Partage de réseau mobile : les négociations entre Orange et Free capotent

Sur fond de discorde sur la 5G, l’opérateur historique et celui de Xavier Niel ont mis un terme à leurs discussions visant à mutualiser leurs réseaux mobiles dans certains territoires pour partager les coûts de déploiement.
Pierre Manière
Stéphane Richard, le PDG d'Orange, et Xavier Niel, le fondateur et propriétaire d'Iliad (Free).
Stéphane Richard, le PDG d'Orange, et Xavier Niel, le fondateur et propriétaire d'Iliad (Free). (Crédits : Reuters)

Les négociations n'auront pas duré bien longtemps. Courant novembre, après la fin des enchères pour les fréquences 5G - période pendant laquelle les opérateurs n'avaient pas le droit se parler -, Orange et Free ont entamé des discussions concernant une mutualisation de leurs réseaux mobiles dans certaines parties du pays. L'objectif était de partager les infrastructures et les coûts de déploiement. Sachant qu'avec la 5G, les deux acteurs vont devoir déployer des milliers d'antennes supplémentaires à travers l'Hexagone pour apporter cette technologie à leurs clients. Entre l'opérateur historique et celui de Xavier Niel, un tel accord était envisagé depuis longtemps. En face, Bouygues Telecom et SFR mutualisent leurs réseaux depuis six ans sur une large partie du pays, dans les villes et zones moyennement peuplées. Sébastien Soriano, le précédent président de l'Arcep, le régulateur des télécoms, s'est en outre toujours montré bienveillant concernant un deal entre Orange et Free. Les étoiles semblaient alignées... Mais patatras : ce jeudi, les deux opérateurs ont enterré les négociations. Celles-ci étaient jusqu'alors menées par Thomas Reynaud, le directeur général d'Iliad, et Fabienne Dulac, la patronne d'Orange France.

Ce même jour, lors d'une rencontre organisée par l'Association des journalistes économiques et financiers, Xavier Niel a livré ses explications : « On a découvert que le rythme d'une entreprise entrepreneuriale comme Iliad [la maison-mère de Free, Ndlr] n'est pas celui d'Orange, a-t-il fustigé selon Les EchosOn a bossé, mais nous n'y arrivions pas. Face à nous, il y avait une société qui n'avançait pas, qui ne tranchait pas. » Orange, pour sa part, s'est fendu d'un court communiqué sur la « fin des discussions » avec son rival, en insistant sur « une divergence de stratégie de déploiement ».

« Ecart de vision »

Dans cette missive, Orange argue qu'il a fait « de la qualité de ses réseaux une priorité ». Manière de juger, sans citer nommément son concurrent, que ce n'est pas le cas chez Free. Pour l'opérateur historique, les négociations ont capoté à cause d'un « écart de vision », indique une source proche de l'opérateur, sur le déploiement de la 5G. Pour Orange, la 5G, « c'est la 5G qui utilise la bande de fréquences 3,5 GHz », a lancé Stéphane Richard, ce mercredi, lors d'une conférence de presse. « Le reste, c'est pas de la 5G, même si ça porte le nom de la 5G », a poursuivi le PDG de l'opérateur historique. Ses propos visaient directement Free. Pour sa 5G, celui-ci utilise des fréquences 3,5 GHz, mais il recourt surtout largement à des fréquences 700 MHz. Ces dernières offrent des performances moins bonnes qu'en 3,5 GHz, mais portent plus loin. Ce qui permet à l'opérateur de Xavier Niel de revendiquer dans ses publicités « le plus grand réseau 5G de France ». Ce qui agace profondément la direction d'Orange.

L'état-major de l'opérateur historique affirme qu'Iliad a toujours rechigné à déployer des infrastructures et qu'il tablait sur un accord de mutualisation pour équilibrer son modèle économique. Car au grand dam d'Orange, qui comptait sur la 5G pour faire remonter les prix, Free, pour sa part, a cassé l'ambiance en proposant la 5G « sans surcoût » dans son forfait de référence à 19,99 euros ! Du côté de l'opérateur de Xavier Niel, l'argumentaire d'Orange ne tient pas la route. Dire que Free fait tout pour freiner ses investissements dans son réseau, « c'est un faux prétexte », réagit une source proche d'Iliad. « Cela fait cinq ans que Free est numéro un sur le front des déploiements de nouvelles antennes », poursuit-elle. D'après cette source, Orange ne supporte pas qu'Iliad utilise ses fréquences 700 MHz et soit devant lui en terme de couverture 5G, tout comme son positionnement commercial. « On ne pouvait s'enliser dans des discussions sans fin alors qu'il n'existait pas de consensus sur la question de partage de réseau au sein de l'opérateur historique », insiste-t-elle.

Désaccords sur le prix du dégroupage

Ces tensions sur la 5G s'ajoutent à celles sur le prix du dégroupage. Stéphane Richard milite pour que l'Arcep revoit très à la hausse ce tarif, payé par les opérateurs alternatifs pour accéder au réseau cuivre d'Orange et vendre leurs abonnements ADSL. Le PDG juge qu'il s'agit d'un impératif pour permettre au groupe d'entretenir correctement ses infrastructures. Mais en face, Iliad, mais aussi SFR et Bouygues Telecom, clament qu'il faut au contraire impérativement revoir le prix du dégroupage à la baisse. Une nécessité, argue-ils, pour pousser Orange à fermer plus vite son réseau cuivre au profit de la fibre. Une fois encore, la rentrée est décidément animée dans les télécoms.

Pierre Manière

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Commentaire 1
à écrit le 29/01/2021 à 14:29
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- ' tu fais les lourds investissements, et tu me donnes un acces quasi gratuit pour que je fasse des forfaits illimites a 3 euros avec 80% de marge' - 'non'

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