Les grandes manœuvres se poursuivent chez Telecom Italia

Entre ses mauvais résultats, la perte de son patron, l’offre de rachat du fonds KKR et la possibilité d’une scission de son réseau Internet fixe, l’opérateur historique transalpin suscite des interrogations sur son avenir.
Pierre Manière
Fin novembre, le fonds américain KKR a dégainé une offre de près de 11 milliards d'euros pour acquérir l'intégralité du groupe Telecom Italia
Fin novembre, le fonds américain KKR a dégainé une offre de près de 11 milliards d'euros pour acquérir l'intégralité du groupe Telecom Italia (Crédits : Stefano Rellandini)

A quoi ressemblera Telecom Italia dans les prochains mois ? Et qui en tiendra les rênes ? Voici les questions que se posent, aujourd'hui, les observateurs des télécoms de l'autre côté des Alpes. Il faut dire que l'opérateur historique italien fait l'objet de grandes manœuvres. La première est survenue fin novembre. Le fonds américain KKR a dégainé une offre de près de 11 milliards d'euros pour acquérir l'intégralité du groupe.

L'initiative a été reçue sans engouement particulier par les principaux actionnaires de l'opérateur. D'un côté, l'Etat italien, qui possède près de 10% de Telecom Italia via la Caisse italienne des dépôts (CDP), affirme n'avoir pas tranché. « Nous sommes encore dans les toutes premières étapes où beaucoup de choses doivent être évaluées, a assuré Mario Draghi, le chef du gouvernement. C'est une décision d'extrême importance. » Pour rappel, l'Etat italien dispose du pouvoir de s'opposer à un tel deal, au regard du caractère stratégique de l'opérateur.

Premier actionnaire de Telecom Italia à hauteur de près de 24%, Vivendi s'est d'abord montré opposé à ce rachat, estimant l'offre de KKR largement sous-évaluée. Le géant français des médias, dirigé par Vincent Bolloré, a précisé n'avoir « aucune intention de céder sa participation ». Mais cette position pourrait changer si KKR relevait suffisamment son offre...

Mauvais résultats

Cette offre de KKR symbolise aujourd'hui l'intérêt des fonds d'investissements pour les opérateurs télécoms européens, dont les cours de Bourse sont au plus bas. Leurs valorisations se sont effondrées ces dernières années. Les investisseurs boudent aujourd'hui ces acteurs qui, à l'instar de Telecom Italia, souffrent d'une forte concurrence tout en investissant des milliards dans les réseaux de nouvelle génération, comme la fibre ou la 5G. Un constat qui agace les dirigeants des télécoms. « Quand vous voyez que KKR fait une offre sur Telecom Italia avec une prime de 50% sur le cours de Bourse, vous vous dites qu'il y a quand même un problème », a récemment déclaré Stéphane Richard, le PDG d'Orange.

Cette tentative de rachat de Telecom Italia intervient sur fond de mauvais résultats pour l'opérateur historique italien. Celui-ci vit un véritable chemin de croix. C'est particulièrement vrai depuis 2018 et l'arrivée d'Iliad, le groupe de télécoms de Xavier Niel, de l'autre côté des Alpes. Comme en France avec Free, celui-ci mise sur des prix bas pour faire son nid. Ce qui oblige la concurrence à s'adapter, souvent dans la douleur.

Malgré ses efforts, Luigi Gubitosi, le directeur général de Telecom Italia, n'a pas réussi à redresser l'opérateur historique. Il a été prié de rendre son tablier fin novembre, sous la pression de Vivendi, qui réclamait sa tête. C'est Pietro Labriola, qui dirigeait les activités brésiliennes de la société, qui l'a remplacé. Tandis que Salvatore Rossi, le président du conseil d'administration, a pris en charge une grande partie des fonctions de Luigi Gubitosi.

Scission du réseau

Dans ce contexte électrique, les dirigeants et actionnaires de Telecom Italia, ainsi que le gouvernement, vont devoir prendre une décision cruciale sur l'avenir du réseau Internet fixe de l'opérateur. Tous les acteurs tergiversent depuis longtemps sur le devenir de cet actif majeur. Certains, côté gouvernement, souhaitent marier FiberCop, le réseau de Telecom Italia - dont KKR, encore lui, possède 37,5% -, à Open Fiber, le réseau de l'énergéticien Enel, dont la CDP possède désormais 60% du capital.

L'objectif ? Accoucher d'un grand et unique réseau de fibre à l'échelle nationale. Celui-ci pourrait passer sous le contrôle de l'Etat, lequel pourrait l'abonder avec les importants financements issus du plan de relance européen. Tous les opérateurs pourraient in fine accéder à ces infrastructures. Cette manœuvre permettrait à l'Italie de faire son retard dans la fibre. Aujourd'hui, seuls 14% de la population peut accéder à cette technologie, contre plus de 70% en France.

Alors qu'il semblait, jusque-là, réticent à une telle opération, Vivendi est aujourd'hui prêt à l'envisager. « Vivendi soutient toute solution favorisant l'efficacité et la modernité du réseau de Telecom Italia tout en préservant la valeur de son investissement, a déclaré ce lundi un porte-parole du groupe à l'AFPDans cette perspective, l'hypothèse d'un contrôle étatique du réseau, s'il peut conduire à un projet stratégique porté par les institutions, sera certainement examinée. »

Cette perspective pourrait permettre de redonner un coup de fouet au cours de Bourse de Telecom Italia. Et pourquoi pas offrir une opportunité au géant français des médias d'en sortir, à terme, avec une intéressante plus-value.

Pierre Manière

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Commentaire 1
à écrit le 08/12/2021 à 9:14
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On va reprendre les choses dans l'ordre... ça fonctionne depuis le début comme cela et n'a pas de raison de changer, vous ne voulez pas comprendre, soit, mais votre autisme n'y changera rien. D'abord on est contaminé, cela peut durer 3 semaines, ensu...

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