A la différence de ses grands rivaux Orange, SFR et Bouygues Telecom, Free s'est longtemps tenu à l'écart des télécoms professionnelles. Au sein même du groupe, certains jugeaient que l'opérateur de Xavier Niel n'avait rien à faire sur ce segment, un marché pourtant colossal de 10 milliards d'euros. Mais à partir de 2018, la possibilité d'investir ce secteur a commencé à être sérieusement envisagée. Non seulement le « B2B » est perçu comme un moyen d'engranger des recettes supplémentaires. Mais il permettra, aussi, de mieux amortir les investissements dans les réseaux. Ce qui est toujours bon à prendre, notamment au regard des milliards d'euros dépensés par les opérateurs pour leurs fréquences mobiles...
En janvier 2019, Xavier Niel amorce officiellement sa stratégie « B2B » en rachetant Jaguar Network, un spécialiste des télécoms pour les entreprises, également présent dans le « cloud ». Huit mois plus tard, Yves Coursin, l'avocat d'Iliad et de Free, dépose la marque « Free Pro » à l'Institut national de la propriété industrielle (INPI). Et aujourd'hui, l'opérateur est dans les starting-blocks et se prépare à dégainer ses offres pour les professionnels. Plusieurs fois repoussée dans le contexte défavorable de Covid-19, cette levée de rideau devrait intervenir très prochainement. Au pire d'ici la fin du premier trimestre, comme l'a promis Thomas Reynaud, le DG d'Iliad, en novembre dernier. Interrogé à ce sujet, la maison-mère de Free se refuse à tout commentaire.
« Associer Free au monde du B2B »
Quoi qu'il en soit, le défi sera de taille. Il s'agira, pour l'état-major du groupe, de faire un travail de fond sur la marque Free pour la faire émerger comme une solution de référence pour les professionnels. « Il faut associer Free au monde du B2B, souligne une source proche de l'opérateur. Il faut que les patrons de PME et autres directeurs des systèmes d'information [DSI, NDLR] aient le réflexe Free. » L'opérateur n'a jusqu'à présent rien dévoilé de sa stratégie. On imagine qu'il devrait disposer d'une ou deux offres marquantes, notamment à destination des TPE et des PME encore peu numérisées, mais qu'il sera aussi capable de proposer des abonnements « à la carte », comme le fait déjà Jaguar Network.
Free s'est fixé des objectifs ambitieux. Il espère réaliser entre 400 et 500 millions d'euros de chiffres d'affaires - soit une part de marché d'environ 5% - d'ici à 2024 sur ce segment. L'opérateur sait, toutefois, que les entreprises changent moins vite et facilement d'opérateur que les clients grand public. Il ne s'attend donc pas à effectuer une percée aussi rapide qu'en Italie, où sa filiale, Iliad Italia, a grignoté 8% du marché du mobile deux ans seulement après son lancement.
Un marché qui reste à ouvrir à la concurrence
L'autre atout de Free viendra peut-être de la régulation. Le groupe de Xavier Niel ne se privera certainement pas pour dénoncer la mainmise d'Orange, qui possède environ 70% du marché, et de SFR, qui en détient environ 20%, sur le B2B. Aujourd'hui l'Arcep, le régulateur des télécoms, cherche à ouvrir davantage ce marché à la concurrence, notamment pour favoriser l'accès des petites entreprises à la fibre et leur permettre de se numériser. Laure de La Raudière, la nouvelle présidente de l'institution, a fait de ce dossier une des priorités de son mandat.
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