Le torchon brûle à nouveau entre TF1 et Canal+. Ce vendredi, la filiale du géant des médias Vivendi, contrôlé par Vincent Bolloré, a tout bonnement décidé de couper le signal de la Une, mais aussi de TMC, TFX, TF1 Séries Films et LCI. Au regard de l'état-major de Canal+, TF1 profite de sa « position dominante » dans le cadre du renouvellement du contrat de distribution de ses chaînes de la TNT. Canal+ affirme dans un communiqué que TF1 lui réclame « une rémunération très conséquente ». Face à « ces exigences infondées et déraisonnables » concernant « des chaînes qui sont accessibles gratuitement pour tous », Canal+ a décidé d'interrompre leur diffusion.
De quoi susciter l'ire de TF1. Dans un communiqué, le groupe de télévision « déplore fortement » la décision de Canal+, qui fait ainsi « le choix de priver ses abonnés de chaînes et services qu'ils payent dans leur abonnement ». TF1 estime que ses nouvelles conditions n'ont rien de déraisonnable. Le groupe rappelle que celles-ci ont été acceptées par tous les autres distributeurs. Parmi eux, on retrouve les opérateurs télécoms Orange, SFR, Free et Bouygues Telecom, mais aussi les plateformes Molotov et Salto. TF1 précise, en outre, qu'il reste « ouvert aux discussions dans l'optique de trouver un accord rapidement », et cesser de « pénaliser davantage les millions de téléspectateurs qui reçoivent les chaînes du groupe via Canal+ ».
Canal+ réticent à sortir le chéquier
Ce n'est pas la première fois que TF1 et Canal+ s'écharpent à ce sujet. Il y a quatre ans, ce dernier n'avait pas hésité à couper le signal de TF1 et des chaînes de la TNT du groupe. A l'époque, Canal+ avait également torpillé les « exigences financières » de la filiale du groupe Bouygues, jugées « déraisonnables et infondées ». Les deux cadors du petit écran avaient fini par s'entendre quelques mois plus tard. Mais difficilement, après que le CSA, le régulateur de l'audiovisuel, et le gouvernement montent au créneau, et appellent les deux groupes à enterrer la hache de guerre.
Le fond du problème reste le même. Canal+ est réticent à sortir le chéquier. Ses dirigeants estiment que les chaînes en question sont gratuites, « et doivent le rester ». La filiale de Vivendi argue, en outre, qu'en les diffusant, elle contribue à doper leur audience, que TF1 monétise ensuite via la publicité. Mais pour sa part, TF1 estime qu'il est naturel que ses distributeurs paient pour la diffusion de ces chaînes, qui contribuent à étoffer leur offre de contenus. Il y a quatre ans, ces contrats de distribution avaient, selon nos informations, rapporté autour de 60 millions d'euros par an à TF1.
Un timing défavorable à TF1
Dans le conflit actuel, c'est le timing de la coupure du signal des chaînes de TF1 qui interpelle. Il intervient certes à l'échéance du dernier contrat de distribution avec Canal+. Mais aussi, et surtout, à trois jours d'un rendez-vous crucial pour le groupe de télévision de Martin Bouygues. Lundi prochain, son état-major sera entendu par l'Autorité de la concurrence concernant son mariage avec M6. Or celui-ci a du plomb dans l'aile depuis que l'institution de la rue de l'Echelle s'est montrée défavorable, fin juillet, à ce projet, qui accoucherait d'un mastodonte de la télévision dans l'Hexagone. Alors que les opposants à ce mariage estiment que l'ensemble TF1-M6 serait trop puissant dans le paysage audiovisuel, Canal+ reprend bien cet argument à son compte en critiquant la « position dominante » de la filiale de Martin Bouygues.
Canal+ n'essaye t-il pas, ici, de déstabiliser TF1 ? Ou de profiter du calendrier pour arracher un accord financier plus favorable ? Interrogé par La Tribune, Canal+ ne souhaite pas faire de commentaire. Il y a tout juste un an, Maxime Saada, le patron de Canal+, avait critiqué la fusion entre TF1 et M6 au festival de la Fiction de la Rochelle. Selon lui, ce projet « fait peser des risques sur l'écosystème local français », sans « répondre au problème mondial de la concurrence » des géants du Net et du streaming.
Bolloré refuse de commenter le deal TF1-M6
Depuis, le dirigeant s'est montré, publiquement du moins, discret à ce sujet. Lors d'une audition au Sénat en janvier dernier, Vincent Bolloré, le chef de file de Vivendi, avait, pour sa part, estimé que Canal+ n'était « pas en concurrence » avec TF1 et M6. « TF1 et M6 sont des groupes français, dont l'essentiel de l'activité se concentre dans notre pays, a-t-il déclaré. Nous le sommes nous aussi, mais nous rayonnons essentiellement à l'étranger. Je ne suis pas le mieux placé pour estimer les éventuels problèmes que pourrait occasionner ce rapprochement. »
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