Emmanuel Macron attend avant de dévoiler ses intentions. À l'issue d'une réunion à l'Elysée ce jeudi, plusieurs dirigeants syndicaux ont rapporté que le président de la République leur avait déclaré qu'« il ne croyait pas à la fin des mouvements » de colère et ne livrerait sa « vision » pour l'agriculture que dans plusieurs mois.
Le chef de l'État « nous a dit qu'il ne croyait pas à la fin des mouvements tant les causes étaient protéiformes et ce qui l'intéressait, c'était de construire un projet d'avenir et qu'il n'avait pas l'intention de courir derrière la colère. Ce sont ses mots », a déclaré Arnaud Rousseau le patron de la FNSEA lors d'une conférence de presse.
Le syndicat majoritaire attend depuis des mois la « vision » du président sur l'avenir de l'agriculture en France, après la pire crise traversée par le monde agricole en trente ans selon Arnaud Rousseau. Le président « a dit qu'il ne s'engagerait que si (...) une partie du monde agricole était prête à travailler à cette concertation et à cette nouvelle vision de l'agriculture », a poursuivi Arnaud Rousseau.
Le président est prêt à « attendre après les élections aux chambres d'agriculture », prévues en janvier 2025, jugeant que la concurrence entre syndicats pouvait être « un facteur d'interférence dans la définition de la vision de l'avenir de l'agriculture », a ajouté le patron de la FNSEA, syndicat qui contrôle actuellement l'immense majorité des chambres d'agriculture.
« Les mobilisations doivent quelque part cesser »
« J'ai senti un peu la Coordination rurale visée parce que sur le terrain, nous restons mobilisés. Il a bien dit que les mobilisations devaient quelque part cesser pour qu'on puisse se mettre au travail », a déclaré à la presse Véronique Le Floc'h, présidente du deuxième syndicat agricole. Elle a confirmé que le président estimait préférable d'« attendre l'après-élection aux chambres d'agriculture » pour livrer sa vision, c'est-à-dire l'an prochain.
De son côté, la porte-parole de la Confédération paysanne (3e syndicat) Laurence Marandola a souligné qu'il y avait eu « un engagement » de la part d'Emmanuel Macron « de revenir vers nous et de construire ensemble ». « Le président a parfaitement compris que cette réunion n'est pas de nature à clore complètement le sujet agricole », a-t-elle ajouté.
Emmanuel Macron a rassemblé dans la matinée à l'Elysée une trentaine de représentants du monde agricole (syndicats, interprofessions, coopératives) ainsi que le Premier ministre Gabriel Attal et plusieurs de ses ministres, selon des participants à la réunion. Cette réunion de plus de deux heures était destinée à échanger sur les « perspectives » du secteur selon l'Elysée, qui espérait « acter la fin » de la crise de cet hiver.
La menace d'une reprise de la mobilisation
Lors de l'inauguration, sous les huées, du dernier Salon de l'agriculture, le 24 février en pleine crise agricole, Emmanuel Macron avait donné rendez-vous aux syndicats trois semaines plus tard. L'échéance a été repoussée à plusieurs reprises, le syndicat majoritaire FNSEA s'impatientant de voir le chef de l'Etat livrer « sa vision » de l'avenir de l'agriculture.
L'exécutif et la FNSEA ne cachaient pas avant ce rendez-vous leur espoir de clore le chapitre de la crise agricole qui a éclaté avec un blocage d'une portion de l'autoroute A64 mi-janvier en Haute-Garonne et s'est étendue à l'ensemble du territoire autour d'une multitude de doléances (normes, revenu, considération du métier...). « On s'était engagé. Un accord a été conclu. On acte la fin », a commenté avant la réunion de ce jour une source de l'entourage d'Emmanuel Macron.
« Le message que je vais porter au président de la République, c'est que la clé de la fin de ce conflit, c'est lui qui la détient », avait déclaré Arnaud Rousseau, jeudi dernier sur TF1. Si les annonces de l'exécutif ne se déclinent pas « très concrètement » dans « les 4 à 5 mois qui viennent », la mobilisation pourrait reprendre « au terme de l'automne, une fois qu'on aura fini nos travaux » des champs, avait-il prévenu.
« Entre 500 et 600 millions d'euros » d'engagements
Les manifestations ont poussé le gouvernement à prendre au total 70 engagements (fonds d'urgence, simplifications, « pause » dans l'élaboration du plan de réduction de l'usage des pesticides, allègement de charges sur l'emploi de travailleurs saisonniers...). Les plus récents datent de samedi, quand Gabriel Attal a assuré que la prise en compte des 25 meilleures années dans le calcul de la retraite des agriculteurs serait effective en 2026. Coût pour les finances publiques de toutes ces annonces : « Entre 500 et 600 millions d'euros », selon le ministre de l'Agriculture Marc Fesneau.
L'Assemblée nationale a commencé à examiner cette semaine en commission un projet de loi d'orientation agricole étoffé avec la crise. Il contient dans son premier article l'affirmation que l'agriculture est « d'intérêt général majeur », dans l'optique notamment de faciliter la construction de réserves d'eau pour l'irrigation et de nouveaux bâtiments d'élevage hors-sol.
(Avec AFP)