Alcatel-Lucent : renaissance et jackpot des brevets

L'équipementier télécoms est bénéficiaire sur l'année 2011 pour la première fois depuis la fusion en 2006. Il a signé un accord original avec un intermédiaire pour mieux vendre des licences sur ses brevets qui lui rapportera des centaines de millions d'euros.
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Sirène hurlante, sono crachant des tubes de variété en plein VIIe arrondissement : plusieurs centaines de salariés d'Alcatel-Lucent s'étaient rassemblés à l'appel des syndicats CGT, CFDT et CFE-CGC vendredi midi, devant le siège parisien de l'équipementier télécoms français, à deux pas de la Tour Eiffel. Une manifestation destinée à exprimer leur « exaspération » contre le gel des salaires en France annoncé le 31 janvier par la direction et à perturber la présentation des résultats 2011 aux analystes financiers et à la presse par le directeur général d'Alcatel-Lucent, Ben Verwaayen. « Je comprends très bien leur réaction. Ce n'est pas un gel total, mais il n'y aura pas d'augmentation générale. Nous prenons très au sérieux notre politique de réduction de coûts » a expliqué le dirigeant, de sa voix posée, sans ciller, malgré le tintamarre en bruit de fond. En 2012, le groupe veut encore économiser 500 millions d'euros.

Soulagement des investisseurs

Les revendications salariales reprennent de la vigueur à l'heure où le groupe, qui emploie 78.000 personnes dont 9.000 en France, va beaucoup mieux. « Pour la première fois, depuis la fusion [du français Alcatel et de l'américain Lucent en 2006, NDLR], nous enregistrons un résultat net positif » se félicite Ben Verwaayen. Alcatel-Lucent a dégagé un bénéfice net part du groupe de 1,095 milliard d'euros en 2011, contre une perte nette de 334 millions en 2010, et ce pour un chiffre d'affaires de 15,3 milliards, en repli de 2,1%. De quoi soulager les investisseurs, après la mauvaise surprise de l'avertissement sur résultats en novembre : l'action Alcatel-Lucent s'est envolée de 12% en Bourse vendredi, à seulement 1,68 euro, soit 3,9 milliards d'euros, ce qui en fait l'avant-dernier du CAC 40, devant Peugeot. Le titre a certes rebondi de 39% depuis janvier mais il est loin des 4,4 euros du printemps 2011.

« Presque » une entreprise normale

Arrivé aux commandes en septembre 2008, le Néerlandais, ex-patron de BT, s'était notamment fixé pour objectif de faire du groupe une entreprise « normale » après les restructurations en série, les traumatismes et les guerres de chefs post-fusion. « Nous y sommes presque, pas totalement. J'espère que ce sera le cas à la fin de l'année » confie-t-il. Le groupe n'a pas versé de dividende depuis 2007 et ce n'est pas à l'ordre du jour pour l'instant. « Il est important d'avoir un bilan équilibré, il faut y aller pas à pas » insiste Ben Verwaayen. Prudent, dans un environnement macro-économique incertain et dans un secteur très concurrentiel, il se montre malgré tout optimiste pour 2012, en visant une marge d'exploitation ajustée en amélioration par rapport aux 3,9% de 2011 et un niveau élevé de trésorerie nette à la fin de l'année. Alcatel-Lucent a finalisé le 1er février la vente de Genesys (logiciels pour centres de contact) aux fonds Permira et Technology Crossover Ventures pour 1,5 milliard de dollars, somme qui sera consacrée au désendettement.

Le trésor des Bell Labs

Interpelé par la course aux brevets dans la téléphonie mobile, qui a conduit Google à s'offrir Motorola et ses 17.000 brevets pour 12,5 milliards de dollars et un consortium mené par Apple à débourser 4,5 milliards de dollars pour les 6.000 brevets de feu son concurrent canadien Nortel, Alcatel-Lucent a cherché un moyen de mieux valoriser son vaste portefeuille de 29.000 brevets, « pertinent pour une large gamme de technologies, notamment les communications fixes et mobiles, les semi-conducteurs, l'électronique, le multimédia, l'optique, les logiciels, le cloud computing, les applications et la sécurité des réseaux.» Il a choisi « une approche innovante » un accord de syndication de licence avec une société spécialisée dans la gestion des brevets, le californien RPX Corp qui capitalise quelque 970 millions de dollars au Nasdaq. « Nous avons un trésor avec les Bell Labs. Les brevets, c'est important non pas seulement pour la défense de l'entreprise mais aussi pour l'innovation. Nous conservons la propriété des brevets. Nous espérons des recettes substantielles de cet accord » explique Ben Verwaayen. Les sommes en jeu seraient de l'ordre de « plusieurs centaines de millions d'euros, pour atteindre près de 1 milliard d'euros en cumulé » selon les analystes d'Oddo Securities. Un montant que ne commente pas le dirigeant qui laisse entendre que les investisseurs seront surpris dans six mois quand ils découvriront ce que rapporte cette mine d'or jusqu'ici insuffisamment exploitée.
 

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Commentaires 2
à écrit le 12/02/2012 à 20:08
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Blocage des sites en perspective

à écrit le 11/02/2012 à 10:00
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Conséquence: gel des salaires et suppression de postes de chercheurs dans les Bell Labs!!

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