L'interminable descente aux enfers de Telecom Italia

Le titre de l’opérateur historique transalpin (dont Vivendi est le principal actionnaire) n’en finit plus de dégringoler. Les investisseurs se rebiffent contre la stratégie du groupe, en grande difficulté, tandis que la perspective d’une OPA lancée par le fonds américain KKR s’éloigne.
Pierre Manière
Pietro Labriola, le PDG de Telecom Italia.
Pietro Labriola, le PDG de Telecom Italia. (Crédits : Reuters)

Telecom Italia boit encore et toujours la tasse. Le cours de l'opérateur historique  transalpin (dans lequel Vivendi est le principal actionnaire avec 23,75% du capital) n'a cessé de dégringoler ces derniers jours. Aujourd'hui, son titre ne vaut plus que 0,27 euros à la Bourse de Milan. Il a perdu la moitié de sa valeur par rapport à novembre dernier. Sa capitalisation boursière a fondu comme neige au soleil : elle n'est plus que de 5,9 milliards d'euros. C'est-à-dire pas grand-chose, si on la compare à celle des autres grands opérateurs européens comme Deutsche Telekom (79 milliards d'euros) Orange (27,7 milliards), Telefonica (22,8 milliards) ou encore BT (14,2 milliards).

Cela fait des années que Telecom Italia enchaîne les déconvenues. Mais aujourd'hui, les investisseurs sont particulièrement remontés. A la peine sur son marché national, l'opérateur a signé une perte abyssale de 8,65 milliards d'euros au terme de son exercice 2021, plombé par près de 8 milliards d'euros de dépréciations d'actifs. Les affaires ne se portent pas bien. En témoigne son chiffre d'affaires, qui a reculé de 3,1%, à 15,3 milliards d'euros. Dans ce contexte, Pietro Labriola, le sixième PDG de l'opérateur en dix ans, multiplie les rencontres avec les investisseurs pour les convaincre que le groupe a les moyens de rebondir. Son plan ? Organiser la scission entre le réseau de téléphonie fixe et les activités de services afin de mieux valoriser ces actifs.

Vers la création d'un grand réseau national de fibre optique ?

En réalité, ce projet, véritable serpent de mer, est depuis des années sur la table. Dans un scénario souvent évoqué, le réseau Internet fixe de Telecom Italia pourrait ensuite fusionner avec celui de son rival OpenFiber, contrôlé par la Caisse des dépôts italienne (CDP), également actionnaire minoritaire de l'opérateur historique. L'initiative permettrait d'accoucher d'un grand et unique réseau de fibre optique à l'échelle nationale. Celui-ci pourrait passer sous le contrôle de l'Etat, lequel pourrait l'abonder avec les importants financements issus du plan de relance européen. Tous les opérateurs du pays pourraient, in fine, accéder à ces infrastructures pour vendre leurs abonnements.

Cette manœuvre permettrait à l'Italie de faire son retard dans la fibre. Aujourd'hui, seuls 14% de la population a accès à cette technologie, contre plus de 70% en France. Pour Telecom Italia, ce serait surtout une opportunité de générer enfin de la valeur, laquelle « pourra probablement être redistribué à tous les actionnaires », a fait miroité Pietro Labriola, en conférence de presse, la semaine dernière.

Les investisseurs frustrés de voir l'offre de KKR s'évaporer

L'ennui, c'est que cette scission du réseau est présentée par Telecom Italia comme une alternative à une autre option jugée, elle, bien plus séduisante par beaucoup d'investisseurs : que Telecom Italia réponde favorablement à l'offre de rachat de près de 11 milliards d'euros dégainée par le fonds américain KKR en novembre dernier. Mais cette perspective n'est pour l'heure pas du tout privilégiée par Vivendi, le principal actionnaire de l'opérateur italien. Et pour cause : le géant français des médias est entré au capital du groupe en 2015, à un prix moyen de 1,071 euro par action. C'est-à-dire à un prix deux fois supérieur à celui proposé par KKR, à 0,505 euros l'action ! Quoi qu'il en soit, le conseil d'administration de Telecom Italia se réunit ce dimanche. Il devrait, à cette occasion, donner sa réponse au fonds américain. Mais pour de nombreux observateurs, elle ne fait guère de doute. « La probabilité d'une offre de KKR semble maintenant être très basse, et le fonds pourrait décider de se retirer ou de lancer une OPA hostile », estimaient les analystes de Banca Akros la semaine dernière.

En parallèle, Telecom Italia est confronté à une concurrence toujours plus rude. Sur le front de l'Internet fixe, il doit désormais composer avec l'arrivée d'Iliad Italia, lequel a la ferme intention de lui tailler des croupières avec des tarifs agressifs. Aujourd'hui, l'offre de fibre de cette filiale italienne de Xavier Niel est disponible pour 7,4 millions de foyers. Un chiffre qui a vocation à croître dans le sillage d'accords futurs avec des opérateurs d'infrastructures. Pour Telecom Italia, l'objectif sera d'abord de préserver sa part de marché sur l'Internet fixe, qui s'élève à 42%. Ce ne sera probablement pas une mince affaire.

Pierre Manière

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