
Non, non et non, les équipements de Huawei n'ont pas servi à espionner les travaux de l'Union africaine (UA). Tel est le message qu'a souhaité faire passer le géant chinois des télécoms lors de l'annonce, en fin de semaine dernière, d'un renforcement de sa coopération avec l'UA en matière de technologies de l'information et de la communication. D'après Philippe Wang, vice-président du groupe de Shenzhen pour l'Afrique du Nord, cette « collaboration » illustre « la confiance continue de l'Union africaine envers Huawei ». Surtout, « à travers cette démarche, nous souhaitons également mettre un terme aux rumeurs de fuites de données provenant des équipements Huawei », a-t-il insisté. En guise de preuve, il affirme que « l'UA a procédé à un audit complet de son système informatique au sein de l'ensemble de l'organisation », dont « les conclusions démentent les propos avancés dans les médias l'année dernière ».
En janvier 2018, le quotidien Le Monde a affirmé que le siège de l'UA à Addis-Abeba (Ethiopie) a fait l'objet d'« une fuite de données spectaculaire, qui se serait étalée de janvier 2012 à janvier 2017 ». Cette bâtisse, qui a été offerte il y a sept ans par la Chine, « a été entièrement équipée par les Chinois », a rappelé le quotidien du soir. Le problème, c'est que « les ingénieurs chinois ont volontairement laissé deux failles : des portes numériques dérobées ('backdoors') qui donnent un accès discret à l'intégralité des échanges et des productions internes de l'organisation », poursuit-il. Ainsi, selon Le Monde, qui cite plusieurs sources au sein de l'institution, « tous les contenus sensibles ont pu être espionnés par la Chine ».
« Des serveurs étrangement saturés »
Dans son enquête, le journal explique que c'est la cellule informatique de l'UA qui a découvert le pot aux roses. Elle s'est rendue compte que « ses serveurs étaient étrangement saturés entre minuit et 2 heures du matin » : « Chaque nuit, les secrets de cette institution [...] se sont retrouvés stockés à plus de 8.000 km d'Addis-Abeba, sur de mystérieux serveurs hébergés quelque part à Shanghaï. » Après ces révélations, le président de la Commission de l'UA, Moussa Faki Mahamat, avait fustigé « des allégations totalement mensongères ».
Actuellement au cœur d'une nouvelle guerre froide technologique entre Pékin et Washington, qui l'accuse d'espionnage pour le compte de la Chine, Huawei compte visiblement sur le renforcement de sa coopération avec l'UA pour clamer que ses équipements sont sans risque. Pour le groupe, il s'agit aussi d'en finir avec une affaire qui fait aujourd'hui le miel de ses détracteurs. Les révélations d'espionnage au siège de l'UA sont notamment citées dans la dernière note de l'Institut Montaigne sur le géant chinois. Celui-ci y voit « un indice de complicité probable de Huawei dans des opérations de cyber-espionnage, mais non une preuve décisive ».
Dans sa note, l'Institut Montaigne souligne qu'au siège de l'UA, « Huawei était depuis 2012 le fournisseur presqu'exclusif de solutions informatiques intégrées, du serveur au cloud, en passant par le wifi et le stockage local de données ». Selon ses auteurs, « s'il est possible que des failles fortuites dans les solutions Huawei expliquent cette fuite [de données], il n'est pas imaginable que l'entreprise ait pu ne jamais les détecter pendant cinq ans ».
Sujets les + commentés