Délocalisations industrielles : pour Bruno Le Maire, l'Europe est allée trop loin

L'Europe est "peut-être allée trop loin dans les délocalisations industrielles" mais a pris conscience de l'importance de la souveraineté industrielle lors de la pandémie de Covid-19, a déclaré jeudi le ministre français de l'Economie Bruno Le Maire devant un parterre de hauts responsables européens à Paris. Dans le monde, les relocalisations d'industries se multiplient au fur et à mesure de la reprise des investissements qui ont retrouvé en 2021 leur niveau d'avant Covid, et, en France, elles bénéficient surtout aux PME, indiquait, en décembre une étude publiée par le cabinet Trendeo.
(Crédits : Reuters)

C'est un peu le temps des regrets. Quarante ans après le début de l'accélération de la désindustrialisation en France et en Europe, de nombreux dirigeants estiment que les pays européens sont allés trop loin. C'est en tout cas l'avis du ministre français de l'Economie Bruno Le Maire.

"Nous nous sommes aperçus que nous étions peut-être allés trop loin dans les délocalisations industrielles, nous étions allés trop loin dans l'abandon de notre souveraineté économique, nous étions allés trop loin dans le partage de la valeur mondiale, avec une idée désormais dépassée que tout ce qui peut se produire moins cher doit se produire ailleurs", a-t-il déclaré ce jeudi lors de l'ouverture d'une conférence européenne sur la souveraineté industrielle à Bercy, avec notamment le vice-président de la Commission Maros Sefcovic.

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Des propos pour rappeler certaines pénuries qui ont affecté le Vieux continent au plus fort de la pandémie, comme celles qui ont concerné les masques FFP2, les semi-conducteurs présents dans les voitures.

"Nous avons compris que la souveraineté avait un prix et qu'il était bon de le payer", a expliqué Bruno Le Maire.

"Non seulement ça n'a pas de sens de délocaliser une production pour gagner un centime d'euro par pièce, ça n'a pas de sens économique, mais c'est coûteux socialement et c'est exorbitant du point de vue environnemental", a-t-il poursuivi, soulignant que l'Europe entendait bâtir "un nouveau modèle économique" et ne voulait plus "la croissance pour la croissance".

Projets dans la santé, le cloud, les semi-conducteurs, les batteries électriques

A l'heure des pénuries et des chaînes d'approvisionnement perturbées, la France veut profiter de sa présidence européenne tournante pour accélérer plusieurs gros projets d'investissements permettant aux Etats membres de déroger aux règles de la concurrence en subventionnant directement des industries d'avenir stratégiques, afin de concurrencer les géants américains et chinois par l'émergence de champions continentaux.

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Ces projets, qui seront financés via un instrument européen au nom barbare de "Piiec", --que Bruno Le Maire a proposé de rebaptiser-- portent sur les domaines de l'hydrogène, la santé, le cloud, l'électronique (semi-conducteurs) et les batteries électriques.

Sur le dossier déjà bien avancé des batteries, qui a fait l'objet d'un premier Piiec, Bruno Le Maire a fait état de 60 milliards d'euros dégagés représentant 70 projets industriels, dont celui de l'usine prévue à Douvrin dans le nord de la France, "dont la première pierre sera posée dans les prochains mois".

Les relocalisations se multiplient dans le monde

Dans le monde, les relocalisations d'industries se multiplient au fur et à mesure de la reprise des investissements qui ont retrouvé en 2021 leur niveau d'avant Covid, et, en France, elles bénéficient surtout aux PME, indiquait, en décembre une étude publiée par le cabinet Trendeo. La distance moyenne entre le lieu de décision d'un investissement et le lieu de l'investissement s'est établie à 3.120 kilomètres à mi-2021, selon cette étude. En 2020, elle a encore baissé de presque 5%, maximum observé par le baromètre de l'industrie publié par Trendeo depuis sa création en 2016.

"Il y a bien une contraction des chaînes mondiales de production" soulignait David Cousquer, fondateur de Trendeo, spécialisé dans l'analyse de données sur les tendances économiques.

"Il y a une régionalisation des investissements industriels mondiaux, on voit que c'est une tendance de fond" ajoutait Gwenaël Guillemot, directeur de l'Institut de la réindustrialisation, et responsable du département Industrie à l'école d'ingénieurs CESI, partenaire du baromètre de Trendeo.

Mais il ne s'agit ni de démondialisation ni d'auto-suffisance. En effet, l'une des activités industrielles les plus en expansion dans le monde, détectée par l'étude, est l'installation de plateformes logistiques robotisées destinées au commerce électronique, qui fluidifient de fait importations et exportations de marchandises.

Au second semestre 2020, Amazon à lui tout seul a représenté un record de 38% des investissements logistiques réalisés, précise l'étude.

Au total 1.705 plateformes se sont implantées de 2016 à 2021 (dont 125 en 2021, au même niveau que 2019), plaçant ce secteur au deuxième rang des hausses d'investissement industriel l'an passé, derrière la pharmacie, et avant l'électronique.

En France, le baromètre signale que les relocalisations industrielles sont en "forte hausse": 115 ont été identifiées depuis septembre 2019.

Toujours en décembre, la ministre de l'Industrie Agnès Pannier-Runacher s'affichait encore plus optimiste avec 624 projets de relocalisation identifiés à date par Bercy, grâce aux aides du plan de relance. "Ils vont se déployer sur 2021, 2022 et 2023", assurait-elle.

Néanmoins, "on constate une quasi-absence de la France sur les relocalisations de grands projets industriels comme les fonderies de semi-conducteurs (silicium)", faisait remarquer David Cousquer.

Du coup, la tendance est encore loin de se refléter dans les chiffres de l'emploi en France: "31.740 emplois ont été délocalisés entre 2009 et 2021, et 4.885 emplois ont été créés, relocalisés dans le même temps" en France, selon Gwenaël Guillemot.

Une note du Haut-commissariat au Plan (HCP) publiée également en décembre fustigeait le "déclassement" industriel du pays, qui élargit sans cesse son déficit commercial en l'obligeant à importer toujours plus de marchandises non produites sur le sol national.

(Avec AFP)

Commentaires 10
à écrit le 14/01/2022 à 14:26
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critique pas l'Europe, bruno, c'est elle qui te permet de continuer à creuser.

à écrit le 14/01/2022 à 12:27
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Plus de 50 ans d'idéologie progressiste, déconstruire les nations européennes construire une Europe fédérale puissance et identitaire qui n'existera jamais, que dans leur petits esprits au mépris des peuples et des nations européennes.

à écrit le 14/01/2022 à 9:47
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Toujours a confondre l'Europe avec son administration a Bruxelles, pour mieux cacher les traités signés sans le consentement des peuples!

à écrit le 14/01/2022 à 8:47
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L'Europe a un surplus commercial. La France a un dèficit commercial record. Les autres pays n'ont pas à regretter la globalisation, il compensent bien leurs délocalisation par des exportations. Seule la France a cause de ses couts, de sa bureaucrat...

le 14/01/2022 à 9:35
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mais qui a influencer l'europe des giscard et des mitterand et ceci avec la trouille de revoir les revendications de 68 se généraliser alors ils ont inventer la délocalisation et le chomage

le 14/01/2022 à 13:22
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l allemagne elle n'a pas delocaliser c'est bel et bien nos elite qui ont sacrifier le france

à écrit le 14/01/2022 à 8:31
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La faute à la mondialisation organisée par les USA, poussée par l'appât du gain des grands groupes. Le coût prohibitif du transport des marchandises entre l'Asie et l'Europe, si il persiste, devrait permettre de relocaliser certaines activités. Le c...

à écrit le 13/01/2022 à 22:12
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La déclaration de Lemaire ""peut-être allée trop loin dans les délocalisations industrielles" ... son PEUT ETRE constitue déjà une analyse creuse ; PLUS CONRETEMENT, il conviendrait de retirer leurs diplômes frelatés et de bannir à vie tous ces cadre...

à écrit le 13/01/2022 à 21:42
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Le Maire ! Au coin !

à écrit le 13/01/2022 à 18:14
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"L'Europe est "peut-être allée trop loin dans les délocalisations industrielles" Il est temps de s'en apercevoir,ah,ah

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