Régulation des Gafa : la fin de l'impunité en 2020 ?

Europe, OCDE, États-Unis... Partout, les « big tech » font l’objet de pressions inédites des régulateurs : données personnelles, abus de position dominante, fiscalité... Les procédures vont se poursuivre, voire aboutir en 2020.
Anaïs Cherif
Google, qui cannibalise de nombreux marchés, est accusé notamment d’avantager ses propres produits.
Google, qui cannibalise de nombreux marchés, est accusé notamment d’avantager ses propres produits. (Crédits : Reuters Staff)

Ça chauffe de plus en plus pour les Gafa. Google, Apple, Facebook et Amazon n'ont jamais autant été dans les radars des régulateurs européens, mais aussi américains. C'était la grande nouveauté de 2019 : jusqu'alors les plus fervents défenseurs de leurs « big tech », les États-Unis osent désormais leur demander des comptes et remettre en question leur domination économique. De l'Autorité américaine de la concurrence (Federal Trade Commission ou FTC) au département de la Justice (DoJ), jusqu'à la commission des Affaires juridiques de la Chambre des représentants, tous ont lancé des enquêtes visant les mastodontes de la tech courant 2019. Sans oublier une coalition inédite de 50 procureurs des États fédérés, qui a diligenté, en septembre, une enquête antitrust à l'encontre de Google.

Face à ces géants devenus surpuissants, un courant encore plus radical se fait entendre : les appels au démantèlement se multiplient, notamment par la voix d'Elizabeth Warren, candidate à la primaire démocrate en vue de l'élection présidentielle américaine de 2020... Le premier axe d'attaque est économique. Les autorités américaines et européennes soupçonnent sérieusement les Gafa d'abus de position dominante. Google, qui cannibalise de nombreux ,marchés (recherche en ligne, publicité...), est  accusé d'avantager ses propres produits, comme son comparateur de prix Google Shopping. Amazon, qui possède la double casquette de vendeur en ligne et de plateforme pour des vendeurs tiers, fait l'objet d'enquêtes au sujet de pratiques déloyales envers ses derniers.

Apple est visé des mêmes maux pour son App Store, service qui permet d'installer des applications sur iPhone et iPad. Enfin, Facebook pourrait écoper d'amendes très salées, en Europe et aux États-Unis, à cause de son utilisation des données personnelles. Le rapprochement entre ses messageries Messenger, WhatsApp et Instagram inquiète aussi la FTC. Sans compter les menaces que le réseau social fait peser sur le débat démocratique. Alors que les élections présidentielles américaines sont en ligne de mire, la crainte des fake news et autres proliférations de discours haineux atteint un paroxysme. bLes chantiers sont donc nombreux. L'un des plus importants, et qui sera à l'agenda en 2020, est la réforme de la fiscalité internationale portée par b135 pays de l'OCDE. L'objectif : mieux taxer le numérique, et donc, par ricochet, les activités des Gafa qui ont fait de l'optimisation fiscale un domaine d'excellence.

Les Gafa ne connaissent pas la crise

« Les Gafa se retrouvent sous le feu croisé des Européens et des pays en développement, où ces multinationales font du business et sont perçues comme ne payant pas assez d'impôts sur leurs activités. Ceci explique l'émergence de mesures unilatérales, comme la "taxe Gafa" en France, mais aussi l'initiative de l'OCDE », analyse Guillaume Glon, avocat et associé chez PwC Société d'Avocats. Un accord international sur la taxation des géants du numérique est annoncé depuis un an pour novembre 2020. Pour que cet objectif puisse être tenu, les détails devront être fixés d'ici à juin 2020 par le Beps, le groupe de travail qui réunit les 135 pays participant à la réforme dans le cadre de l'OCDE. « Parvenir à une refonte complète du système fiscal international telle qu'envisagée par l'OCDE me paraît très ambitieux pour 2020. Il est possible qu'un accord de principe soit trouvé sur les grands axes, mais en matière fiscale, le diable est dans les détails», souligne Guillaume Glon.

Lire aussi : Sébastien Soriano (Arcep): "Mieux réguler les Gafa permettra de libérer la capacité des autres acteurs à innover"

Le fait que les États-Unis ne cessent de souffler le chaud et le froid rend l'issue du projet incertaine. Fervents défenseurs en janvier d'une solution internationale menée par l'OCDE, les États-Unis ont obtenu une base de travail qui leur est favorable, mais ils ont annoncé fin novembre des conditions nouvelles difficilement acceptables par l'OCDE et par certains pays comme la France. S'agit-il d'une simple tactique de négociation ou d'une volonté de faire capoter le futur accord ? « Si un acteur comme les États-Unis claque la porte des négociations, cela paraît compliqué d'aller plus loin », avance Guillaume Glon. Mais l'avocat estime que la puissance mondiale n'y a pas intérêt. « Ils sont conscients de leur force : les travaux en cours ont d'ailleurs été conçus ou imaginés sous l'influence directe de la récente réforme fiscale américaine. Il est donc probable que les propositions actuelles soient aménagées pour assurer l'adhésion des États-Unis et que les ambitions des pays européens et en développement soient revues à la baisse. »

Quoi qu'il en soit, malgré les pressions croissantes qui viennent de partout, les Gafa ne se sont jamais aussi bien portés... financièrement. Valorisé 1.220 milliards de dollars, Apple a atteint un nouveau record historique avec une action à 275 dollars (+ 68 % environ sur un an !). Alphabet, maison mère de Google, a également enregistré un record avec un titre à 1.346 dollars (+ 31 %), ce qui la valorise à 930 milliards de dollars. Amazon, valorisé 873 milliards de dollars, obtient une hausse de son cours de 13,7 %. Enfin Facebook, valorisé à 553 milliards de dollars, profite d'une hausse de 28 % sur un an.

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EN CHIFFRES

+ 31%. La hausse de l'action d'Alphabet, la maison mère de Google en 2019, à 1.346 dollars, ce qui la valorise à 930 milliards de dollars.

Anaïs Cherif

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Commentaires 8
à écrit le 30/12/2019 à 8:04
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Gafam à dynamiter ok. Mais je pense qu’il n’en sera rien. Si les Gafam sont en danger, ils ont les moyens de corrompre suffisamment de politiciens et de fonctionnaires. D’autre part, ils sauront agiter le péril rouge et indiquer qu’ils risquent d’êtr...

à écrit le 28/12/2019 à 18:07
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Et les big tech chinoises ?? Qui va les démanteler ??

à écrit le 27/12/2019 à 19:05
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Et si nous commencions à balayer devant notre porte. Je parcourais au hasard la revue 01 net et mon regard fut attiré par un article du genre " Et si l'état était accro aux GAFAM", du lourd avec des noms d'anciens hauts collaborateurs de Minist. rec...

le 27/12/2019 à 20:31
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ben ouais, le niveau d'affairisme fait qu'il n'y a plus de différences entre la politique et les affaires. Je suis certain en tout cas en regardant les gagnants de la grève en France, ce sont les mêmes..... Alors si il a, a ce niveau, autant de...

le 28/12/2019 à 9:51
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Mon cher Gonzague: je suis parfois inquiet pour mes petits enfants lorsque je lis Robert O Paxton (mais pas que), "la catastrophe de 1940 est en partie celle des élites", vite trouvons un Louis 13 et un Richelieu pour remplacer ces gens..

le 28/12/2019 à 18:48
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Echange avec Albert Oui le livre de Robert est ce qui se fait de mieux pour comprendre aussi l'aspect cyclique du phénomène. Je suis disons, un passionné, plutôt par le silence d'une famille qui a payé un lourd tribu a ce type de comportement ...

le 29/12/2019 à 19:02
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Questionné par N. Polony Régis Debré dans une récente vidéo sur l'excellent site Marianne résume en quelques phrases: "L'absence de décisions caractérise le temps présent - le bavardage tue l'acte… la raison s'efface sur le sentiment… le peuple dési...

à écrit le 27/12/2019 à 18:45
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Des puissances financières qui existent depuis des centaines de siècles dépassées par une bande de morveux immatures en quelques années, forcément, ça ne va pas. De part sa puissance chaque GAFAM est un lobby en soi, forcément les jeux d'équilibr...

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