VTC : Uber et Lyft au point mort à New York

La ville de New York a annoncé un gel des nouvelles licences de VTC (voitures avec chauffeur) pendant un an. Un salaire minimum devra aussi être garanti pour les chauffeurs. Ces deux mesures inédites aux États-Unis portent un coup de frein à Uber et Lyft, leaders du marché. L'arrêté municipal vise à décongestionner la ville et endiguer la fronde des traditionnels taxis jaunes.
Anaïs Cherif
En 2017, Uber a enregistré une perte colossale de 4,5 milliards de dollars.
En 2017, Uber a enregistré une perte colossale de 4,5 milliards de dollars. (Crédits : Lucy Nicholson)

Une première aux États-Unis. La ville de New York a adopté mercredi un arrêté municipal pour geler les nouvelles licences de VTC (voitures avec chauffeur) pendant un an, visant ainsi Uber et Lyft, leaders du marché, et leurs concurrents Juno et Via. Un salaire minimum sera également imposé pour les chauffeurs. Approuvé à 39 voix pour et 6 voix contre, l'arrêté doit encore être signé par le maire Bill de Blasio, en faveur du projet, avant de devenir effectif. L'objectif : décongestionner la ville et endiguer la gronde des chauffeurs de taxis jaunes traditionnels, qui subissent une chute de leurs revenus du fait de la concurrence des VTC. Pendant ce gel, l'autorité new-yorkaise de supervision des véhicules avec chauffeur (TLC) devra réaliser une étude d'impact pour mesurer les effets de cette industrie sur la ville.

"Notre ville est confrontée à une crise, entraînant les New-Yorkais vers la pauvreté et transformant nos rues en embouteillages", a commenté le maire Bill de Blasio dans un communiqué de presse. "Cette décision va stopper l'afflux de voitures qui contribue à la congestion qui paralyse nos rues", avant de souligner, "plus de 100.000 travailleurs vont constater le bénéfice immédiat de cette loi."

En 2015, Bill de Blasio avait déjà tenté de limiter le nombre des VTC - en vain. Le salaire minimum devra être déterminé par la TLC, mais un rapport que l'autorité a commandé et validé recommande un salaire horaire de 17,22 dollars, selon l'AFP. Dans l'État de New York, le salaire minimum en vigueur à la fin de l'année sera de 15 dollars.

"Cette pause de 12 mois pour délivrer de nouvelles licences VTC va menacer une des seules options de transports fiables de la ville, tout en ne faisant rien pour améliorer les métros ou réduire les embouteillages", a commenté auprès du Wall Street Journal Danielle Filson, porte-parole Uber.

Explosion des VTC, perte de vitesse des transports publics

Créé en 2009 à San Francisco et désormais valorisée 70 milliards de dollars, Uber s'est lancé à New York en 2011. Selon les chiffres de la TLC, environ 37.000 VTC opéraient dans la ville en 2010 pour 13.500 taxis. Si le nombre de taxis n'a pas changé, celui des VTC a explosé : ils étaient plus de 83.000 dans New York en 2017. Environ 2.000 nouveaux véhicules de ce genre font leur entrée chaque mois dans les rues de la "Big Apple". Conséquence : les transports en commun de la ville sont en perte de vitesse, et les rues se retrouvent congestionnées.

Le métro a perdu 1,7% de fréquentation en 2017, et s'apprête à perdre 2% cette année. Quant aux bus, ils ont souffert d'une baisse de fréquentation de 5,1% l'année dernière, contre 4,4% attendu pour 2018, selon les chiffres de la Metropolitan Transportation Authority, entreprise en charge de la gestion des transports publics à New York. Les taxis jaunes traditionnels, eux, ont vu le prix de leur licence s'effondrer. Ce fameux sésame se vendait plus d'un million de dollars en 2014, contre moins de 200.000 dollars aujourd'hui, selon l'AFP.

Des précédents en Europe

Ce nouveau modèle de transports est largement questionné en Europe, notamment d'un point de vue sociétal. Souvent contraints au statut d'auto-entrepreneur, les chauffeurs ne sont pas considérés comme des employés de ces entreprises de l'économie dite "collaborative". Ces dernières n'ont donc pas à garantir de salaire minimum, à régler les congés payés ou encore fournir une assurance maladie. À Londres, Uber s'était vu retirer sa licence en septembre 2017, avant de se la voir prolonger pour quelques mois en juin dernier. L'entreprise californienne s'est aussi vu imposer le paiement d'un salaire minimum pour ses chauffeurs de 7,50 livres de l'heure (8,50 euros) et des congés payés, après avoir perdu en appel un procès en novembre dernier contre le tribunal du travail de Londres.

Uber a aussi été interdit en Turquie début juin et en Bulgarie. L'entreprise s'est retirée du Danemark et de Hongrie, après l'adoption d'une loi rendant son activité impossible. En France, Uber a annoncé en mai dernier un renforcement de la couverture d'assurance de ses chauffeurs. Jusqu'ici, Uber proposait dans l'Hexagone une couverture uniquement pour les accidents. Le dispositif va désormais être élargi pour inclure des protections en dehors des courses, en cas d'arrêt de travail lié à une blessure, une maladie, ou en cas d'événements de la vie comme une naissance.

| Lire aussi : Pourquoi Uber incarne tous les vices de la Silicon Valley

Anaïs Cherif

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Commentaire 1
à écrit le 10/08/2018 à 9:03
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Uber est assis sur un modèle économique qui est socialement inacceptable puisque reposant sur l'exploitation de personnel sans droits sociaux et ça exerce une concurrence déloyale. Si ce sont les américains qui le disent !

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