
Il faut, visiblement, s'attendre à de grands changements chez Huawei. Dans une note interne révélée le 23 août dernier par la presse chinoise, Ren Zhengfei, le fondateur et patron du géant des smartphones et des télécoms, s'est montré pour le moins pessimiste pour les années à venir. Selon lui, le « principal objectif » du fleuron technologique de Shenzhen est désormais d'assurer sa « survie », dans un contexte économique jugé particulièrement dangereux. « La récession continue de l'économie mondiale ainsi que l'impact de l'épidémie de Covid-19 vont grandement impacter la consommation, explique le dirigeant. Nous sommes non seulement confrontés à une pression sur l'offre, mais aussi à un affaiblissement de la demande du marché. »
Pour « rester en vie », donc, Huawei doit, selon les mots de Ren Zhengfei, « ajuster sa stratégie commerciale, et décider ce qui peut être fait, et ce qui doit être abandonné ». Autrement dit, le groupe veut se recentrer sur ses activités les plus profitables, quitte à liquider, sans états d'âme, certains « business plus marginaux ». Ce « changement d'état d'esprit » concernera, en particulier, la période 2023-2024, où Ren Zhengfei ne voit pas la conjoncture s'améliorer significativement.
Changement de braquet
C'est, en clair, un véritable changement de braquet qu'annonce le chef de file de Huawei. Le groupe a, de fait, longtemps tout misé sur une expansion rapide à l'international, sans lésiner sur les dépenses. Cette stratégie de croissance agressive s'est d'abord avérée payante : en quelques années, Huawei est devenu un champion mondial des smartphones aux côtés des Apple et Samsung. Il s'est aussi mué en leader de la 5G, la nouvelle génération de communication mobile. Mais cette réussite a aussi suscité la méfiance de l'Occident, et en particulier des Etats-Unis. Aussi inquiet pour son leadership technologique que de la proximité de Huawei avec le pouvoir chinois, le pays de l'Oncle Sam a lancé une violente croisade contre le groupe de Shenzhen.
En 2019, Washington a notamment interdit à Huawei de s'approvisionner en technologies américaines. Ce qui a provoqué un effondrement de ses ventes de smartphones à l'international. Fin 2020, Huawei a été contraint de se séparer de sa précieuse marque Honor, aux terminaux bon marché et destinée aux jeunes. En parallèle, le groupe s'est vu exclure de nombreux marchés de la 5G, sur fond de soupçons d'espionnage pour le compte de Pékin.
Des ventes en chute libre
A ces sévères restrictions se sont ajoutées les répercussions économiques de l'épidémie de Covid-19 et de la guerre en Ukraine. L'an dernier, Huawei a vu ses ventes dégringoler de près de 30%, à 634 milliards de yuans (87 milliards d'euros). L'exercice en cours s'annonce tout aussi difficile. Le 12 août dernier, soit quelques jours avant la sortie de Ren Zhengfei, Huawei a fait état d'une chute de 5,9% de son chiffre d'affaires sur un an au titre du premier semestre, à 301 milliards de yuans (43 milliards d'euros). Surtout, sa marge bénéficiaire ne s'est établie qu'à 5% sur cette période, contre 9,8% un an auparavant...
Parmi ses activités les plus rentables et en croissance, Huawei peut compter sur le cloud. Ce segment est en plein essor et soutient la croissance de sa branche « Entreprises ». Au premier semestre, les revenus de cette division ont progressé de 28%, à 54,7 milliards de yuans (près de 8 milliards d'euros). En revanche, les investissements de Huawei dans la voiture connectée et électrique, jugés peu profitables à moyen terme par de nombreux observateurs, pourraient bien faire les frais du recentrage stratégique du groupe chinois.
Huawei peut s'appuyer sur l'énorme marché chinois
Depuis les sanctions américaines, Huawei s'est positionné comme un accompagnateur de la transformation numérique des entreprises. L'idée est de leur proposer des technologies - en matière de cloud, de connectivité ou de terminaux - afin de doper leurs ventes, réduire leurs coûts, tout en modérant leur empreinte carbone. Si Huawei peut s'appuyer sur le gigantesque marché chinois pour vendre ses solutions, la donne est désormais toute autre hors des frontières de l'Empire du Milieu, à l'heure où les considérations de souveraineté économique et technologique font leur retour en force.
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