Au cours des jours précédant le Brexit, le désenchantement était palpable, dans le comté de Cornouailles. Les Union Jack flottaient au vent, aux fenêtres et sur les voitures. Signe de l'état d'esprit des habitants de la péninsule du sud-ouest de l'Angleterre et du climat de défiance vis-à-vis de l'Union européenne et de ses institutions. Pour eux, nul doute, le Royaume-Uni devait retrouver son "indépendance", pour mettre fin, entre autres, à l'immigration et à l'"ingérence" des autres pays européens. Aux quotas de pêche, aussi, qui empêcheraient une région dépendante de l'économie maritime d'exploiter son plein potentiel et permettraient au lieu de cela à des "bateaux étrangers de venir pêcher dans [leurs] eaux puis de [leur] revendre le poisson".
Cinq jours après le référendum et le plébiscite du Leave (56,5%), les quelque 530.000 Cornouaillais commencent à déchanter. A se poser des questions sur leur avenir économique à court terme. Une fois la sortie de l'Union européenne actée, les millions d'euros de subventions qui parviennent jusqu'à leurs côtes chaque année risquent de rester à quai, à Bruxelles. De l'argent nécessaire au développement économique de la région, en grande difficulté depuis la fermeture des dernières mines de cuivre et d'étain dans les années 1990 - à la fin du XIXe, les Cornouailles produisaient 80% du cuivre à l'échelle mondiale.
Incertitude autour des subventions et des quotas de pêche
Entre 2007 et 2013, les 654 millions d'euros reçus par la comté ont servi au développement des infrastructures, au financement des universités et à la mise en place de l'internet haut-débit pour 95% de la population. Une manière de désenclaver une région éloignée de Londres tant sur le plan géographique que politique. "Maintenant que nous savons que le Royaume Uni va quitter l'Union européenne, nous allons être très vigilants sur la place accordée aux Cornouailles dans les négociations", a assuré le président du Cornwall Council John Pollard, cité par l'Independent. "Nous insistons sur le fait que les Cornouailles doivent continuer à recevoir autant d'argent que ce qui est actuellement envoyé par l'UE, soit environ 60 millions de livres par an depuis 10 ans." Dans le budget 2014-2020 de l'Union Européenne, 592 millions d'euros ont été alloués à la région. Si le Royaume-Uni sort d'ici 2018, les subventions pourraient être annulées.
Dans cette optique, le Council dit avoir reçu, avant le référendum, l'assurance du camp du Leave que les investissements se poursuivraient, même en cas de Brexit. Mais au vu des premier rétropédalages et des promesses intenables distillées tout au long de la campagne, rien n'est moins sûr. "Nous nous renseignons de manière urgente auprès des ministres concernés pour nous assurer que ce sera bien le cas", peut-on lire dans un communiqué publié vendredi.
Pour ce qui concerne la pêche, le constat est similaire. Les autorités britanniques ont annoncé mardi 28 juin que les quotas en vigueur resteraient ceux de l'Union européenne pendant encore deux ans, le temps que le processus de désengagement soit mené à son terme. Après? Le flou. "Nous pouvons bien sûr essayer de renégocier la répartition des quotas ainsi que l'accès aux réserves de poisson (partagées avec la France, notamment, ndlr), a estimé, prudente, la Fédération nationale des organisations de pêcheurs. Mais en étant réaliste, il y aura un prix à payer. Reste maintenant à savoir qui le paiera." Une nouvelle fois, rien ne dit que les pêcheurs cornouaillais tireront leur épingle du jeu, hors du carcan européen. A en croire les autorités britanniques, la tendance serait même davantage au statu quo. Quitter un mal, pour ne pas aller forcément mieux, dans les mains d'un gouvernement qui aura certainement d'autres priorités que la Cornouailles, comme cela est le cas depuis de nombreuses années. Et sans subventions, cette fois, pour acquérir les chalutiers.
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