WonderLeon : les pépites de la French Tech créent leur plateforme de recrutement de talents internationaux

Suite à l’échec de l’initiative #ReviensLeon, ses fondateurs transforment leur plateforme en véritable agence de recrutement digitale, pour permettre aux entreprises européennes innovantes (startups, scale-ups, grands groupes) d’attirer des profils internationaux.
Sylvain Rolland
Frédéric Mazzella, le Pdg-fondateur de BlaBlaCar, fait partie des quinze pépites françaises membres de la plateforme de recrutement des talents étrangers Wonderleon, anciennement #ReviensLeon.

Malgré le chômage de masse en France, un secteur peine terriblement à recruter des talents : la high-tech. Avec une double peine : non seulement les startups en hyper-croissance ont du mal à trouver chaussure à leur pied en France, mais elles rencontrent encore plus de difficultés pour attirer des profils internationaux, indispensables au moment de se globaliser.

Les expatriés, une cible difficile à convaincre

« Quand on adresse un marché étranger, on a besoin de gens capables de le comprendre en profondeur pour nous aider à faire évoluer le produit », estime Jean-Daniel Guyot, le président de Trainline International, qui vend des billets de trains sur internet. Toutes les études le montrent : les profils internationaux sont des pièces-maîtresses dans la réussite des startups. « Ces gens pensent différemment, ils apportent un autre point de vue, une ouverture, une expérience, une capacité d'adaptation qui sont essentiels pour continuer à innover », ajoute Christelle Fumey, la directrice adjointe du pôle Society de l'institut CSA, auteur d'une étude sur le sujet avec EY.

Problème : ils sont très courtisés. Il faut donc les attirer. Depuis mai 2015, #ReviensLeon, une initiative lancée par une poignée de pépites de la French Tech, travaillait sans relâche pour inciter les expatriés français à rentrer au bercail, jusqu'à donner des aides à l'installation. Sans succès. Au bout d'un an, seuls huit expats avaient franchi le pas.

En revanche, Frédéric Mazzella, le Pdg et fondateur de Blablacar à l'origine du projet, a rapidement constaté que les offres d'emplois postées sur la plateforme étaient consultées par une majorité d'étrangers. Au point que les quinze entreprises membres ont pu réaliser 2600 recrutements en deux ans dans leurs bureaux partout dans le monde (un chiffre à relativiser en raison de la présence du géant LVMH dans le lot). Dérouté, #ReviensLeon avait donc décidé en avril 2016 de pivoter pour mieux s'adresser à cette cible.

     | A lire. #ReviensLeon : les expatriés ne se bousculent pas pour rentrer en France

WonderLeon à l'affût des profils étrangers

Un an plus tard, #ReviensLeon passe finalement à la trappe. A la place, la plateforme se rebaptise Wonderleon et s'adresse désormais à « tous les talents étrangers désirant travailler pour une entreprise européenne innovante », précise Frédéric Mazzella.

Le périmètre d'action change drastiquement. Il ne s'agit plus de faire revenir des expatriés en France pour travailler dans les « scale-ups » (entreprises en hyper-croissance et en quête d'internationalisation) françaises, mais d'attirer des profils internationaux pour travailler, partout dans le monde, dans des « entreprises innovantes européennes ». Celles-ci peuvent être des jeunes startups, des scale-ups, mais aussi des PME et des grands groupes, à condition qu'ils soient engagés dans une démarche d'innovation.

« C'est le moment de faire rayonner la « European Tech » et de hisser notre continent au premier rang de la compétition internationale des talents », s'enflamment, dans un texte, les startups membres du « collectif Wonderleon, s'inscrivant dans le dynamisme actuel de la scène tech européenne, riche de 47 licornes valorisées en moyenne 2,8 milliards de dollars, de 4,7 millions d'ingénieurs, et où le montant des fonds investis en capital-risque explose (13 milliards d'euros en 2016).

Wonderleon nourrit ainsi l'ambition de devenir « la » plateforme de l'emploi dans la tech européenne. Le site est désormais accessible en anglais, tout comme les offres d'emplois (167 au 13 juin) et les fiches des entreprises membres. Il propose aussi de conseiller les futures recrues en cas de problème logistique, administratif ou pratique dans leurs démarches.

Pour l'heure, beaucoup de com' et une initiative franco-française

Voilà pour la théorie. En réalité, les grandes ambitions de Wonderleon restent à construire. La structure s'appuie pour l'instant sur les mêmes quinze membres qui participaient à #ReviensLeon, c'est-à-dire quatorze startups en hyper-croissance (Blablacar, Criteo, Dataiku, Drivy, Lafourchette, Meetic, Sigfox, Trainline, Showroomprive.com...) et un seul grand groupe, LVMH.

Championnes du buzz et de la communication, les équipes d'Agence Clé, l'agence de communication digitale qui héberge Wonderleon, comptent sur la médiatisation de l'initiative pour recruter de nouvelles entreprises et pour faire connaître leur plateforme aux talents étrangers en quête d'un emploi « cool » dans la tech. Vendre du rêve d'abord, agir ensuite : tel est le credo de la maison, qui promet des « partenariats avec les structures d'incubation, d'accélération et d'accueil des startups européennes ». Quant au budget alloué à l'initiative, il reste très flou. Interrogé sur le sujet, Frédéric Mazzella parle de « quelques centaines de milliers d'euros », provenant de la cotisation annuelle des quinze membres (« entre quelques centaines et quelques milliers d'euros chacun selon leur taille ») et d'une aide tout aussi mystérieuse de la French Tech.

La structure aux 1000 startups Station F, la pépite spécialisée dans le recrutement en ligne Welcome to the jungle, et le pôle de compétitivité Cap Digital rejoignent Wonderleon en tant que partenaires pour relayer l'initiative dans leurs réseaux. La structure se dote aussi d'un conseil d'administration et d'un réseau de « connectors », c'est-à-dire des personnalités qui aideront la marque à se faire connaître. Parmi eux, Roxanne Varza, la directrice de Station F, ou encore Niklas Zennström, cofondateur de Skype et du fonds de fonds pan-européen Atomico.

Palier aux carences du recrutement

Reste que s'il réussit son pari, Wonderleon répondra à un vrai problème. Être capable d'accéder aux meilleurs talents est un enjeu important pour la tech européenne, en pleine explosion depuis quelques années.

Aujourd'hui, les directeurs des ressources humaines et les dirigeants de startups passent principalement par deux canaux de recrutement : les réseaux sociaux professionnels comme LinkedIn et Viadeo (à 82% d'après l'étude CSA/EY réalisée en mai 2017), et les recommandations de leur propre réseau (à 56%). De leur côté, la moitié des « Leon » ont utilisé leur réseau personnel. Il existe donc un espace pour une plateforme spécialisée dans le recrutement de profils internationaux, ce que confirme l'expérience #ReviensLeon, qui a moins séduit son cœur de cible (les Français expatriés) que les étrangers. Quant aux startups, qui intègrent de plus en plus tôt la dimension internationale, elles privilégient si possible les profils différents. 70% des prochains recrutements prévus par les membres de Wonderleon concerneront des talents internationaux.

Travailler sur l'image de la France

Enfin, il faut aussi noter que 80% des dirigeants de startups pensent qu'il est toujours difficile de recruter des talents internationaux en France. Même si elle s'améliore, l'image de l'Hexagone à l'étranger, notamment hors de l'Europe, reste associée à une taxation confiscatoire et un environnement réglementaire complexe et en perpétuelle évolution.

C'est d'ailleurs l'une des doléances de l'écosystème français à l'égard d'Emmanuel Macron.

« Les trois besoins des startups françaises sont de développer un marché unifié européen, de beaucoup communiquer pour améliorer l'image de la France à l'étranger, et en finir avec l'instabilité législative et réglementaire », milite Jean-Daniel Guyot, de Trainline.

Le dirigeant souligne que « tout est une question d'image » dans la compétition mondiale pour les talents. Wonderleon, qui place la communication au cœur de son dispositif, l'a bien compris.

Sylvain Rolland

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Commentaires 4
à écrit le 14/06/2017 à 23:53
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« tout est une question d'image » : c'est une erreur trés grossiére que de penser que les conditions réelles de travail, de fiscalité et de niveau de vie d'un salarié du high-tech en France peuvent être gommées avec un peu de propagande à l'âge de l'...

à écrit le 14/06/2017 à 14:48
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Oui très intéressant ... Il est encore plus intéressant d'aller sur le site et de regarder les annonces. On y trouve une annonce où le profil recherché est: Business school (such as HEC, ESSEC, ESCP) or engineer (such as Centrale, Mines, Ponts…) ... ...

le 14/06/2017 à 15:46
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et si c est des etrangers, vous allez avoir du mal a trouver des ENA ou X-mines ;-)

à écrit le 14/06/2017 à 9:40
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Excellent article sur le sujet épineux du recrutement. Une startup parisienne (cocorico) revisite le principe meme du recrutement en utilisant les intelligences artificielles pour aider les entreprises à "constituer des équipes pérennes et harmonieu...

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