Reprise : quand Etretat s'emploie à dissuader les touristes

Le coronavirus et le succès planétaire de la série Netflix avec Omar Sy précipitent des milliers de visiteurs sur l’écosystème fragile des falaises d’Etretat, déjà sur-fréquenté. Faudra t-il « démarketer » la destination pour la préserver du tourisme de masse ? La question est à l'ordre du jour.
Les célèbres falaises d'Etretat pourraient être mises en péril du fait de la sur-fréquentation
Les célèbres falaises d'Etretat pourraient être mises en péril du fait de la sur-fréquentation (Crédits : DR)

Les falaises les plus connues de France se sont comme évaporées des derniers dépliants de l'office du tourisme du Havre-Etretat. On aura beau chercher, on n'y trouvera plus aucune photo de la mythique aiguille ou du trou à l'homme dans lequel aiment à se cacher les badauds. Non que la banque d'images soit vide -au contraire, elle déborde !

Cette soudaine pudeur découle en réalité de la volonté de l'équipe municipale de mettre la pédale douce sur la promotion. « La mairie nous a demandé de ne pas communiquer plus que de raison », justifie Eric Baudet, directeur de l'Office du tourisme. En cause, la sur-fréquentation de ce joli bourg de 1.200 âmes qui s'étend sur seulement 4,4 km2. Moitié moins si l'on exclut la surface du  golf. Après 18 mois de crise du tourisme, les propos peuvent interpeller.  Mais, depuis une petite dizaine d'années, le site connaît un afflux exponentiel de visiteurs qui met à rude épreuve les équipements de la commune... et les nerfs de ses administrés.

« On est arrivé à un point de rupture, le village a été cannibalisé », concède l'adjointe au maire en charge du tourisme.

Estelle Serafin est d'autant plus préoccupée que la situation s'est encore tendue à la faveur du débarquement en nombre des vacanciers français après le confinement mais aussi de l'engouement pour la série Lupin. Une publicité gratuite offerte par Netflix aux falaises chères à Maurice Leblanc dont l'élue se serait bien passée. « Ce double phénomène a cristallisé les difficultés » déplore t-elle.

La jauge est passée au rouge

Pour les riverains, permanents ou résidents secondaires, la coupe est pleine. « La jauge est passée au rouge. Cela devient intolérable », fulminent les responsables de  l'Association des propriétaires et amis d'Etretat qui dénoncent en vrac les incivilités, le stationnement anarchique, les embouteillages monstres, la dégradation des sentiers côtiers, la pollution sonore ou encore les amoncellements de déchets. Tous sont unanimes, le joyau de la côte d'Albâtre est en passe de perdre son âme. A leur crédit, il est vrai que les chiffres sont édifiants.

Lors des grands week end, le village peut recevoir plus de huit mille personnes par jour pour des infrastructures dimensionnées pour la moitié « grand maximum », insiste t-on dans les couloirs de la mairie. De 500.000 dans les années 90, le nombre de visiteurs annuels a presque triplé. « C'est un drame humain et environnemental » va jusqu'à dénoncer une pétition lancée par une autre association locale sous le titre « Habitants seuls et démunis face au tourisme de masse ». Ses 1.500 signataires réclament notamment que l'on cesse « toute forme de promotion ».

Haro sur le turbo-touriste

Face à cette submersion, l'exécutif municipal a décidé de réagir. Dénommé « Etretat, change the game », un plan chiffré à 50 millions d'euros sur six ans a été élaboré avec la communauté urbaine du Havre que le village a intégré en 2019 à la faveur de son élargissement. Si le terme demarketing inventé par les théoriciens du tourisme n'est pas employé, la finalité s'en rapproche. Il s'agit ni plus ni moins de rendre moins désirable la destination. Ou, pour le dire autrement, de réguler la fréquentation afin de redescendre à une jauge plus supportable de cinq mille personnes/jour.

« Nous voulons un tourisme plus responsable et plus qualitatifL'idée est de décourager les hordes de visiteurs qui arpentent le perret pendant une heure puis repartent sans consommer », décrypte Estelle Serafin.

Parmi les mesures prioritaires, la piétonnisation du centre, la montée en gamme des commerces et la construction d'un nouveau parking à capacité limitée à l'écart du village. En ligne de mire, le turbo-tourisme que les élus espèrent endiguer en imposant des contraintes, aux tour-opérateurs notamment. « Les bus auront l'obligation de se pré-enregistrer et pour un temps donné. Plus ils stationneront longtemps, plus le tarif sera dégressif », détaille l'adjointe au maire. La commune s'est aussi battue pour obtenir des effectifs supplémentaires de gendarmes et de policiers. Lui reste à réunir les financements nécessaires à la mise en œuvre de ce plan.

« Valoriser autrement »

En attendant, les instances chargées de promouvoir Etretat réorientent leurs messages. « Cette année, nous avons axé exclusivement la communication sur le musée du Clos Lupin, le land art et la première étoile Michelin du Domaine de Saint Clair pour montrer une offre culturelle plus qualitative », indique Eric Baudet.

De son côté le Comité régional du tourisme (CRT) recommande aux vacanciers de planifier leurs visites « aux heures creuses, tôt le matin et tard le soir », histoire de rebuter les allergiques à la foule. « On essaie de valoriser autrement la destination avec une approche plus respectueuse des lieux en incitant par exemple les visiteurs à arriver par le GR21 ou à s'essayer au paddle au pied des falaises », souligne son porte-parole. L'exercice n'en relève pas moins de l'équilibrisme.

Difficile de faire l'impasse sur ce qui reste l'une des locomotives touristiques de la région sans fâcher les professionnels qui en vivent. « Ce n'est pas évident du fait que l'image d'Etretat est indissociable de celle de la marque Normandie », reconnaît-on au CRT. A défaut, les collectivités de la côte d'Albâtre réunies sous l'égide du Département de Seine-Maritime dans le cadre d'une « Opération grand site » essaient de « déconcentrer ». Comprendre, de détourner l'attention vers d'autres lieux proches mais moins saturés. Une autre des ficelles du démarketing.

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Commentaires 4
à écrit le 18/07/2021 à 12:36
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Vendre, quoi qu'il en coûte. J'ai vu Lupin/Netflix. Omar Sy est très bon, mais c'est globalement assez mauvais. En tout cas c'est artistiquement raté. Les réseaux sociaux (et assimilés) ont cela de bon qu'ils permettent des succès mondiaux même pour ...

à écrit le 17/07/2021 à 10:52
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C'est drôle quand les gens voyagent ils transportent le virus il paraît.

à écrit le 17/07/2021 à 10:26
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Un pass sanitaire et 100 balles le passage !

à écrit le 16/07/2021 à 17:19
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Il faut faire comme en Bretagne, parking hors de prix à 8 km, ça aèrera le village, enrichira la mairie.bien sur gratuit et libre du 1er janvier à fin février que je passe y faire un tour.

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