
Ce vendredi, Laure de La Raudière est à La Roche-sur-Yon. Ce déplacement n'a rien d'une visite de courtoisie. Si la présidente du régulateur des télécoms a choisi de se rendre dans la cité vendéenne, ce n'est pas pour en respirer l'air réconfortant. C'est parce que beaucoup d'habitants attendent désespérément la fibre. La commune fait partie des villes moyennes qu'Orange avait l'obligation de couvrir en Internet à très haut débit. Mais ce n'est toujours pas le cas. Au grand dam de l'Arcep, qui, avec la visite de sa cheffe de file, entend mettre la pression sur l'opérateur historique. Cette escapade est, en outre, pimentée par la publication, ce même jour, d'une mise en demeure d'Orange de respecter ses obligations de couverture en fibre des villes moyennes. Le message, au vitriol, a le mérite de la clarté !
A lui-seul, l'épisode témoigne de la profonde dégradation des relations entre Orange et l'Arcep concernant l'épineux dossier du déploiement de la fibre. De fait, cette mise en demeure a, en réalité, été décidée le 17 mars dernier, soit il y a près d'un an ! Pourquoi le collège de l'Arcep a-t-il attendu tout ce temps pour la rendre publique ? Interrogé à ce sujet, le régulateur ne fait pas de commentaire. On peut penser qu'à l'époque, Laure de La Raudière espérait trouver un terrain d'entente avec Orange sur ses obligations de couverture en fibre, et qu'elle a préféré, pour ne pas froisser l'opérateur, ne pas avertir tout de suite l'opinion...
Une décision passée sous silence
Laure de La Raudière s'était contentée d'avertir certains maires, furieux des retards d'Orange dans le déploiement de la fibre. C'est par exemple, ce qu'elle a fait auprès du maire des Sables-d'Olonne en fin d'année dernière. La Tribune avait, à ce moment-là, demandé à l'Arcep des précisions sur cette décision, dont on ignorait alors la portée nationale, mais s'était heurté à un refus du régulateur.
Depuis, les relations entre le gendarme des télécoms et l'opérateur historique ont viré à la bataille de tranchées. En décembre dernier, Christel Heydemann, la patronne d'Orange, a publiquement affiché sa colère contre cette décision de l'Arcep. Avant de déterrer la hache de guerre : « Nous nous préparons à introduire de lourds contentieux contre les décisions de l'Arcep », a-t-elle canardé lors d'une audition au Sénat. Orange a mis ses menaces à exécution. L'opérateur a d'abord contesté la mise en demeure du régulateur devant le Conseil d'Etat. Mais ce n'est pas tout ! Il a également, via une question prioritaire de constitutionnalité, remis en cause le pouvoir de sanction de l'Arcep, tout comme l'article L33-13 du code des postes et communications électroniques. Or cet article L33-13 est, précisément, celui qui encadre les obligations d'Orange concernant la couverture en fibre des villes moyennes...
De profonds désaccords entre Orange et l'Arcep
Alors que dit la mise en demeure de l'Arcep ? Orange est prié « d'assurer, au plus tard le 30 septembre 2022, que 100% des logements ou locaux à usage professionnel des communes concernées par ses engagements, pris au titre de l'article L33-13, sont rendus raccordables ou raccordables sur demande ». Il va sans dire que cette échéance est largement dépassée, sachant qu'Orange était censé avoir respecté ses engagements il y a fort longtemps, fin 2020... Or comme Laure de La Raudière, l'a récemment indiqué, seuls 88% des 12 millions de locaux que l'opérateur doit couvrir en fibre dans les villes moyennes le sont à ce jour.
(Source: Arcep)
L'Arcep va-elle faire usage de son bâton et sanctionner Orange ? Selon le code des postes et communications électroniques, l'opérateur risque, ici, une amende pouvant atteindre jusqu'à 3% de son chiffre d'affaires... Interrogé à ce sujet, l'Arcep précise que les contentieux lancés par Orange gèlent, pour le moment, les procédures en cours.
Si aux yeux de l'Arcep, Orange est très en retard sur ses engagements, soulignons que l'opérateur conteste cette vision des choses. Le géant français des télécoms estime que ses engagements de couverture en fibre des villes moyennes ont toujours porté sur un volume défini de lignes à déployer, en se basant sur des indicateurs de l'Insee. A contrario, l'Arcep juge que l'opérateur s'est engagé sur une liste de communes à couvrir en intégralité, quand bien même le nombre de logements a, dans certains cas, beaucoup augmenté.
- Lire aussi : La guerre est déclarée entre Orange et l'Arcep
Sujets les + commentés