La publicité, la nouvelle arme de Netflix pour retrouver la croissance

En perte de vitesse sur le front de la course aux abonnés, Netflix lance dès le 1er novembre dans douze pays, dont la France, une offre moins chère -5,99 euros- mais avec 4 minutes de publicités par heure. L'objectif : dissuader ceux qui souhaitent partir vers d'autres services, retenir ceux qui trouvent l'abonnement trop cher dans un contexte de forte inflation, et lutter contre le partage des comptes. Le tout en dégageant des revenus supplémentaires pour améliorer le revenu par abonné, rassurer les actionnaires et financer sa boulimie de contenus dans la guerre du streaming.
Sylvain Rolland
(Crédits : DENIS BALIBOUSE)

Début novembre, l'univers du streaming vidéo à la demande sur abonnement (SVoD), va entrer dans une nouvelle ère. Netflix, pionnier du secteur, disrupteur au début des années 2010 d'une industrie sous perfusion publicitaire depuis 50 ans grâce à sa promesse d'une offre pléthorique et soumise à aucune contrainte, cède lui aussi aux sirènes de la pub. Le géant californien va lancer dans douze pays, dont la France, un nouveau forfait baptisé Essentiel avec publicités.

Pour 5,99 euros par mois (6,99 dollars aux Etats-Unis), cette nouvelle offre permettra d'accéder à Netflix pour moins cher que l'offre de base sans publicités (8,99 euros en France, 9,99 dollars aux Etats-Unis), mais avec 4 minutes de publicités par heure, via des spots de 15 à 30 secondes, diffusés au début et au milieu des programmes. Le prix des offres du streamer reste inchangé. Petite satisfaction interne : Netflix coupe ainsi l'herbe sous le pied de Disney+, qui va lancer sa propre offre avec publicités en décembre, pour 7,99 dollars par mois, faisant grimper l'abonnement de base passe à 10,99 dollars.

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Un outil parmi d'autres pour renouer avec la croissance

« Nous croyons fermement qu'un prix moins élevé pour les consommateurs, avec une solide monétisation des annonces, va nous permettre de croître notre nombre d'abonnés et avec le temps de générer des revenus supplémentaires significatifs », a déclaré Greg Peters, le directeur des opérations, lors d'une conférence de presse.

Netflix est en effet dans une passe difficile depuis le début de l'année. Après deux exercices exceptionnels -2020 et 2021, sous l'effet de la pandémie, lui ont permis de battre tous ses records de recrutement d'abonnés-, Netflix a perdu des abonnés pour la première fois en 2022. 200.000 au premier trimestre, et 970.000 au deuxième, soit 1,17 million en six mois. Une gifle liée à l'essor de la concurrence aux Etats-Unis -Disney+, HBO Max, Paramount+, Hulu, Peacock et Apple TV+ principalement-, au retour spectaculaire de l'inflation, qui grève le budget des ménages, et au phénomène du partage des comptes, qui permettrait à 100 millions de personnes, d'après Netflix, de profiter de ses contenus gratuitement. Ces pertes sèches d'abonnés ont entraîné une remise en question du modèle Netflix, à la fois en Bourse -la valorisation de l'entreprise a perdu plus de 60% depuis janvier- mais aussi dans l'ensemble de l'industrie.

D'où le retour en force de la publicité, modèle économique traditionnel de la télévision, perçu chez les streamers comme une béquille pour limiter le churn -la fuite des abonnés-, qui n'était que de 2% pendant des années chez Netflix, mais qui a grimpé ces deux dernières années suite à l'essor de la concurrence, jusqu'à atteindre 20% en 2022, au diapason du reste du marché. La question est donc : les abonnés qui souhaitent quitter le navire resteront-ils s'ils paient moins cher, quitte à subir de la publicité ?

L'ironie est que Netflix pourrait renouer avec la croissance dès le troisième trimestre 2022 -la période de juin à septembre-, sans lien, donc, avec l'arrivée de la publicité sur la plateforme. En partie grâce au retour, cet été, de séries très populaires comme la deuxième partie de la saison 4 de Stranger Things -qui a battu tous les records d'audience de la plateforme-, les saisons 3 de Locke & Key et de Mes premières fois, et le succès -attendu- de la nouveauté The Sandman, qui a ensoleillé le mois d'août.

Quoi qu'il en soit, Netflix doit montrer à ses actionnaires sa capacité à mieux monétiser son audience. C'est le rôle de la publicité, mais aussi d'autres initiatives lancées récemment. Car si le géant plafonne à 220 millions d'abonnés, au moins 100 millions de personnes supplémentaires dans le monde profitent de ses contenus sans payer, grâce au partage de compte. Depuis quelques mois, Netflix teste donc en Amérique du Sud plusieurs solutions pour pousser ces spectateurs à basculer vers une offre payante, pas chère, avec une bien meilleure expérience. C'est là aussi un levier non-négligeable pour Netflix de repartir de l'avant dans sa course aux abonnés.

De son côté, Disney+ se mettra aussi à la publicité d'ici à la fin de l'année. Tous les autres streamers issus de l'industrie du divertissement -HBO Max, Peacock, Paramount+, Hulu- proposent déjà des offres avec publicités, parfois dès leur lancement comme Peacock. Netflix est le premier des acteurs de la tech -qui se sont imposés sur la promesse de changer les usages- à franchir le pas. Il pourrait rester le seul, puisqu'Amazon Prime Video et Apple TV+ semblent décidés à ne pas recourir à cette manne supplémentaire. Mais ces deux services n'ont pas les mêmes ambitions que Netflix : malgré leur poids, ils ne sont que des produits d'appel au service de l'attractivité de leur maison-mère aux poches pleines, Amazon et Apple.

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Partenariat avec Microsoft

Pour construire cette offre avec publicités, Netflix s'est allié avec Microsoft pour proposer en moyenne 4 à 5 minutes de publicités par heure, là aussi dans les standards du marché. Seules exceptions : les programmes pour enfants ne seront initialement pas concernés. Et pour certains films récents, les annonces seront plus longues, mais diffusées seulement au tout début du programme.

 En matière de ciblage, les annonceurs pourront choisir les pays et le genre (comédie, action, documentaire...) et exclure certaines caractéristiques (violence, nudité...) selon le modèle prédominant à la télévision traditionnelle. De son côté, Netflix -qui ne manquait pas pendant des années de mots durs pour critiquer l'exploitation des données personnelles des acteurs traditionnels de la télévision- récoltera des informations comme le sexe et l'âge de ses utilisateurs, et n'exclut pas de faire plus tard du ciblage publicitaire dit comportemental, c'est-à-dire personnalisé en fonction des préférences des individus, comme sur internet.

Sylvain Rolland

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Commentaires 3
à écrit le 15/10/2022 à 12:50
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Mais en fait, les "experts" qui veulent la fin de la télé, au profil des chaines Netflix,..si maintenant il faut payer pour regarder de la pub ? Regarder TF1, M6,...il y a de la pub, mais c'est gratuit.

à écrit le 14/10/2022 à 23:09
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Netflix est meilleure depuis plusieurs années personne n'a encore fait mieux

à écrit le 14/10/2022 à 19:33
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bref, tu payes la meme chose qu'avant qu'ils augmentent leurs prix, mais avec en plus de la pub....bon, quand on a rapidement fait le tour, on regarde ce qu'il faut et on se desabonne, y a bcp de trucs pas terribles......bon quant a cibler les ados q...

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