Pourquoi le succès de l'offre d'échange grec ne sonne pas la fin de la crise

L'offre d'échange a été un succès mais les raisons de s'inquiéter ne disparaissent pas pour autant. L'agence de notation Fitch a d'ailleurs annoncé, ce vendredi, l'abaissement de la note grecque et le placement temporaire du pays en "défaut partiel"
Copyright AFP

Athènes est-elle tirée d'affaire ? On en est encore loin. Certes, le montant du stock de dette grecque est considérablement réduit et l'épée de Damoclès des remboursements des échéances disparaît. D'autant que le Fonds européen de stabilité financière versera 54,5 milliards d'euros au budget grec. Pour un temps, donc, on devrait en finir avec les coups de chaud trimestriels qui émaillent l'actualité européenne depuis deux ans. Mais pour un temps seulement. Car le déficit public grec, lui, ne va pas se résorber comme par magie.

Le scénario du FMI

Selon le scénario du FMI, le déficit primaire d'Athènes, en dehors du paiement des intérêts de la dette, devrait se situer à 1 % du PIB cette année. Dès 2013, le pays pourrait être en mesure de dégager un excédent primaire qui devra se situer à 4,5 % du PIB de 2015 à 2020. A partir de 2014, le ratio de la dette nette sur le PIB devrait commencer à reculer pour avoisiner les 129 % en 2020. Mais ce scénario, déjà considéré comme inquiétant par les dirigeants européens, apparaît cependant très optimiste. Il est basé en effet sur une baisse des dépenses publiques de 7 milliards d'euros d'ici à 2014, soit 17 % du total, sur une stabilité des recettes et sur un produit des privatisations de 50 milliards d'euros au total.

Le risque croissance

Mais plusieurs économistes doutent de la crédibilité de ce scénario qui repose sur une croissance moyenne du PIB à partir de 2015 de 4 % par an. Déjà pour 2011, la prévision d'une croissance de 1,1 % de la Troïka relève du fantasme. Le PIB grec devrait se contracter de 5 %. En supposant que la dépense publique soit réduite aussi brusquement que le prévoit le plan européen, on voit mal comment la croissance pourrait revenir rapidement en Grèce. Or, sans croissance, tous les efforts de consolidation budgétaire seront vains : les recettes continuant à reculer, on voit mal comment le déficit primaire pourrait se transformer rapidement en excédent. Encore moins comment il pourrait atteindre 4,5 % du PIB. Les experts de RBS, qui tablent ainsi plutôt sur une croissance annuelle de 2,5 % à partir de 2015, prévoient ainsi que le ratio dette sur PIB en 2020 serait alors de 160 %, soit... son niveau actuel. L'Europe n'aurait alors, selon eux, pas d'autre choix que de lancer un troisième plan de soutien. Mais les Etats membres de la zone euro accepteront-ils alors de mettre à nouveau la main à la poche ? Le risque de faillite grec n'aura donc pas disparu à long terme.

Le risque politique

A plus court terme, la question politique sera cruciale. Les Européens souhaiteraient ajourner les élections législatives anticipées prévues en avril prochain. Les derniers sondages ne sont en effet pas sans les effrayer : les trois partis à la gauche du PASOK social-démocrate totaliseraient en effet 39 % des intentions de vote, soit autant que les deux grands partis, la Nouvelle Démocratie et le PASOK. Avec une extrême gauche si forte, le risque d'une remise en cause du plan de route est élevé. On les voit mal accepter le maintien d'un tel excédent primaire sans souhaiter augmenter la dépense publique. Le pari des dirigeants européens est que si l'on attend l'échéance normale de 2015, la situation du pays sera suffisamment redressée pour affaiblir les partis contestataires. Mais la rue grecque acceptera-t-elle d'attendre jusque là alors que le gouvernement Papademos devait être provisoire et que les élections anticipées ont déjà été repoussées de février à avril ? Le risque d'une explosion sociale incontrôlée n'est pas moins grand que celui de la faillite désordonnée.

Le risque MES

Reste enfin le problème du pare-feu. En juillet, le Mécanisme européen de stabilité (MES) prendra le relais du FESF. Que lui restera-t-il en caisse ? Selon les calculs de RBS, l'aide à Athènes coûtera entre 124 et 141 milliards d'euros au FESF. Si on table sur une participation du FMI de 13 milliards d'euros, ce qui n'est pas acquis, il restera alors au FESF une capacité d'endettement de 219,9 milliards d'euros. Un chiffre absolument insuffisant pour contrer une attaque sur l'Espagne ou l'Italie. Autrement dit, la confiance dans la zone euro ne sera pas rétablie auprès des investisseurs. La solution pourrait être de combiner les forces du FESF et du MES. La balle est dans le camp de l'Allemagne. Le gouvernement Merkel l'a évoqué, mais sa majorité parlementaire fait preuve d'une forte résistance. Or, la politique européenne se fait aujourd'hui en grande partie au Bundestag. Ce facteur d'incertitude va continuer à empoisonner la zone euro, malgré le succès de l'offre d'échange grecque.

En conclusion, si les marchés se focalisent sur cette offre d'échange à court terme, son succès n'est donc nullement une amorce de la fin de la crise européenne.


 

Commentaires 40
à écrit le 09/03/2012 à 17:04
Signaler
Au plein moment de la crise, selon la presse, nous ne pouvions pas nous en sortir, toutefois, nous pouvions nous en sortir bien que nous ne pouvions pas nous en sortir tout en pouvant peut-être nous en sortir. Lors de l'intervention de la BCE, nous p...

le 09/03/2012 à 22:17
Signaler
eh ben, on est pas sorti de l'auberge :-))

à écrit le 09/03/2012 à 16:13
Signaler
pour moi aussi c'est un grand succès ; mon dossier vient de passer au comité ! champagne ! lol

à écrit le 09/03/2012 à 16:07
Signaler
Je suis vraiment heureux de lire la plupart des commentaires à ce sujet. Il est bon nombre de lecteurs qui s'intéressent désormais au fond et non plus au vernis que l'on nous sert dans les médias de masse. Ce pays a encore un avenir.

à écrit le 09/03/2012 à 16:03
Signaler
Les Grecs sont les plus malins..Ce qui est pris est pris, personne ne peut leur reprendre..Ils ont vécu aux frais de la princesse et des rentiers des fonds souverains, qui de toutes façons depuis que çà dure ont pris assez d'argent avec le système po...

à écrit le 09/03/2012 à 15:42
Signaler
L'ancien ministre de l'Economie argentin, Roberto LAVAGNA, a sorti son pays de la crise en 2002, en se passant des services du FMI. Il préconise la même solution pour la Grèce. Recueilli par GÉRARD THOMAS, à Buenos Aires. L'ancien ministre de...

le 09/03/2012 à 15:54
Signaler
Oui, mais non. L'Argentine s'est faite privatiser au profit de sociétés américaines et l'Argentain n'en est pas devenu plus riche. De plus, ce n'était pas à une époque de crise économique mondiale. Donc, non significatif car hors contexte. Comme le J...

le 09/03/2012 à 16:49
Signaler
De plus si le pesos était bien indéxé sur le dollar, pour la Grèce c'est complétement différent puisque sa monnaie n'est pas indéxée sur l'Euro mais EST l'Euro et n'est donc pas tributaire d'un gouvernement complétement indépendant du sien. Et si les...

à écrit le 09/03/2012 à 15:23
Signaler
Adieu les petits milliards, on s'en tape de toutes manières ça commence à devenir lourd tout ce cirque, on est plus dans de l'économie on est dans la franche rigolade. Les Grecs restent en Europe et dans l'Euro ils n'ont qu'une seule chose à faire "n...

le 09/03/2012 à 15:56
Signaler
Vu ce qui se passe dans le pays, oui, tout ce qu'il leur reste est la plage. Bientôt payante...

à écrit le 09/03/2012 à 13:10
Signaler
Je suis un contribuable français, européen par contrainte, donc selon le principe d'égalité , je demande qu'on applique à la France la même décote de la dette de mon pays, sans cela le résultat actuel des aides grecques pourrait s'analyser comme une ...

le 09/03/2012 à 13:52
Signaler
Il y a toujours deux poids, deux mesures. regardez chez nous avec l'affaire Tapie. Essayer d'obtenir un arrangement arbitral, vous pouvez toujours courir. Et 45 millions au seul préjudice moral c'est astronomique. C'est en France et nulle part ailleu...

à écrit le 09/03/2012 à 12:55
Signaler
Seulement Deux questions!!! 1/ Qui a dit ou a cru que la crise est terminée? 2/ Les années de crédit sur lequels tous les Européens ont vécus depuis + de 30 ans n'ont ils pas profité aussi aux peuples européens?

le 09/03/2012 à 13:42
Signaler
Non, ils n'ont profité qu'à une partie des peuples européens, celle qui n'a pas à les rembourser. Les générations les moins anciennes des pays européens endettés vont avoir le plaisir de découvrir la dette sans la "croissance" qui allait avec..........

à écrit le 09/03/2012 à 12:19
Signaler
Il est étonnant tout de même notre capitalisme et toutes les leçons qu'on nous assénées sur le libéralisme. Depuis 30 ans, l'Europe réduit plus ou moins selon les pays le niveau de vie de ses concitoyens. Et en France plus qu'ailleurs. Et là pour sau...

le 09/03/2012 à 15:01
Signaler
Vous faites erruer, le libéralisme ce n'est pas le capitalisme financier. Relisez Bastiat, penseur français du 19 eme, et vous découvrirez enfin ce qu'est le libéralisme humaniste. De plus ce sont les différents gouvernements collectivistes et conser...

le 09/03/2012 à 15:28
Signaler
Le niveau de vie en France aurait donc chuté ces trente dernières années? Voilà une information originale.

le 09/03/2012 à 15:32
Signaler
rien absolument rien ne prouve la réduction du niveau de vie des européens depuis trente ans. Analysez bien les statistiques avant d'écrire quoique que ce soit d'inexact qui alimente le fantasme de décadence.

à écrit le 09/03/2012 à 11:28
Signaler
Arrêter de parler de faillite pour un pays, faillite implique une saisie alors vous voyez les créanciers allez saisir des îles, des monuments, les slips des grecs etc. Pour un pays seul le défaut de paiement est légitime.

le 09/03/2012 à 12:01
Signaler
c'est l'avantage d'un pays par rapport à un ménage .. on peut arrêter de payer. La France a déjà "fait faillite" plusieurs fois dans son histoire . Et alors ? elle est toujours là, les créanciers sont morts depuis longtemps.

le 09/03/2012 à 13:42
Signaler
PB83, vous avez tort. Un état en faillite peut se faire saisir des actifs situés en dehors de son territoire. Les cas sont multiples, le cas du Pérou alors en faillite est célèbre par la saisie de l'avion du président péruvien alors en visite officie...

le 09/03/2012 à 21:17
Signaler
le contexte est très différent. Le Pérou était tout seul à faire faillite dans son coin, alors que nous sommes en faillite dans un monde en faillite ... le premier qui dégaine et c'est la tuerie :-))

à écrit le 09/03/2012 à 11:00
Signaler
Quand on pense que les "saigneurs" qui n'ont pas participé à l'édification de la Grèce avant son entrée dans la zone Euro, se sont coalisés avec les autres cosmopolites pour s'engraisser d'avantages! On peut douter de leur patriotisme! Mais pas celui...

à écrit le 09/03/2012 à 10:25
Signaler
Non, l'échange n'est pas un succès. Raison: une émission d'Hellenic Railways pour EUR 412.5 millions échéance 2013, garantie par le gouvernement grec, qui inclue une clause autorisant les porteurs à constater un défaut en cas de restructuration ou mo...

le 09/03/2012 à 12:55
Signaler
c'est le problème créé par la diversité des instruments financiers : la notion de communauté des créanciers devient confuse, ceux ci ayant des intérêts divergents...

le 09/03/2012 à 13:38
Signaler
c'est toujours le cas pour les emprunteurs corporate ou publics. Le cas et la notion de prêteur unique n'existent pas.

à écrit le 09/03/2012 à 10:11
Signaler
Reprenons le cours des évènements : les créanciers privés n'ont plus confiance en la Grèce, résultat les états et institutions publiques interviennent et prêtent à la place. Bien sur cela ne règle pas le problème (la dette était devenue trop haute). ...

à écrit le 09/03/2012 à 9:59
Signaler
Bizarrement, notre déficit a explosé sans avoir de gouvernement de gauche. Notre pays n'a rien compris... Et moi, encore moins.

le 09/03/2012 à 10:44
Signaler
Sachez que les conservateurs (UMP) et les collectivistes (PS) sont tous les deux des partis anti libéraux, donc c'est idem, vous n'avez pas eu le choix de l'alternative à ce jour en France.

le 09/03/2012 à 11:49
Signaler
Haaaa !! si on avait la chance d'avoir un vrai gouvernement libéral comme l'Irlande ... on serait déjà en faillite totale, alors que là ça traine en longueur :-)))

le 09/03/2012 à 12:35
Signaler
Excellent, Letroll. Je n'aurais su faire mieux ;-)))

le 09/03/2012 à 13:16
Signaler
Si on avait la chance d'être un vrai pays libéral comme les États-Unis on pourrait faire marcher la planche à billet pour combler les déficits .....

le 09/03/2012 à 13:28
Signaler
Sauf, Christophe, que le Dollar recule lentement mais surement dans les échanges internationaux. On se demande bien pourquoi, tiens..? Ne pas confondre billets et salut ;-)

le 09/03/2012 à 15:15
Signaler
Un vrai pays libéral c'est comme la Suisse, première démocratie en Europe, la Canada, ou l'économie se porte bien, ainsi que l'Australie, Singapour ou bien certains pays scandinaves. Croire qu'il faut encore plus de collectivismes d'état et d?interve...

à écrit le 09/03/2012 à 9:23
Signaler
"Les Européens souhaiteraient ajourner les élections législatives anticipées prévues en avril prochain." Je propose, comme Berthol Brecht, de changer de peuple. On peut aussi rapprocher cela des propos de S Huntington: « La démocratie va-t-elle deven...

à écrit le 09/03/2012 à 9:16
Signaler
En conséquence la probable disparition de l'euro ou une forte dévaluation au minimum. En conclusion achetez de l'or vite !!! Et protégez vos économies avant de vous retrouver ruinés.

à écrit le 09/03/2012 à 8:30
Signaler
Faites svp des tableaux chiffrés avec les principaux indicateurs car cela permettreait de ne rien oublier et de savoir de quoi on parle. Ex dans cet article concernant les moyens du FESF vous oubliez apparemment ce qui a été versé au Portugal et à l'...

à écrit le 09/03/2012 à 8:22
Signaler
Pourquoi le succès de l'offre d'échange grec ne sonne pas la fin de la crise... parce que c'est tout simplement un puits sans fond !

le 09/03/2012 à 13:57
Signaler
Gagner du temps pour trouver d'autres combines les banquiers serrant les fesses; Perdre 60% aujourd'hui un succès, un moindre mal. Demain 100% ce sera la crise et non les grecs. Malheureusement le reste suivra.

à écrit le 09/03/2012 à 8:14
Signaler
Un monde s'écroule sous nos yeux. Un jour ça va le lendemain c'est la catastrophe. Le FMI et la BCE sont bien les seuls à croire à leurs fadaises.

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.