Va-t-on, dans les mois qui viennent, en finir avec les malfaçons et les dégradations sur les réseaux de fibre ? Les raccordements ratés des abonnés et les déconnexions sauvages ne seront-elles, bientôt, qu'un lointain souvenir ? Les collectivités locales en doutent. Au deuxième jour du colloque de l'Avicca, qui réunissait ce jeudi, à Paris, les collectivités impliquées dans le numérique, beaucoup ont fait part de leur scepticisme au lendemain de l'annonce des « plans qualité » de la filière de la fibre.
La veille, InfraNum, l'importante fédération des industriels du secteur, a dévoilé plusieurs mesures pour améliorer le déploiement de cette technologie, et chasser les sous-traitants indélicats. La Fédération française des télécoms (FFT), le lobby des grands opérateurs nationaux, a également dégainé un dispositif pour doper la qualité de service sur les réseaux. Pas de quoi, cependant, rassurer les collectivités. Maire de Villiers-sur-Orge, et vice-président délégué au Numérique de Cœur d'Essonne Agglomération, Gilles Fraysse a longuement étalé son désarroi.
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L'élu se montre désemparé face aux plaintes de clients mécontents. « Je me prends des claques tous les jours », s'agace-t-il. Chez-lui, aucun point de mutualisation - des armoires de rue d'où les opérateurs partent pour raccorder les abonnés - « n'est aux normes ». « Les portes ne sont pas fermées, les fibres partent dans tous les sens, c'est la Bérézina », fustige l'élu. Il a aussi critiqué les intervenants sur les réseaux, dont certains, peu formés et mal payés, « dorment dans leurs voitures ». D'après lui, les malfaçons accouchent de « situations critiques ». « J'ai des administrés sans connexion depuis quatre mois !», a-t-il lancé. D'autres, dit-il, « repassent à l'ADSL ». La « crispation » de la population est telle que dans certains cas, « les gens sortent avec des battes de baseball » pour protéger leurs installations télécoms lorsqu'ils voient arriver des techniciens.
Gilles Fraysse redoute surtout, comme beaucoup d'autres élus locaux, que la filière « minimise » les problèmes. La sortie de Liza Bellulo, la nouvelle présidente de la FFT, par ailleurs secrétaire générale de Bouygues Telecom, l'a particulièrement inquiétée. D'après elle, il n'y aurait « que » 5.000 points de mutualisation à « remettre aujourd'hui en conformité » sur les 200.000 existants dans l'Hexagone. « Cela veut dire qu'il y en a 195.000 qui fonctionnent plutôt bien », a-t-elle renchéri. C'est peu dire que cette phrase a fait grincer des dents parmi les représentants des collectivités présents au colloque de l'Avicca. Président d'InfraNum, Philippe Le Grand a considéré, pour sa part, qu'« il y a des problèmes sur tout le territoire » national. Mais il s'est montré optimiste. « Notre plan qualité, ce n'est pas du blabla », a-t-il lancé pour éteindre l'incendie.
« Les sous-traitants rognent sur tout »
Lors des débats, c'est toute la mécanique et l'organisation de la filière qui ont été pointées du doigt. Secrétaire général de l'Acnet, qui rassemble des sous-traitants des grands opérateurs, Jean-Luc Toussaint a dénoncé « les prix beaucoup trop bas des interventions ». D'après lui, plusieurs sous-traitants sont aujourd'hui dans « une situation catastrophique ». Les tarifs ne permettent plus, selon lui, à la filière de vivre correctement en bout de chaîne. Résultat : « les entreprises rognent sur tout », dit-il. « Sur la sécurité, a-t-il ajouté. Mais aussi sur la sécurité » des techniciens.
Jean-Luc Toussaint a, au passage, critiqué « l'ubérisation » de la profession, fustigeant la main d'œuvre employée par certains acteurs. « Dans les cités à Marseille, c'est ou tu fais du shit, ou tu fais de la fibre ! », a-t-il canardé. Philippe Le Grand a, de son côté, admis qu'il fallait réviser le « partage de la valeur » au sein de la filière. InfraNum et la FFT tablent sur la formation et un système de labellisation des sous-traitants pour sortir les brebis galeuses du jeu. Les attentes des collectivités n'ont, dans tous les cas, jamais été aussi fortes.
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