Malfaçons sur les réseaux de fibre : les « plans qualité » suscitent la méfiance des collectivités

Alors que les opérateurs télécoms et les industriels de la fibre ont dévoilé de nouvelles solutions pour en finir avec les dégradations et les problèmes de raccordement des abonnés, les collectivités locales, réceptacles de la colère des clients, se montrent perplexes quant à leur efficacité. Explications.
Pierre Manière
Aujourd'hui, près d'un raccordement à la fibre sur cinq se solde par un échec.
Aujourd'hui, près d'un raccordement à la fibre sur cinq se solde par un échec. (Crédits : Reuters)

Va-t-on, dans les mois qui viennent, en finir avec les malfaçons et les dégradations sur les réseaux de fibre ? Les raccordements ratés des abonnés et les déconnexions sauvages ne seront-elles, bientôt, qu'un lointain souvenir ? Les collectivités locales en doutent. Au deuxième jour du colloque de l'Avicca, qui réunissait ce jeudi, à Paris, les collectivités impliquées dans le numérique, beaucoup ont fait part de leur scepticisme au lendemain de l'annonce des « plans qualité » de la filière de la fibre.

La veille, InfraNum, l'importante fédération des industriels du secteur, a dévoilé plusieurs mesures pour améliorer le déploiement de cette technologie, et chasser les sous-traitants indélicats. La Fédération française des télécoms (FFT), le lobby des grands opérateurs nationaux, a également dégainé un dispositif pour doper la qualité de service sur les réseaux. Pas de quoi, cependant, rassurer les collectivités. Maire de Villiers-sur-Orge, et vice-président délégué au Numérique de Cœur d'Essonne Agglomération, Gilles Fraysse a longuement étalé son désarroi.

L'élu se montre désemparé face aux plaintes de clients mécontents. « Je me prends des claques tous les jours », s'agace-t-il. Chez-lui, aucun point de mutualisation - des armoires de rue d'où les opérateurs partent pour raccorder les abonnés - « n'est aux normes »« Les portes ne sont pas fermées, les fibres partent dans tous les sens, c'est la Bérézina », fustige l'élu. Il a aussi critiqué les intervenants sur les réseaux, dont certains, peu formés et mal payés, « dorment dans leurs voitures ». D'après lui, les malfaçons accouchent de « situations critiques »« J'ai des administrés sans connexion depuis quatre mois !», a-t-il lancé. D'autres, dit-il, « repassent à l'ADSL ». La « crispation » de la population est telle que dans certains cas, « les gens sortent avec des battes de baseball » pour protéger leurs installations télécoms lorsqu'ils voient arriver des techniciens.

Gilles Fraysse redoute surtout, comme beaucoup d'autres élus locaux, que la filière « minimise » les problèmes. La sortie de Liza Bellulo, la nouvelle présidente de la FFT, par ailleurs secrétaire générale de Bouygues Telecom, l'a particulièrement inquiétée. D'après elle, il n'y aurait « que » 5.000 points de mutualisation à « remettre aujourd'hui en conformité » sur les 200.000 existants dans l'Hexagone. « Cela veut dire qu'il y en a 195.000 qui fonctionnent plutôt bien », a-t-elle renchéri. C'est peu dire que cette phrase a fait grincer des dents parmi les représentants des collectivités présents au colloque de l'Avicca. Président d'InfraNum, Philippe Le Grand a considéré, pour sa part, qu'« il y a des problèmes sur tout le territoire » national. Mais il s'est montré optimiste. « Notre plan qualité, ce n'est pas du blabla », a-t-il lancé pour éteindre l'incendie.

« Les sous-traitants rognent sur tout »

Lors des débats, c'est toute la mécanique et l'organisation de la filière qui ont été pointées du doigt. Secrétaire général de l'Acnet, qui rassemble des sous-traitants des grands opérateurs, Jean-Luc Toussaint a dénoncé « les prix beaucoup trop bas des interventions ». D'après lui, plusieurs sous-traitants sont aujourd'hui dans « une situation catastrophique ». Les tarifs ne permettent plus, selon lui, à la filière de vivre correctement en bout de chaîne. Résultat : « les entreprises rognent sur tout », dit-il. « Sur la sécurité, a-t-il ajouté. Mais aussi sur la sécurité » des techniciens.

Jean-Luc Toussaint a, au passage, critiqué « l'ubérisation » de la profession, fustigeant la main d'œuvre employée par certains acteurs. « Dans les cités à Marseille, c'est ou tu fais du shit, ou tu fais de la fibre ! », a-t-il canardé. Philippe Le Grand a, de son côté, admis qu'il fallait réviser le « partage de la valeur » au sein de la filière. InfraNum et la FFT tablent sur la formation et un système de labellisation des sous-traitants pour sortir les brebis galeuses du jeu. Les attentes des collectivités n'ont, dans tous les cas, jamais été aussi fortes.

Pierre Manière

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Commentaires 4
à écrit le 04/06/2022 à 7:58
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Aucun prix nobel en chine, marre de la technologie chinoise permanente et de tout "from asia". Oui à l'informatique du futur en europe, à la 6G, à l'ordinateur quantique en europe, à notre continent et nos industries electroniques. L'IA chinoise ne m...

à écrit le 03/06/2022 à 13:30
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La France régresse sur des éléments clés pour l'économie d'un pays développé : les télécommunications et le numérique, le transport et l'énergie. Autrefois les points fort du pays. La concurrence européenne utopique n'amène qu'à un compromis désastre...

à écrit le 03/06/2022 à 9:22
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"Jean-Luc Toussaint a, au passage, critiqué « l'ubérisation » de la profession, fustigeant la main d'œuvre employée par certains acteurs. « Dans les cités à Marseille, c'est ou tu fais du shit, ou tu fais de la fibre ! », a-t-il canardé. " Oui, la...

à écrit le 03/06/2022 à 0:05
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Libéralisme = far west = tous les coups dont permis = ci d’immature dindon de la farce

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