Pour la direction d'Altice, c'est un camouflet. Le tribunal judiciaire de Paris a rendu son jugement, ce mardi, concernant le nouveau plan social de 1.700 personnes, soit un salarié sur cinq, chez SFR. L'institution ne mâche pas ses mots. Elle estime que la mise en place des coupes d'effectifs a été réalisée de manière « déloyale », comme les syndicats le dénoncent depuis des mois. L'opérateur au carré rouge, propriété du milliardaire Patrick Drahi, est condamné à payer 10.000 euros de dommages et intérêts à la CFDT, à la CFTC, à l'Unsa et au Comité social et économique (CSE) central de l'unité économique et sociale de SFR. Le groupe de Patrick Drahi devra, également, leur reverser 4.000 euros au titre des frais de procédure.
Le tribunal a ainsi donné raison aux syndicats. Ceux-ci accusaient la direction de SFR de les avoir roulé dans la farine. Selon eux, les dirigeants du groupe se sont préparés dès 2020 à tailler dans les effectifs, alors qu'un accord, baptisé « New Deal » et visant à maintenir l'emploi, courrait jusqu'au 31 décembre cette même année. « Le projet de réorganisation était déjà en germe », souligne le jugement, auquel La Tribune a eu accès.
Les justifications de SFR passées à la sulfateuse
A l'automne 2020, SFR a en effet arrêté ses orientations stratégiques pour les trois prochaines années. Celles-ci n'avaient rien d'alarmant sur le plan économique et social. Mais en février 2021, et alors que l'accord « New deal » était arrivé à échéance, la direction de l'opérateur a brusquement changé son fusil d'épaule. Dans une lettre aux syndicat, mi-février, elle argue que « la crise sanitaire a causé un bouleversement sans précédent ». Elle ajoute que « l'intensité concurrentielle croissante » sur le marché des télécoms, ou encore « l'interdiction d'(utiliser des antennes) Huawei (pour déployer la 5G) » nécessitent une réouverture des orientations stratégiques. Celles-ci sont dévoilées début mars. Elles insistent sur la « nécessité d'adaptation » du groupe. Ce qui passera par un plan social.
Outre le camouflage du projet, le tribunal passe à la sulfateuse les arguments brandis par SFR pour justifier la réouverture des orientations stratégiques et les suppressions de postes. « L'argument de la direction tiré de difficultés économiques et de la détérioration de sa situation suite à la crise du Covid-19 pour justifier de la réouverture de la procédure de consultation sur les orientations stratégique n'est donc pas justifié », souligne le jugement.
Alors que SFR s'est dit, début mars, « pris en étau devant l'impératif de dégager des ressources exponentielles pour ses investissements, et l'érosion de ses revenus en raison de la pression concurrentielle », le tribunal se fend d'un nouveau tacle. « La réalité et les résultats financiers du groupe, et notamment du pôle Télécom, n'illustrent nullement ces affirmations voire viennent les démentir, affirme le jugement. Dans sa note à ses actionnaires, la direction d'Altice [la maison-mère de SFR, Ndlr] indique d'ailleurs que la crise sanitaire n'a eu qu'un impact limité, ce qui ne l'a pas empêché de croitre ses résultats. »
Les syndicats veulent bloquer le plan social
Quant à l'interdiction des antennes 5G Huawei, le jugement précise que « [ces] répercussions financières (...) étaient parfaitement prévisibles et envisageables pour la direction d'Altice en juillet 2020 ». « D'ailleurs, la direction invoquait déjà cette interdiction au cours de la consultation sur les orientations stratégiques 2020 », renchérit-il. Interrogé par La Tribune, SFR se refuse à tout commentaire.
Les syndicats de l'opérateur, eux, capitalisent sur ce succès pour enrayer l'homologation du plan social. Celui-ci doit être validé d'ici la fin du mois, ou tout début octobre, par la Drieets (Direction régionale et interdépartementale de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités) d'Ile-de-France. Dans une lettre à cette administration, ainsi qu'à un inspecteur du travail et à une conseillère d'Elisabeth Borne, la ministre du Travail, Alain Mendiburu, secrétaire du CSE central de SFR, réclame « d'ajourner l'homologation du plan ». Il appelle à « l'organisation par les services de l'État d'une médiation sur la base de cette nouvelle situation juridique ». Le bras de fer entre les syndicats et la direction de SFR n'est pas terminé.
Sujets les + commentés