Mondialisation : vers de meilleures pratiques pour les entreprises ?

Une loi sur le point d'être votée par le parlement français impose aux grandes entreprises implantées en France plus de vigilance quant à leurs pratiques au niveau international.
Mathias Thépot
L'immeuble Rana Plaza, au Bangladesh qui s'est écoulé le 24 avril 2013, faisant plus de 1 100 mort.

Trois ans et demi après le drame du Rana Plaza, les pratiques peu scrupuleuses des grands groupes mondialisés sont dans le viseur du parlement français. Pour rappel, l'effondrement de l'immeuble à Dacca, la capitale du Bangladesh, qui abritait plusieurs ateliers de confections de vêtements pour des marques internationales, a provoqué la mort de plus de 1.100 personnes. Cette catastrophe est devenu le symbole des dérives inacceptables de la mondialisation. Pour ne plus avoir à revivre pareil drame, des députés français souhaitent que la France légifère et donne une impulsion mondiale. Lors des trois dernières années, plusieurs textes ont été déposés à cet effet. Sans succès.

Mais il se pourrait bien que cette fois-ci soit la bonne. Une proposition de loi portée par le député PS Dominique Potier demandant aux grandes entreprises implantées sur le territoire français de rendre des comptes sur leurs activités à l'international, a été votée à l'Assemblée nationale cette semaine. Elle sera étudiée au Sénat en janvier. Sa proposition est soutenue par le gouvernement, qui a besoin d'abonder son bilan quinquennal de « marqueurs de gauche » en matière économie, à quelques mois de l'élection présidentielle.

Les entreprises de 5.000 salariés concernées

La proposition de loi du député Potier vise concrètement à imposer aux entreprises françaises et étrangères ayant plus de 5.000 salariés en France de respecter un « devoir de vigilance » sur leurs activités au niveau international, sous peine de payer une amende de 10 millions d'euros. L'article premier de la proposition de loi demande à ces sociétés d'instaurer « un plan de vigilance » visant à « prévenir la réalisation de risques d'atteintes aux droits de l'homme et aux libertés fondamentales, de dommages corporels ou environnementaux graves ou de risques sanitaires résultant de leurs activités et de celles des sociétés qu'elles contrôlent, ainsi que des activités des sous-traitants ou fournisseurs ». Ce plan de vigilance devra être établi durant l'année 2017. Dans un but de transparence, les entreprises feront ensuite état de leurs pratiques dans leur rapport annuel de gestion, qui sera public et donc consultable par les personnes morales et physiques.

Intérêt général

Le but de la loi est donc clair : une entreprise qui exerce une activité économique ne pourra plus se désintéresser des dérives sociales et environnementales de son activité. Autrement dit, la proposition de loi de Dominique Potier a pour but d'instaurer une sorte de « permis de conduire pour l'autoroute de la mondialisation ». « Il n'est plus acceptable qu'une entreprise soit vertueuse à l'intérieur de nos frontières et se comporte sauvagement dans le reste du monde », note une source proche du ministère de l'Economie.

En l'état actuel des discussions parlementaires, si elle ne respecte pas ses obligations en matière de vigilance, une grande entreprise risque donc jusqu'à 10 millions d'euros d'amende, et jusqu'à 30 millions d'euros si un dégât lié à son activité se produisait. Ces montants peuvent, certes, s'avérer dérisoires pour des multinationales qui emploient plus de 5.000 personnes en France et qui réalisent des centaines de millions, voire des milliards d'euros de chiffre d'affaires. Mais ils restent tout de même élevés au regard du droit existant qui prévoit rarement des sanctions financières aussi importantes.

Lutter contre le capitalisme sauvage

Sans surprise, cette nouvelle réglementation n'est pas du goût du principal syndicat patronal, le Medef. Son président Pierre Gattaz n'a d'ailleurs pas tardé à dénoncer une loi aux « considérations purement électoralistes ». Pour lui, « les initiatives doivent être coordonnées au niveau international pour que toutes les entreprises aient les mêmes règles à respecter. » Et d'ajouter : « Arrêtons d'être naïfs et de croire que nos concurrents américains, chinois ou européens vont nous imiter. »

L'argument de la concurrence déloyale est tout de même difficile à entendre lorsqu'il s'agit, comme ici, de réguler le « capitalisme sauvage » qui fait fi des valeurs sociales et de l'environnementales dans sa chaîne de production. Bien entendu, une entreprise dont les pratiques sont bonnes et qui s'impose un devoir de vigilance n'aura rien à craindre. D'autant que pour des structures aussi importantes que celles visées par la loi, la mise en place de cette nouvelle procédure ne devrait pas représenter un coût prohibitif. Reste à savoir si ces entreprises joueront le jeu et n'essaieront pas, comme elles le font parfois lorsqu'il s'agit de fuir leurs responsabilités, de contourner les réglementations internationales.

Mathias Thépot
Commentaire 1
à écrit le 01/12/2016 à 17:14
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On se refuse d'utiliser, ouvertement parce que sinon tous les pays du monde le pratiquent mais chut il ne faut pas le dire, le protectionnisme alors qu'il serait facile d'imposer des règles humanistes à nos multinationales en scrutant leurs filiales ...

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