Télécoms : les fabricants de câbles pâtissent de la décélération du chantier de la fibre

La filière française des câbles pour les télécoms a vécu un exercice 2021 mouvementé, marqué par un rebond de l’activité au premier semestre, suivi par une chute brutale sur les six derniers mois. Cela s’explique, d’une part, parce que le déploiement de la fibre à l’échelle nationale ralentit. Mais les fabricants français ont encore souffert d’importations massives de câbles chinois.
Pierre Manière
L’an dernier, les ventes de câbles télécoms se sont élevées à 710 millions d’euros, soit près de 15% de moins qu’en 2019, où elles étaient au plus haut.
L’an dernier, les ventes de câbles télécoms se sont élevées à 710 millions d’euros, soit près de 15% de moins qu’en 2019, où elles étaient au plus haut. (Crédits : DANIEL MUNOZ)

C'est un peu la fin d'une époque pour les fabricants français de câbles télécoms. Tous le savent bien : le grand chantier, amorcé il y a un peu plus de dix ans, visant à couvrir tout le pays en fibre optique va bientôt arriver à son terme. D'ici à la fin 2022, environ 85% des Français bénéficieront de cette technologie. En clair, le gros des déploiements est terminé. Ce qui se traduit, mécaniquement, par une baisse des ventes de câbles. Cela explique en grande partie, a souligné ce jeudi le Sycabel, l'organisation des fabricants de fils et câbles pour l'énergie et les télécoms, les résultats en dent de scie de l'exercice 2021. Le premier semestre a été très bon pour les Prysmian, Acome ou Nexans. Mais le second semestre a vu l'activité chuter brutalement.

L'an dernier, les ventes de câbles télécoms se sont élevées à 710 millions d'euros, soit près de 15% de moins qu'en 2019, où elles étaient au plus haut. Idem pour les matériels de raccordement télécoms, dont le chiffre d'affaires chute de plus de 16%, à 300 millions d'euros, par rapport à il y a deux ans. Seule l'activité des câbles sous-marins, en plein essor du fait des investissements pharaoniques des géants américains du Net, reste soutenue. Celle-ci représentait 215 millions d'euros l'année dernière.

La fibre chinoise a pénalisé la filière

Outre la fin du chantier de la fibre en France, les fabricants de câbles ont une nouvelle fois souffert, en 2021, des importations massives de fibre chinoise. Le Sycabel et les fabricants français de câbles télécoms pestaient depuis 2019 contre cette concurrence jugée déloyale, et ont porté l'affaire à Bruxelles. « Afin de rétablir une concurrence loyale, la Commission européenne a décidé d'imposer des droits antidumping allant de 19,7% à 44% sur les importations de câbles à fibres optiques en provenance de Chine », se félicite le Sycabel dans un communiqué. « Mais cela n'a eu aucun effet sur l'année 2021 parce que la sanction est tombée au mois de novembre », explique Jacques de Heere, le vice-président de l'organisation et PDG d'Acome.

Les fabricants français sont pourtant bien loin de crier victoire. Ils redoutent que les industriels chinois contournent les nouvelles taxes de l'Union européenne. De fait, celles-ci portent sur les câbles... Mais pas sur la fibre en tant que telle. Le Sycabel craint que les industriels chinois décident de racheter des câbleries en Europe, afin d'y fabriquer leurs propres câbles avec de la fibre optique maison. Jacques de Heere indique que la filière reste « vigilante ». D'autant que certains groupes chinois ont récemment, dit-il, acquis des câbleries en Pologne ou en Espagne...

Saisir les nouvelles opportunités du numérique

Outre la baisse d'activité sur les câbles à fibre optique, les fabricants français s'attendent aussi à voir leur livraisons de câbles en cuivre chuter. Pourquoi ? Tout simplement parce qu'Orange compte fermer son vieux réseau cuivre, encore utilisé pour le téléphone et l'ADSL, entre 2023 et 2030. Cette décision était attendue. Mais l'ennui, c'est que les fabricants français n'ont, à ce jour, guère de visibilité sur le rythme de ce démantèlement. Ils appellent Orange à le préciser, afin qu'ils puissent, de leur côté, organiser correctement la fin de vie de cette activité.

L'objectif de la filière française des câbles télécoms est désormais de rebondir. Les opportunités sont là. « Il y a une nouvelle vague du numérique avec le développement de nouveaux usages, la 5G, les objets connectés ou encore les véhicules autonomes, explique Eric Francey, le président du Sycabel. Toutes ces activités vont nécessiter des câbles. » Mais il ne le cache pas : l'enjeu, pour la filière, est d'éviter un trou d'air en attendant que cette nouvelle vague arrive.

Pierre Manière

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.