Télécoms : le régulateur britannique ne veut pas d'oligopoles

L’Ofcom, le gendarme des télécoms outre-Manche, juge qu’il est "vital" que le secteur des communications soit "au cœur" des négociations concernant la sortie de la Grande-Bretagne de l’UE. L’institution veut en profiter pour élargir ses pouvoirs, et empêcher l'émergence d'oligopoles.
Pierre Manière
La patronne de l’Ofcom a également appelé à ce que la régulation du marché de détail demeure forte dans les télécoms. Elle souhaite disposer de cette arme pour protéger les consommateurs de prix trop élevés, et notamment les plus « âgés » et les plus « vulnérables ».

A n'en point douter, les télécoms vont faire l'objet de difficiles négociations entre la Grande-Bretagne et Bruxelles. Jeudi dernier, Sharon White, la directrice générale de l'Ofcom, le régulateur britannique du secteur, a appelé le gouvernement à lui donner davantage de pouvoirs en vue du Brexit. De fait, le secteur est très encadré par Bruxelles. Dans ce contexte, d'après Sharon White, quitter l'UE nécessite impérativement d'examiner si les règles européennes "continuent à servir les intérêts de tous les Britanniques et leurs entreprises".

A l'en croire, ces négociations doivent être prioritaires. Avec un chiffre d'affaires annuel de 57 milliards de livres (environ 67 milliards d'euros), le secteur des communications pèsent 3% du PIB britannique. C'est le second secteur du pays, derrière la finance. En outre, elle rappelle que ses entreprises font beaucoup de business Europe.

"BT fournit des services à tous les pays de l'UE, et 12% de son capital est détenu par Deutsche Telekom, précise la patronne de l'Ofcom. O2 est la propriété de l'espagnol Telefonica. Vodafone a son siège ici [à Londres, Ndlr], mais génère la moitié de son chiffre d'affaires - environ 20 milliards de livres - dans l'UE".

Le "progrès" de la fin des frais d'itinérance

De manière plus générale, elle rappelle qu'à l'heure du numérique, disposer d'une connexion Internet rapide et à bon prix n'est plus un luxe, mais est aujourd'hui essentiel pour toute activité économique. Impossible donc, à ses yeux, d'imaginer un Brexit sans que l'Ofcom soit suffisamment armé pour réguler correctement le secteur.

L'Ofcom ne veut pas balayer toute la régulation européenne. Elle estime, par exemple, que la fin programmée des frais d'itinérance dans l'UE fait partie des "progrès [...] qui doivent se retrouver dans les accords entre le Royaume-Uni et les états-membres". "Sinon, poursuit-elle, nos opérateurs mobiles risquent d'être exposés à des coûts injustes, et les consommateurs et les entreprises pourraient finir par payer plus cher [leurs abonnements, Ndlr] que nos voisins européens".

En revanche, Sharon White souhaite qu'après le Brexit, l'Ofcom ait de nouveaux pouvoirs pour éviter que des oligopoles n'émergent :

"Que diriez-vous si la consolidation du secteur accouche d'un petit nombre de grands acteurs concentrant tous les pouvoirs ? Sur ce point, je pense que nous avons l'opportunité d'introduire de nouvelles protections. Si les marchés ne sont plus compétitifs, l'Ofcom doit avoir les moyens de protéger les consommateurs britanniques".

Lutte contre les oligopoles

A ce sujet, Sharon White déplore le "flou" de la politique de l'UE. Elle regrette que la Commission européenne ne soit pas favorable à l'instauration d'un cadre clair permettant de déceler un oligopole et d'appliquer des remèdes. Dans ce type d'affaire, Bruxelles n'applique plus une régulation en amont, dite ex-ante. L'UE laisse désormais la main, en aval, à la Commission de la concurrence, qui mène l'enquête après une plainte par exemple.

Or dans ce cas, il appartient au régulateur de prouver qu'il y a bien un oligopole, ce qui constitue un travail aussi difficile que titanesque, explique une source bruxelloise. Pour Sharon White, cette situation n'est pas acceptable. Surtout qu'à ses yeux, c'est la concurrence - et non la consolidation - qui demeure le grand moteur de l'investissement, en plus d'être un rempart contre la hausse des prix.

La patronne de l'Ofcom a également appelé à ce que la régulation du marché de détail demeure forte dans les télécoms. Elle souhaite disposer de cette arme pour protéger les consommateurs de prix trop élevés, et notamment les plus "âgés" et les plus "vulnérables". Il faut dire que mi-septembre, la Commission européenne a plaidé en faveur d'un assouplissement de la régulation dans les télécoms pour favoriser le déploiement des réseaux très haut débit. Cette nouvelle politique, qui vise à booster les investissements, a été interprétée par plusieurs acteurs comme le signe d'une déréglementation concernant les opérateurs historiques. Y compris, donc, de BT, le "Orange britannique".

"En réalité, la Commission a simplement voulu dire qu'elle se montrerait flexible sur le front de la régulation seulement si les investissements sont au rendez-vous", poursuit notre source bruxelloise. Pas de quoi, visiblement, rassurer Sharon White. Laquelle n'hésitera pas à profiter du Brexit pour tenter de conserver et d'élargir les pouvoirs qu'elle estime nécessaires.

Pierre Manière

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Commentaires 2
à écrit le 06/12/2016 à 10:52
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Les Anglais sauront toujours bien défendre leurs intérêts, bien mieux que les Français. On mesure avec les télécoms le vice de l'UE, notamment le fait que ce soit le régulateur qui doive prouver la faute au lieu d'avoir des règles précises pour inter...

à écrit le 06/12/2016 à 9:23
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oui c'est sur, sortir de l'europe ca n'aura pas que des avantages, mais aussi des couts! levee de bouclier quand la marmite detenue par unilever a vu son prix monter de 10% suite a la devaluation de la pound!

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