Dans le détail, cinq groupes de travail -sur les terminaux qui pèsent près de 80% des GES du numérique d'après l'Arcep-, les datacenters, les réseaux,  les usages de sobriété et la contribution du numérique à la décarbonation des autres secteurs- devront fixer les feuilles de route prévues dans le cadre de l'article 301 de la loi Climat et résilience, et dans le cadre de l'article 35 de la loi REEN. L'écoconception, la sobriété dans les usages, l'allongement de la durée de vie des produits ou encore le recyclage des produits électroniques devront faire l'objet de mesures concrètes.

La loi Climat et résilience prévoit que les acteurs économiques dans chaque secteur émetteur de GES -dont le numérique- doivent élaborer un plan d'action pour décarboner la filière dans toute sa chaîne de valeur, à horizon 2030 et 2050, pour réduire les émissions. « Cette feuille de route pourra nourrir la future Stratégie nationale bas carbone et la stratégie d'accélération France 2030 », précise Jean-Noël Barrot, et devra être présentée en avril 2023.

De son côté, la loi REEN prévoit que les communes et les intercommunalités de plus de 50.000 habitants doivent définir au 1er janvier 2025 une stratégie numérique écoresponsable, dotée de mesures précises à déployer. L'Agence nationale de la cohésion des territoires -ANCT- lance par ailleurs depuis le début du mois de novembre une expérimentation avec six collectivités territoriales pilotes.

Ne pas oublier les initiatives existantes et la formation

Globalement, les acteurs de la tech, présents en nombre pour l'annonce, se montrent satisfaits de la volonté du gouvernement d'aider le secteur à répondre à ses nouvelles obligations concernant la transition écologique.

Toutefois, nombre d'entre eux alertent le gouvernement sur la nécessité de ne pas partir de zéro, et de mieux intégrer les nombreuses initiatives existantes, notamment dans les territoires. « Certains territoires comme la Ville de La Rochelle ou encore la Métropole et la Ville de Rennes, sont impliqués depuis des années dans le numérique responsable et sont très en avance par rapport aux six projets pilotes lancés ce mois-ci avec l'ANCT.» indique Céline Colucci, la déléguée générale du réseau Les Interconnectés, qui fédère des "territoires innovants".

Même inquiétude pour Véronique Tormer, la vice-présidente de l'association professionnelle Numeum en charge du numérique responsable. « 700 entreprises sont signataires de l'initiative Planet Tech Care qu'on aimerait vraiment voir associée à cette feuille de route, tout comme Convergences numériques, qui regroupe les principales organisations professionnelles du numérique et qui travaille sur ces sujets. Il est important d'utiliser ce qui existe pour passer à l'échelle », regrette la dirigeante.

De son côté, Henri d'Agrain, le délégué général du Cigref -un réseau d'entreprises du numérique-, relève l'absence du thème de la formation dans le Haut comité. « Les enjeux de formation sont essentiels et doivent apparaître dans la feuille de route si on veut imposer une sobriété par design. L'enjeu de sobriété doit être au cœur des formations au même titre que la sécurité numérique », plaide-t-il devant Jean-Noël Barrot, qui s'engage à poursuivre le débat et prendre en compte les remarques de l'écosystème.

Sylvain Rolland

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Commentaires 2
à écrit le 15/11/2022 à 8:54
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Le "numérique" c'est la création de données inutiles …on fait de la conséquence, une cause ! ;-)

à écrit le 15/11/2022 à 6:58
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Le verdissement du numérique à l'heure des abonnements internet illimités est un leurre

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