Records d'abonnés Netflix : après le confinement, un dur retour à la réalité ?

Le leader mondial du streaming vidéo a séduit 15,8 millions de nouveaux abonnés depuis janvier, pour un total de près de 183 millions de spectateurs payants dans le monde. Un record directement attribué au confinement lié au coronavirus. Pour autant, Netflix se montre très prudent pour l'après-confinement, d'autant plus que l'arrêt des tournages va fortement impacter la sortie de ses programmes originaux, la clé de son succès.
Anaïs Cherif
Dopé par le confinement du au coronavirus, le leader mondial du streaming vidéo Netflix totalise près de 183 millions d'abonnés (+23% sur un an).
Dopé par le confinement du au coronavirus, le leader mondial du streaming vidéo Netflix totalise près de 183 millions d'abonnés (+23% sur un an). (Crédits : Dado Ruvic)

Netflix tire son épingle du jeu. Alors que de nombreuses entreprises subissent de plein fouet le coup de frein mondial porté à l'économie par l'épidémie du coronavirus, le leader du streaming vidéo ne connaît pas la crise. L'entreprise californienne enregistre même de nouveaux records, selon ses résultats trimestriels publiés mardi.

Netflix a séduit ainsi 15,8 millions de nouveaux abonnés entre janvier et mars - soit le double de ses prévisions initiales. C'est en Europe que le géant américain a enregistré la plus forte progression, avec 4,4 millions de nouveaux abonnés. Au total, la plateforme revendique près de 183 millions d'abonnés dans le monde (+23% sur un an). La raison principale de cette performance est évidente : le confinement. Plus de la moitié de la population mondiale a été appelée à se confiner pour enrayer la propagation du Covid-19, et s'est ainsi retrouvée en quête de divertissements pour combler les longues journées et soirées.

Une euphorie temporaire ?

Netflix a su capitaliser sur de nouveaux contenus. La série-documentaire "Au Royaume des fauves", sortie le 20 mars sur la plateforme, a déjà totalisé 64 millions de spectateurs. De même pour la saison 4 de la série espagnole "Casa De Papel" (65 millions). Preuve de ces belles performances : la plateforme doit juger ces chiffres suffisamment impressionnants pour les communiquer puisque jusqu'ici, elle ne fournissait pas d'audience précise par programme.

Pour autant, l'euphorie devrait être temporaire. Après ce rebond de la croissance des abonnés, Netflix anticipe naturellement une baisse suite au déconfinement. Le groupe table ainsi sur 7,5 millions de clients supplémentaires, ce qui se situe dans la fourchette traditionnelle de ses prévisions. Il insiste toutefois que cela reste une "hypothèse" en raison de la difficulté à prévoir à long terme au regard du contexte actuel.

"Intuitivement, nous pensons que les personnes qui n'ont pas rejoint Netflix pendant tout le confinement ne le feront sans doute pas juste après", estime le groupe dans sa lettre aux investisseurs.

Tournages annulés et programmes reportés d'un trimestre en moyenne

Deuxièmement, la plateforme s'attend à ressentir à plus ou moins long terme les effets négatifs du confinement quant à la production de nouveaux contenus. Pour l'instant, Netflix dispose encore d'une certaine visibilité car elle se repose sur des programmes déjà tournés. "Nos films et séries prévus pour 2020 sont pour la plupart déjà prêts à diffuser ou en post-production. Pour "The Crown", par exemple, on en est aux touches finales, et la série (sur la reine d'Angleterre, ndlr) sortira bien cette année", s'est félicité Ted Sarandos, directeur des contenus Netflix.

Mais à Hollywood, comme partout ailleurs, les tournages ont dû être interrompus et reportés. Par exemple, Netflix a du repousser de plusieurs mois le tournage des prochaines saisons de certaines séries populaires, comme "Stranger Things" et "Sex Education""Au cours du deuxième trimestre, il y aura seulement un impact modeste sur nos nouvelles sorties, principalement au niveau des doublages de langues", tout en précisant qu'à terme, des sorties pourront être décalées d'un trimestre en moyenne.

"Personne ne sait combien de temps il faudra avant que nous puissions redémarrer en toute sécurité la production physique dans divers pays. Et, une fois que nous le pourrons, quels voyages internationaux seront possibles et comment les négociations pour diverses ressources (par exemple, les talents, les scènes et la post-production) vont jouer", s'inquiète le groupe.

Compenser avec des contenus sous licence

La plateforme se console en soulignant que les services concurrents seront également impactés par le report et l'annulation de tournages. Mais les contenus originaux sont l'une des clés de la séduction de nouveaux abonnés pour les plateformes de streaming. Idéalement, un catalogue doit regrouper des productions originales variées, mais aussi des franchises populaires obtenues sous licence. Bémol : Netflix a déjà vu ses contenus sous licence réduire comme peau de chagrin courant 2019 car la concurrence a récupéré ses contenus pour leurs propres offres. Par exemple, la fameuse série "Friends" repartira chez WarnerMedia pour HBO Max, "The Office" retourne chez NBCUniversal, sans oublier Disney qui a récupéré les productions Marvel, Pixar et Star Wars...

Lire aussi : Les contenus originaux, clé de l'avenir de Netflix

Hors contexte de crise, la stratégie de Netflix met très largement l'accent sur la production de contenus locaux. Les tournages étant ajournés, la plateforme cherche donc temporairement - au moins - à compenser avec des films et séries sous licence supplémentaires. Le groupe a par exemple déjà annoncé lundi un partenariat avec MK2 pour diffuser 50 films d'auteurs français et internationaux à compter de cette semaine ("Jules et Jim" de François Truffaut, "Les Temps modernes" de Charlie Chaplin, "Les Demoiselles de Rochefort" de Jacques Demy...)

Le dollar fort, un frein aux revenus de Netflix

Côté finances, le report de production a permis au groupe de chouchouter sa trésorerie sur le trimestre, avec 162 millions de dollars de free cash flow, contre une perte de 1,7 milliard de dollars au trimestre précédent. Netflix a doublé son bénéfice net sur la période avec 709 millions de dollars, pour un chiffre d'affaires de 5,8 milliards de dollars (+28% sur un an). Dans sa lettre aux investisseurs, le groupe précise avoir "plus de 12 mois de liquidité et une grande flexibilité financière". A Wall Street, le titre s'appréciait seulement de 0,2% lors des échanges électroniques après la clôture, mais son action a gagné 11% environ depuis la mi-février.

Pour l'ensemble de l'année 2020, Netflix cible une marge opérationnelle de 16%. Pour autant, le groupe se veut très prudent quant aux conséquences de l'appréciation du dollar américain depuis le début de la pandémie. "En partie à cause de la crise, le dollar américain s'est considérablement apprécié, ce qui freine la croissance de nos revenus internationaux", souligne Netflix, en prenant l'exemple du Brésil. L'abonnement standard est de 33 réais, "ce qui représentait environ 8,5 dollars l'année dernière". Il équivaut désormais à 6,5 dollars sur la base du taux de change d'avril. "Nous avons donc connu sur le marché brésilien une baisse d'environ 25% du prix de l'abonnement moyen en dollars américains, ce qui compense la forte croissance de nos abonnés", détaille le groupe.

Or, plus de la moitié des revenus de Netflix ne sont pas libellés en dollars américains, précise l'entreprise. Ainsi, si le dollar américain se maintien, voire se renforce, le groupe pourrait abaisser sa prévision de croissance de la marge d'exploitation.

Anaïs Cherif

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Commentaire 1
à écrit le 23/04/2020 à 9:32
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On voit bien que les dirigeants de cette boite réfléchissent beaucoup et que c'est ce qui les rend si performants, c'est pour cela que le combat avec le char d’assaut Disney et ses centaines de milliards de pactole va être très intéressant.

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