Films et séries TV : les régions rivalisent d’initiatives pour attirer les productions à succès

Emploi, formation, image et retombées touristiques : les feuilletons quotidiens de type « Plus belle la vie » ou « Un si grand soleil » tout comme les séries, téléfilms unitaires ou films de cinéma tournés dans différentes villes françaises, mettent les régions sur le devant de la scène et font du bien à l’économie locale. Résultat, les territoires se concurrencent pour attirer les projets et le déploiement des studios de tournage voulu par La Grande Fabrique de l’image du plan France 2030 encourage les innovations. Décryptage.
Intégrée en 2021 à france.tv studio, la société d'effets visuels Les Tontons Truqueurs vient de démarrer la commercialisation auprès de producteurs tiers de son studio à écrans LED de 100 m2. La structure est en fin d'installation.
Intégrée en 2021 à france.tv studio, la société d'effets visuels Les Tontons Truqueurs vient de démarrer la commercialisation auprès de producteurs tiers de son studio à écrans LED de 100 m2. La structure est en fin d'installation. (Crédits : Les Tontons Truqueurs)

Des histoires du quotidien, des décors baignés de soleil, des audiences insolentes, autour de 3 millions de téléspectateurs en moyenne par jour : Plus Belle la vie, le pionnier des feuilletons quotidiens a longtemps régné en monopole sur France 3. Au moment où TF1 relance la marque sous le titre Plus belle la vie, encore plus belle, ce soap tourné au pôle média de la Belle de Mai à Marseille mais aussi dans la banlieue de la cité, à Allauch, a vu arriver plusieurs concurrents ces dernières années : Demain nous appartient et Ici tout commence, tournés à Sète et Saint-Laurent d'Aigouze pour TF1, Un si grand soleil, situé à Montpellier sur France 2. À ces productions made in Occitanie ou Région Sud, s'ajoutent, de Lille à la côte basque en passant par la Bretagne de multiples collections (Meurtres à...), séries (HPI, Les Petits meurtres d'Agatha Christie) ou unitaires (Claire Andrieux, Seul), ancrés dans la réalité des territoires.

L'essor de la fiction, genre de programmes le plus consommé à la télévision et le succès croissant des œuvres françaises, y compris sur les plateformes de streaming, a aiguisé l'appétit et la concurrence des régions (l'Ile-de-France jouant hors catégorie). Les retombées sont telles qu'elles n'hésitent pas à aider au financement et à faciliter les tournages.

8 à 10 euros injectés dans l'économie locale par euro investi

« Pour attirer les productions sur leur territoire, les régions proposent des soutiens à l'écriture, au développement et à la production des œuvres » rappelait en septembre dernier le CNC, dans une note publiée au moment du Festival de la fiction de La Rochelle « Chaque année, les Hauts-de-France investissent 8,6 millions d'euros dans le soutien à la création. En Région Sud, le fonds d'aide est passé de 6 à 7,25 millions en 2020 ».

Afin de remporter le tournage à Vitré (Ille-et-Vilaine) de la série rurale diffusée sur france.tv, Déter, la Région Bretagne, dont le fonds d'aide à l'audiovisuel a grimpé à 4 millions d'euros, n'a lésiné ni sur l'accueil ni sur l'accompagnement économique du projet. Alors que le Conseil régional estime qu'un euro investi permet de réinjecter 8 à 10 euros dans l'économie locale, il a co-financé avec Vitré Communauté, les 200 épisodes de 7 minutes pour un montant global de 800.000 euros, soit près de 10% du budget total de 10 millions d'euros.

Un investissement aux retombées non pérennes, puisque cette série consacrée à des élèves en lycée agricole ne connaîtra pas de saison 2. Selon la collectivité, elle met toutefois en valeur l'enseignement et le monde agricole, deux sujets ô combien d'actualité. Le projet avait pourtant importé le savoir-faire de production, efficace et quasi-industriel, développé par france.tv studio, près de Montpellier.

Depuis 2018, la filiale de France Télévisions a installé à Vendargues le tournage du feuilleton Un si grand soleil (saison 6 en cours), dont le poids est devenu considérable. Sur ce site de 16.000 m2, 260 épisodes sont tournés chaque année (budget 40 millions d'euros) avec quatre équipes. La production emploie environ 250 personnes par jour et mobilise des techniciens, des comédiens locaux et des figurants, soit l'équivalent de 47.000 jours de travail pour plus de 1.800 habitants de la région.

Vendargues 1 et 2, un projet d'ampleur

Constitué, entre autres, de quatre plateaux (4.000 m2), d'espaces de post-production, d'un atelier de peinture, d'une menuiserie et d'une ressourcerie, le site a connu une phase d'extension et d'innovation en 2022 et s'ouvre aujourd'hui à des projets extérieurs. Intégrée en 2021 à france.tv studio, la société d'effets visuels Les Tontons Truqueurs démarre ainsi la commercialisation auprès de producteurs tiers de son studio à écrans LED de 100 m2.

« Avec son écran principal de 40 m2, son plafond de 32 m2 et ses deux murs mobiles de 12 m2 chacun, ce studio est particulièrement dédié à des tournages de séries et de films nationaux, aux budgets moyens. Par rapport à un studio de 400m2, on divise le prix au moins par deux » estime Pierre-Marie Boyé. Le directeur des productions des Tontons Truqueurs, dont la marque de fabrique est l'intégration virtuelle en temps réel, calcule qu'en 2023 sa société a fabriqué 8.000 plans truqués pour Un si grand soleil, intégrés dans 20 décors (hôpital, ville, bureau...), avec un pic à 120 plans truqués sur un épisode.

Ce savoir-faire, également utilisé sur le nouveau film de Noémie Merlant, Les Femmes au balcon, est appelé à booster l'activité globale des V Studios dans le cadre du plan France 2030.

« Dans le courant de l'année 2025, nous ouvrirons à 800 mètres d'ici Vendargues 2, un autre studio de tournage de 3.000 m2 de plateaux, orienté plutôt vers le cinéma et les industries culturelles et créatives (animation 3D, jeu vidéo). Il sera entouré d'infrastructures développées en partenariat avec la foncière Proud Reed sur un total de deux hectares. Ce projet à 30 millions d'euros, retenu par l'appel à projets la Grande Fabrique de l'image, a l'ambition d'offrir des services de haute qualité à coûts maîtrisés » assure le producteur Toma de Matteis.

Conçu comme un hub créatif, il vise aussi à faire croître sur le territoire une industrie extrêmement consommatrice en main d'œuvre. « Un gage d'emploi assuré » ajoute le directeur délégué du pôle œuvres de france.tv studio.

Structuration de filière et carte postale des territoires

Pour cela, France Télévisions s'appuie sur le partenariat noué avec la Région Occitanie/ Pyrénées-Méditerranée, Montpellier Méditerranée Métropole et la Ville de Montpellier. Le projet Vendargues bénéficie d'aides régionales pour le bâti et l'innovation. En contrepartie, le groupe public contribue activement, en termes de formation aux métiers de l'image et de recrutement de talents, à la structuration de l'écosystème des industries culturelles et créatives implanté sur le territoire.

Un scénario identique à ce qui se joue à la Victorine à Nice, aux studios de Bry-sur-Marne ou à ceux de Reims. À Marseille, le renouveau de Plus Belle la vie revêt un enjeu économique important alors que la 2e ville de France ambitionne de devenir la capitale du cinéma en Méditerranée, via le plan Marseille en Grand. Selon des chiffres publiés en 2023 par l'Association régionale des techniciens du Sud-Est, le feuilleton générait 572 jours de tournage par an (sur les 1.434 accueillis en ville) et faisait travailler 600 intermittents, avec une moyenne de 30.000 journées sous contrat de travail par an.

Au-delà de l'impact économique sur l'emploi et les filières, les tournages de fiction constituent aussi une aubaine en termes d'image et de retombées touristiques.

« Carte postale d'une région dans sa diversité et ses époques, la fiction TV joue un rôle de proximité entre les publics et les territoires » fait ainsi valoir le CNC. Les collectivités s'emploient donc à valoriser au maximum leurs infrastructures et leurs décors naturels, mas provençaux, champs de lavande, plages de sable fin ou châteaux magnifiques. Hors ou en complément des studios, ces lieux de tournage exceptionnels appâtent les producteurs mais aussi les fans.

Lupin, Emily in Paris, un ciné-tourisme dopé par les plateformes

À Marseille, le quartier pittoresque et historique du Panier a vu sa fréquentation exploser depuis la diffusion de Plus belle la vie. Touristes comme locaux partent sur les traces d'Emily in Paris dans le Vaucluse ou d'Alex Hugo sur les sentiers des Hautes-Alpes.

Encore émergente ces dernières années, la tendance du ciné-tourisme a pris de l'ampleur, explique une autre étude du CNC publiée mi-janvier. Huit touristes étrangers sur dix ont visité la France après avoir regardé une fiction (film ou série) française, avec en tête des titres les séries de Netflix, Emily in Paris et Lupin. S'agissant des visiteurs français, l'impact est aussi significatif sur des villes comme Sète (Demain nous appartient) ou des parcs comme celui de la Camargue.

Devant un tel levier d'attractivité, la concurrence entre les régions et les villes a tendance à s'amplifier. En Normandie, Hervé Morin, le président de la région s'enorgueillit d'avoir créé un nouveau fonds de 500.000 euros pour accompagner le tournage de séries. Suite à la venue de plusieurs séries internationales (Toute la lumière que nous pouvons voir pour Netflix, The Walking Dead pour Paramount+, Commissaire Dupin, un hit de la télévision allemande) et de films à gros budget (Les Trois Mousquetaires), la Ville de Saint-Malo vient de créer une cellule spécifique dédiée aux tournages.

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Commentaires 2
à écrit le 01/02/2024 à 18:40
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L'état devrait injecter de l'argent dans la Cité du cinéma de Luc besson ce vaste complexe regroupant 23.000 mètres carrés de bureaux, 10.000 mètres carrés de plateaux de tournage qui à fermé ou est en train de fermer, c'est du gachi. Des cinéastes c...

à écrit le 01/02/2024 à 17:23
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Notre création audiovisuelle n'étant pas terrible il faudrait essayer de faire venir les productions étrangères qui sont très nombreuses et que la France peut attirer plus facilement si on leur présente l'idée. Mais bon c'est sûr faut se creuser la t...

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