Des maires partagés entre colère et désarroi

Le 99e congrès des maires de France s'ouvre à Paris ce 31 mai. Il va être l’occasion pour les élus de pousser un cri de colère contre la baisse des dotations de l’Etat et ses conséquences sur les investissements locaux. Ils attendent un geste de François Hollande
Jean-Christophe Chanut
Baisse des investissement, baisse des possibilités d'autofinancement... les maires ont le blues et demandent à l'Etat de geler la baisse des dotations.

Baisse des dotations, coût de la réforme des rythmes scolaires, chute des investissements, intercommunalité menée à marche forcée... C'est peu de dire qu'à l'ouverture de leur 99e congrès ce 31 mai à Paris, le dernier avant l'élection présidentielle, les maires de France ont le spleen. Le thème central retenu, « Ensemble, faisons cause commune », est à cet égard très évocateur de l'ambiance qui règne chez les 36.641 maires de France. Et pour se remonter le moral, ils espèrent beaucoup des propos du Président de la République, présent au congrès le 2 juin. Les quelque 8.000 édiles qui font le déplacement au congrès n'attendent qu'une seule chose de François Hollande : qu'il annonce l'abandon de la dernière tranche de baisse des dotations prévue pour 2017, soit 3,7 milliards d'euros.

Cette histoire des dotations aux collectivités locales est « LA » pomme de discorde entre l'Etat et les élus du bloc communal. Depuis des mois, l'Association des maires de France (AMF) et toutes les autres associations d'élus communaux n'ont de cesse de tirer la sonnette d'alarme, reprochant à l'Etat de taper « trop vite et trop fort ».

« La » pomme de discorde : la baisse des dotations de l'Etat

Il est exact que l'Etat fait participer les collectivités locales à la réduction globale des dépenses publiques via, sur trois ans (2015-2017), une baisse de 10,7 milliards d'euros de la dotation globale de fonctionnement (DGF) versée par l'Etat aux collectivités locales, soit environ 3,6 milliards d'euros chaque année. De plus, la DGF avait déjà été réduite d'1,5 milliard d'euros en 2014. Sans parler du fait que le montant de la DGF avait été gelé entre 2011 et 2013. Au total, l'AMF estime le manque à gagner à 28 milliards d'euros.

Pour François Baroin, maire « Les Républicains » de Troyes et président de l'AMF, « l'effort demandé aux collectivités locales en général et au bloc communal en particulier, dans le cadre de la réduction de 50 milliards d'euros des dépenses publiques est totalement disproportionné, alors que les collectivités locales ne représentent que 9,5% de la dette publique, dont 4% pour le seul bloc communal. Tout le reste, c'est la Sécurité social et l'Etat ». Et de rappeler que, parallèlement, 58% des investissements publics sont portés par le bloc communal.

Aussi, les maires craignent les conséquences de la chute de l'investissement due à la baisse des dotations. Olivier Dussopt président (PS) de l'Association des petites villes de France (APVF) estime qu'au total en 2017 "on pourrait aboutir à une baisse de 15% à 20% des investissements du bloc communal" qui consacre, à titre d'exemple, 6 milliards d'euros à la voirie. A terme, "ce sont près d'un quart des 250.000 salariés travaillant dans les travaux publics qui pourraient être menacés", dramatise François Baroin.

Sans parler des conséquences sur les services publics affaiblis, voire fermés. "Et ce sont déjà des centaines de festivals qui sont annulés pour cet été", précise Vanik Berberian, président de l'Association des maires ruraux de France (AMRF).

Une chute drastique de l'autofinancement communal

André Laignel, président (PS) du Comité des finances locales (CFL) et maire d'Issoudun, met lui le doigt sur une autre conséquence de la baisse drastique des dotations de l'Etat: la baisse de l'autofinancement net des communes. Selon lui, la réduction a déjà atteint 30% entre 2011 et 2014, elle serait encore de 10% en 2015. Il évoque "une phase d'étouffement financier". Et, sans autofinancement pour servir d'effet levier, les investissements plongent.  "Dans un tel cas de figure les aides de l'État ou de la Caisse des dépôts ne servent plus à rien."

Résultat, répugnant à augmenter les impôts locaux - même si quelques municipalités ont dû s'y résoudre -, les communes serrent les boulons, quand elles peuvent, sur les dépenses de fonctionnement, en gelant les créations de postes, et ne développent plus les services publics... voire les ferment.

Pour les maires cela devient donc intenable. Aussi, pour limiter l'enlisement et éviter une trop forte hausse des impôts locaux, les collectivités locales s'endettent. En 2015, elles ont continué à emprunter auprès des banques et sur le marché obligataire. L'encours de dette des collectivités est ainsi en hausse de 4,9 % sur un an à 178 milliards d'euros. L'endettement joue donc un rôle de pansement à court terme, mais si cette tendance se prolongeait -moins de ressources propres et plus de dette - la solvabilité de certaines collectivités locales pourrait être durement affectée.

C'est pour toutes ces raisons que l'ensemble des associations du bloc communal porte une seule et unique revendication : que l'Etat renonce à la baisse de la dotation en 2017. C'est sur ce point que François Hollande est attendu. Au grand dam de Michel Sapin, le ministre des Finances qui estime que la situation financière des collectivités locale n'est pas si dégradée que ça, le président de la République pourrait en effet faire un geste. Mais il n'est pas certain qu'il prenne totalement la forme d'un renoncement à la baisse des dotations. D'autres voies existent. Par exemple, actuellement, le Fonds de soutien étatique au développement des activités périscolaires ne couvre environ que la moitié des 1,2 milliard d'euros annuels que coûte la réforme des rythmes scolaires aux communes. Un petit coup de pouce pourrait intervenir...

L'intercommunalité à marche forcée

Mais le blues des maires ne se limite pas à la seule question des dotations. Ils ont également peur de voir leurs compétences « diluées », pour reprendre le mot d'André Laignel, dans les nouvelles intercommunalités nées de la loi Nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe). Pour rappel, la loi NOTRe de 2015 impose aux Etablissements publics de coopération intercommunales (EPCI) un seuil minimal démographique de 15.000 habitants, assorti de dérogations, contre 5.000 habitants auparavant. Ces nouvelles intercommunalités devront être opérationnelles le 1er janvier 2017. Mais les schémas départementaux de coopérations intercommunales (SDCI), fixant les nouveaux périmètres des « interco » devaient être fixés avant le 31 mars 2016. Si l'on se réfère à ces SDCI, présentés par les préfets, et qui devraient peu évoluer, les communautés seront bien moins nombreuses : 1.265 contre 2 .133 aujourd'hui. Soit une baisse de 40 %. Et les communautés « XXL » regroupant plus de 100 communes devraient passer de 5 à 14 et celles de plus de 50 communes devraient atteindre le nombre de 157.

Là aussi les associations des élus communaux sont inquiètent. Elles demandent le report au 1er janvier 2018 de la mise en place des nouvelles « interco ». Du côté des maires ruraux ont dénoncent des « mariages qui ne sont pas forcément souhaitées ». Pour l'AMF, François  Baroin ne cache pas non plus son désarroi : « certes les maires sont républicains et ils ont joué le jeu. Mais ce n'était pas au législateur de fixer le calendrier. Il fallait laisser faire les élus. Certes, nous avons pu corriger les SDCI mai il y a de l'amertume. L'interco doit rester un outil au service des communes ».

Bref, il y a une crainte des maires d'être « avalés » par des ensembles si vastes qu'ils ne seront plus maitres chez eux. Or, aiment-ils rappeler, les maires sont sans doute les seuls élus à échapper à la méfiance grandissante envers le personnel politique. C'est le 15 juin prochain que doit s'ouvrir la phase de consultation par les préfets des communes et des intercommunalités pour éventuellement modifier les nouvelles « interco ». Or, selon une enquête menée par l'Assemblée des communautés de France, 20% des présidents de communautés et de métropoles anticipent un rejet du projet de la nouvelle « interco » dans leur territoire

Manifestement, pour les maires, la crise n'est pas que financière, elle est aussi existentielle...

Jean-Christophe Chanut
Commentaires 23
à écrit le 01/06/2016 à 9:03
Signaler
Le fond du sujet est de construire un système où chaque niveau (pas plus de 3 au total entre l'état, les régions et les intercos) est complètement responsable de ses recettes et ses dépenses avec une affectation claire de chaque fonction à un seul ni...

à écrit le 01/06/2016 à 9:03
Signaler
à Nice, je vous montrerai toutes les économies réalisables et les dépenses qui pouvaient être évitées. Elles sont dans l'ensemble 10 à 20 fois supérieures à la baisse des subventions. A votre dispo pour la liste

à écrit le 31/05/2016 à 21:40
Signaler
Demander la fusion de toutes les communes de moins de 5000 habitants, ou que ces communes continuent en l'état mais sans aucun support de l'état.. facile à organiser.. on peut néanmoins leur laisser un délai de deux ans..(pour mémoire, les belges l'o...

à écrit le 31/05/2016 à 19:39
Signaler
Tout d’abord pour être crédible il est important de ne pas être passé par la case justice, favoritisme et gros doigt dans le pot de confiture ce qui est le cas de M. Laignel, ce qui veut dire que la parole de ce Monsieur n’est pas compatible avec un ...

le 01/06/2016 à 9:07
Signaler
parfait, l'état serait peut être même encore trop généreux. Quant aux petits journaux de la mairie, ici nous avons Nice Matin dont la Région, la Métropole et la Mairie (c'est le même) abondent en publicité pour des budgets pharaonique (la ville de Ni...

le 01/06/2016 à 9:08
Signaler
parfait, l'état serait peut être même encore trop généreux. Quant aux petits journaux de la mairie, ici nous avons Nice Matin dont la Région, la Métropole et la Mairie (c'est le même) abondent en publicité pour des budgets pharaonique (la ville de Ni...

à écrit le 31/05/2016 à 17:56
Signaler
Que les Maires commencent à faire le nettoyage dans les multiples associations aux niveaux de leur commune. Qu'ils suppriment les doublons avec le conseil général: bibliothèques etc....... Dans les villes faire analyser la charge de chaque emploi et...

à écrit le 31/05/2016 à 17:19
Signaler
De nombreuses collectivités augmentent sans cesse le taux de la taxe d'habitation, sachant que cette dernière est pondérée en fonction des revenus, (voir ligne dégrèvement, compensé pat l'état) donc dans de nombreuses communes seules une minorité p...

à écrit le 31/05/2016 à 16:51
Signaler
Toutes les majorités municipales de France devraient se mettre en greve illimitée sur une ou deux prérogatives, qui ne pénalisent pas l'Administré, et s'en décharger sur le représentant de l'Etat : Le Préfet. Jumelé avec une manif hebdo, de tous les ...

le 31/05/2016 à 17:25
Signaler
En parlant de préfets : Peut-on récompenser un préfet ou un sous-préfet comme un employé méritant d'une entreprise privée? Le gouvernement a déjà répondu par l'affirmative. Depuis la fin de l'année dernière, et dans la plus grande discrétion, ces ...

à écrit le 31/05/2016 à 16:29
Signaler
Les périodes de "vaches maigres" ont quand même un avantage pour les élus, c'est de réajuster les politiques municipales qui dérivent avec le temps et créent des "conforts" parfois exagérés sur lesquels il est difficile de revenir pour un élu. Aujo...

à écrit le 31/05/2016 à 15:53
Signaler
Les maires vont devoir vivre avec moins. La colère et le désarroi n'y changeront rien.

à écrit le 31/05/2016 à 15:50
Signaler
...à cela plusieurs remèdes: -diminution des subventions,voire leur suppression -suppression des voyages à l'étranger des conseillers municipaux -recentrer les actions sur la commune exclusivement -généralisation de la fiscalité locale à tous les...

à écrit le 31/05/2016 à 15:43
Signaler
Au lieu de pleurnicher et de bichonner sa population pour être réélu, les maires feraient mieux de s'attaquer à la faible productivité des agents publics ainsi qu'au sureffectif, à l’absentéisme record dans les collectivités, le gaspillage, vol, le m...

à écrit le 31/05/2016 à 15:37
Signaler
Les Maires n'ont qu'a réduire les frais de fonctionnement, ne plus engager, réduire l'absentéisme, réduire et même couper les subventions à toutes les associations folkloriques, etc.... Il y a de quoi faire sans que cela ne remette en cause les fonc...

à écrit le 31/05/2016 à 15:35
Signaler
Si les municipalités n'ont pas assez d'argent , elles doivent réduire le budget comme le ferait n'importe quel ménage. les impôts locaux sont déjà bien trop élevés. Par ailleurs , est-ce les collectivités locales qui doivent financer les largesses d...

à écrit le 31/05/2016 à 15:28
Signaler
si l'on peut discuter de l'importance de la diminution des dotations de l'état et de l'étalement de cette diminution dans le temps, il n'en reste pas moins vrai qu'elle est nécessaire car chacun a pu constater dans sa commune ou dans celles avoisinan...

à écrit le 31/05/2016 à 14:05
Signaler
avec l argent des autres facile des gaspilleurs gauche et droite combien de projet inutile des salles culturelle qui ont jamais servi , des routes , des ponts dans toute la france l aéroport notre dame des landes - inutiles

à écrit le 31/05/2016 à 13:42
Signaler
Il conviendrait de fermer environ 17 000 mairies. De supprimer 17 000 postes de maires et budgets associés. De revendre 17 000 mairies . Avec l argent sauvé, financer celles qui sont sauvables et reduire les charges occasionnees par des 10aines de mi...

à écrit le 31/05/2016 à 12:51
Signaler
Il faut supprimer les communes de moins de 1 000 habitants maire et conseils municipaux et les regrouper pour qu'il ne reste que 6 000 communes en France puis les départements aussi tout ces gens payés par les contribuables, il est temps de faire de ...

à écrit le 31/05/2016 à 12:24
Signaler
Pourquoi un journal aussi sérieux que le votre n'évoque jamais ce que font les autres à l'étranger? La France, c'est près de 50% du total des communes européennes pour 10% de sa population. Le mien s'est fait construire sans consultation une nouve...

le 31/05/2016 à 12:47
Signaler
des petits vieux font les restes des marchés dans le pas de calais avec des impôts locaux de 1200 euros

à écrit le 31/05/2016 à 11:47
Signaler
c'est toujours le contribuable qui paie, que l'argent vienne de l'état ou de la fiscalité locale , beaucoup d'élus semblent l'oublier ; pour faire des économies : moins d'élus , moins d'évènementiel et moins de subventions clientélistes

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.