Vivendi lancera une OPA sur Lagardère en avril

Le géant des médias de Vincent Bolloré a annoncé son calendrier pour tenter de contrôler totalement le groupe Lagardère, dont il détient déjà plus de 45%. Vivendi prévoit de faire une offre publique d'achat (OPA) entre mi-avril et fin mai prochain.
Vivendi propose aux actionnaires d'acquérir « leurs actions Lagardère au prix unitaire de 25,50 euros », dividende inclus, entre le 14 avril et le 20 mai.
Vivendi propose aux actionnaires d'acquérir « leurs actions Lagardère au prix unitaire de 25,50 euros », dividende inclus, entre le 14 avril et le 20 mai. (Crédits : Gonzalo Fuentes)

Annoncée il y a près de six mois, l'offensive de Vincent Bolloré pour prendre le pouvoir chez Lagardère se dessine. Vivendi, filiale du groupe Bolloré, a en effet déposé son calendrier d'OPA auprès de l'Autorité des marchés français (AMF). Selon le document publié lundi 21 février, le mastodonte des médias propose aux actionnaires d'acquérir « leurs actions Lagardère au prix unitaire de 25,50 euros », dividende inclus, entre le 14 avril et le 20 mai.

Vivendi avait d'abord fixé son prix d'offre à 24,10 euros par action, mais selon un analyste interrogé par l'AFP, le groupe a revu ce montant à la hausse en raison de « résultats plutôt meilleurs qu'attendu chez Lagardère » en 2021, estimant qu'il « aurait été difficile d'attirer les actionnaires » avec le prix initial.

En dehors de la période d'OPA, les autres porteurs pourront céder ultérieurement leurs actions à ce prix plancher de 24,10 euros jusqu'au 15 décembre 2023.

L'objectif de Vivendi avec cette opération ? « Prendre le contrôle en dépassant les 50% (de participation), mais on ne sait pas encore si Bernard Arnault (qui détient 10% via la Financière Agache, NDLR) et le Qatar (11,5% via Qatar Investment Authority, NDLR) vont apporter leurs titres », explique l'expert.

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Une perte ramenée à 101 millions d'euros

Le groupe Lagardère, présent dans les médias (Europe 1, JDD, Paris-Match, Virgin Radio, RFM, la licence Elle), l'édition (Hachette Livre) et le commerce de détail dans les gares et aéroports, a ramené sa perte à 101 millions d'euros en 2021 contre 688 millions d'euros l'année précédente.

« Nous avons vécu une année exceptionnelle dans toutes les divisions », a estimé mi-février Arnaud Lagardère, le PDG du groupe.

Côté résultats, la branche distribution du groupe a vu son chiffre d'affaires augmenter de 33,1% en 2021, à 2,29 milliards d'euros. Mais celui-ci reste encore toutefois substantiellement inférieur à celui d'avant le coronavirus (-46,1% par rapport à 2019).

L'activité d'édition a vu son chiffre d'affaires progresser de 9,4% à 2,6 milliards d'euros (+7,3% comparé à 2019). Dans les autres activités, qui comprennent le pôle médias, le chiffre d'affaires a augmenté de 5,7% à 242 millions d'euros (-15,2% par rapport à 2019).

Globalement, et malgré la reprise observée en 2021, le chiffre d'affaires du groupe, à 5,13 milliards d'euros, reste inférieur de 26,5% à celui d'avant la crise du coronavirus. Le résultat opérationnel est redevenu positif en 2021 (+249 millions d'euros, contre une perte opérationnelle de 155 millions d'euros en 2020).

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« OPA amicale »

Dans le cadre de cette offensive de Vivendi, le sort d'Arnaud Lagardère, héritier du groupe du même nom fondé par son père, reste quant à lui incertain. Ce dernier avait déjà perdu les pleins pouvoirs au sein du groupe familial après sa transformation juridique en société anonyme en juin dernier. Il avait alors obtenu de Vivendi de pouvoir rester aux manettes comme PDG jusqu'en 2027.

Assurant que « l'intégrité du groupe serait conservée », Arnaud Lagardère n'a cessé d'apporter son soutien à la transaction. Il la qualifiait encore la semaine dernière d' « OPA amicale » menée par « son ami de trente ans », le milliardaire Vincent Bolloré, devant une commission parlementaire. « Je suis de plus en plus conscient et convaincu que les choses vont bien se passer dans l'intérêt de tout le monde », assurait ce dernier devant une commission d'enquête sénatoriale sur la concentration des médias le 19 janvier, concédant toutefois que « les garde-fous en réalité [n'existaient] pas ou peu ».

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Géant des médias

Avec cette opération, Vivendi veut étendre son influence dans le secteur des médias en s'emparant totalement de Lagardère News. Le groupe avait commencé à se déployer dès 2015 en devenant le premier actionnaire de Canal+, s'illustrant par un remaniement brutal de la chaîne d'informations I-Télé, devenue depuis CNews.

Six ans après, Vivendi a accéléré la cadence en 2021 avec, dans un premier temps, l'acquisition en mai dernier de Prisma Media, premier groupe de magazines en France, qui édite notamment Capital, Femme Actuelle, Gala ou Geo, puis en montant au capital de Lagardère au printemps dernier.

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Aujourd'hui, le groupe a un poids colossal dans les médias : audiovisuel (groupe Canal+ et ses chaînes C8 et CNews, radio Europe 1), presse (Prisma Media, premier groupe de magazines en France, JDD, Paris-Match, Prisa en Espagne), publicité et communication (Havas), édition (Editis) ou télécoms (Telecom Italia).

« Empire médiatique tentaculaire »

Si l'opération inquiète dans les médias du fait du virage à droite de CNews et Europe 1 sous la houlette de Vincent Bolloré, elle préoccupe aussi le milieu de l'édition. Ce rapprochement entre Vivendi, propriétaire d'Editis numéro deux de l'édition en France, et Lagardère Publishing, maison mère de Hachette Livre et numéro un de l'édition, aboutirait à une position ultra-dominante de cette nouvelle entité sur le secteur. Ce que ne devraient pas permettre les autorités de la concurrence française et européenne.

Un collectif baptisé "Stop Bolloré", composé de syndicats, associations, médias et personnalités de gauche, a lancé un appel mercredi 16 février pour dénoncer la constitution d'un « empire médiatique tentaculaire » accusé de servir une « idéologie réactionnaire ». Devant les sénateurs, en janvier dernier, Vincent Bolloré avait nié tout objectif politique parlant d'un « intérêt purement économique ».

L'entreprise familiale Bolloré a par ailleurs fêté mi-février son bicentenaire. Un anniversaire qui aurait dû marquer le départ de Vincent Bolloré, 70 ans en avril, mais la passation de pouvoir a finalement été reportée. L'empire Bolloré, façonné en quarante ans à coups d'acquisitions, totalise aujourd'hui 80.000 salariés et 24 milliards d'euros de revenus annuels.

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(Avec AFP)

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Commentaires 2
à écrit le 22/02/2022 à 11:54
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L'epilogue approche pour le fiston qui ne merite pas son patronyme. Il pourra tjrs se consoler dans les bras de Jade.

à écrit le 22/02/2022 à 10:36
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« Je suis de plus en plus conscient et convaincu que les choses vont bien se passer dans l'intérêt de tout le monde », En language oligarchique "tout le monde" c'est "moi" puisque totalement incapables de penser à autre chose et chose est le mot qui ...

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