Grèce : Alexis Tsipras prêt à s'allier avec le Pasok

L'ancien premier ministre a affirmé être prêt à gouverner avec le parti socialiste si celui-ci se débarrasse de ses anciens ministres. Un tournant dans l'histoire de Syriza, effectué sous la pression des sondages.
Alexis Tsipras est prêt à une alliance avec le Pasok.

C'est un tabou important que vient de briser Alexis Tsipras. Jeudi 3 septembre, pour la première fois, Alexis Tsipras a ouvert la possibilité à une alliance avec le Pasok, le parti social-démocrate, alliance qu'il excluait jusqu'ici. L'ancien premier ministre a cependant expliqué dans cette interview diffusée sur la chaîne de télévision Kontra TV qu'une telle alliance ne serait pas inconditionnelle. Pour s'allier avec Syriza, le Pasok devra se débarrasser de ses « poids » a indiqué Alexis Tsipras.

« Poids » qui chargeraient le Pasok

Quels sont ces « poids » ? Principalement l'ancien chef du parti, Evangelos Venizelos, vice-premier ministre et ministre des affaires étrangères dans le gouvernement d'Antonis Samaras de juin 2012 à janvier 2015. Un autre « poids » cité par Alexis Tsipras est Andreas Loverdos, ancien ministre du travail de George Papandréou et de Lukas Papadimos de 2010 à 2012. En réalité, Alexis Tsipras voudrait s'allier avec un Pasok débarrassé de tous les ministres qui ont appliqué l'austérité réclamée par les créanciers entre 2010 et 2015.

Tournant

Jusqu'à présent, Alexis Tsipras refusait toute alliance avec les « partis de l'establishment », tant ceux qui avaient appliqué l'austérité, le Pasok et le parti conservateur Nouvelle Démocratie (ND), ainsi que le parti centriste To Potami (« la rivière »), poulain de Bruxelles et des oligarques grecs. Mais si son ambition officielle demeure de reconduire l'alliance avec le parti de droite souverainiste des Grecs Indépendants (ANEL), il doit s'adapter à une nouvelle réalité. Les dernières enquêtes d'opinion traduisent en effet un recul net de Syriza et semble considérer qu'ANEL aura beaucoup de peine à atteindre les 3 % des suffrages exprimés nécessaires pour entrer à la Vouli.

Incarner la stabilité

La situation est donc changée. Si Syriza arrive en tête, même assez largement, il n'aura pas de capacité à former un gouvernement. Sur sa gauche, ni le parti Communiste (KKE), ni les dissidents de Syriza de l'Unité Populaire ne sont des alliés possibles. En revanche, Nouvelle Démocratie peut compter sur une coalition quasi certaine avec le Pasok et To Potami s'il arrive à glaner les 50 sièges sur 300 promis au premier parti du pays. Si la droite arrive en tête, elle a donc plus de chance de former un gouvernement et c'est un argument que le leader de ND, Evangelos Meimarakis, n'a pas hésité ces jours-ci à souligner. La droite dispose donc d'un bonus à la stabilité. Or, dans une Grèce fatiguée par six mois de négociations et cinq ans d'austérité, c'est un argument qui peut peser lourd. Alexis Tsipras doit donc rééquilibrer sa position sur ce point. D'où son ouverture au Pasok qui pourrait être le prélude à un élargissement à To Potami, parti qui, après tout, n'a pas participé non plus à l'austérité des années 2010-2015.

Conditions de pure forme

Car, les conditions posées par Alexis Tsipras sont de pure forme. La future coalition au pouvoir après les élections du 20 septembre sera en charge d'appliquer le troisième mémorandum signé en août dernier par Alexis Tsipras. Vouloir s'allier avec un parti « vierge » de toute austérité passée est donc une simple coquetterie. D'autant qu'Evangelos Venizelos a quitté la tête du Pasok, confiée à Fofi Yennimata, une universitaire de 50 ans. Du reste, C'est aussi considérer que la ligne politique passée du Pasok et son application depuis 2009 n'est que le fruit de certaines personnalités qui ont exercé le pouvoir. Mais Alexis Tsipras oublie que le Pasok est, comme Nouvelle Démocratie, un des piliers d'un système clientéliste qui a conduit la Grèce au bord du gouffre. Sans compter que c'est le Pasok de Konstantinos Simitis, premier ministre de 1996 à 2004, qui a poussé la Grèce à entrer dans la zone euro.

Vers une « pasokisation » de Syriza ?

En réalité, le Pasok n'a guère changé. Il reste un parti « pro-mémorandum » fondé sur une logique de clans. Fofi Yennimata est, d'ailleurs, la fille d'un des fondateurs du parti, Yiorgos Yennimata, cinq fois ministre sous Andreas Papandréou. Avec le Pasok, la volonté réformatrice de Syriza, qui constituait le cœur de son programme de Thessalonique d'août dernier, ne peut qu'être remise à plus tard. Plutôt que de changer réellement le fonctionnement de la société grecque pour la rendre plus égalitaire et plus juste, une telle alliance sera tentée, comme les précédentes, de s'en tenir aux objectifs comptables par le mémorandum et par la troïka. Cette ouverture d'Alexis Tsipras vers le Pasok traduit en réalité l'évolution de Syriza qui, en acceptant les conditions des créanciers, est entré dans le jeu « normal » de la politique grecque. Progressivement, les différences entre Syriza et le Pasok risquent de devenir très réduites. L'ancien parti des Papandréou a, lui aussi, tout en se proclamant de « gauche », appliqué une politique d'austérité dictée par les créanciers. Depuis le début de la campagne, le seul argument de Syriza est celui de défendre un gouvernement « de gauche » en Grèce.

Pari risqué

Ce mouvement d'Alexis Tsipras est donc fort risqué. Pour pouvoir prétendre à la capacité d'assurer la stabilité politique, il met en danger ce qui restait de fort dans le programme de Syriza, autrement dit sa capacité de parti « neuf », capable de rénover le pays et de le réformer réellement. Il prend donc le risque de rajouter de la déception à la déception. Or, l'électorat de Syriza est, selon une enquête de GPO, particulièrement déçu. La moitié seulement des électeurs de Syriza en janvier voteront à nouveau pour ce parti le 20 septembre. C'est le plus faible taux de mobilisation après celui d'ANEL. Il n'est pas certain que le « recentrage » de Syriza et son ouverture vers le Pasok séduisent davantage ces déçus.

Les dangers du transformisme grec

En Italie, il existe un mot pour désigner ce qui se passe en Grèce aujourd'hui : le transformisme. Ce phénomène traduit le recentrage de tous les partis et, une fois le débat électoral factice achevé, la réduction de la politique à la seule lutte pour l'occupation des postes de gouvernement. Ce transformisme a ruiné le parlementarisme italien du début des années 1920 et de l'après-guerre et a provoqué de forts mouvements protestataires. Sous la pression des créanciers, la métamorphose de Syriza est une dernière étape de ce transformisme. Mais la Grèce a besoin de tout sauf de cette évolution qui ne va conduite qu'à renforcer la méfiance envers l'Etat et à fragiliser la démocratie hellénique. Outre les conséquences économiques du troisième mémorandum qui s'annoncent désastreuses, ses conséquences politiques semblent également devoir être fort négatives.

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Commentaires 39
à écrit le 06/09/2015 à 13:20
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Le "transformisme" de Monsieur Tsipras est une grossiere erreur politique. Il empêche toutte distinction entre les partis. Quel est aujourd'hui la difference entre le Pasok, TO Potami, Nouvelle Democratie et Syriza? Cette situation va inciter cert...

à écrit le 06/09/2015 à 9:20
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Encore un effort, Alexis : il ne faut pas limiter l'alliance au PASOK mais y inclure To Potami et Nouvelle Démocratie dans un gouvernement d'union nationale des partis démocratiques pour appliquer sans arrière-pensée politique un programme d'assainis...

à écrit le 05/09/2015 à 22:26
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Alexis comme Lucien.. les illusions perdues..rien de neuf depuis deux siècles: seul, RG (est-ce Dieu possible que d'avoir de telles initiales), dans sa jeunesse, l'a-il encore, continue d'y croire..

à écrit le 05/09/2015 à 15:33
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de toute façon ces elections ne sont que du theatre puisque a tt moment les oligarques europeens peuvent faire ingerence

le 06/09/2015 à 9:08
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Et après ? jusqu'à plus ample informé c'est ceux qui paient qui décident. Si la Grèce pouvait se passer de l'argent de l'UE elle retrouverait toute son autonomie de décision.

le 06/09/2015 à 19:23
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"c'est ceux qui paient qui décident" et çà ne vous pose pas plus de problème que çà ? Vous ne voyez pas l'énormité de cette situation et plus encore de votre acceptation de cette situation ? Vous espérez qu'un gouvernement d'union nationale permettr...

le 07/09/2015 à 11:44
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@neant : non, ça ne me pose aucun problème. La Grèce est incapable de se gérer correctement elle-même, contrairement à bien d'autres pays européens encore bien plus pauvres. Il est donc logique qu'en échange des aides, elle perde une partie de son au...

le 07/09/2015 à 16:22
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@bruno_bd Très bien, c'était juste pour avoir confirmation du fond de votre pensée. Aux dernières nouvelles ces aides ne sont pas des aides mais des prêts qui ne font qu'aggraver la dette. Niveau bonne gestion la Troïka il est vrai fait des merveille...

à écrit le 05/09/2015 à 12:34
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Regardons enfin les choses en face. Tsipras n'a jamais jamais été clair et sa capitulation semble programmée si l'on en croit les diverses analyses. Arrêtons ce refus de penser, s'il vous plaît! "Une stratégie déroutante. À la surprise générale, SYR...

le 05/09/2015 à 15:52
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Tsipras un avatar du Grand capital américain ! ! Vous devez être un inconditionnel de Philip Dick.

le 05/09/2015 à 16:29
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@Amstramgram "Il s'agit de réfléchir aux moyens de retrouver une crédibilité à la gauche européenne laminée par cette trahison" Qu'entendez-vous par "gauche européenne ? Cordialement

le 06/09/2015 à 9:12
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"Il s'agit de réfléchir aux moyens de retrouver une crédibilité à la gauche européenne "... mission impossible, le destin de la gauche européenne c'est la disparition, comme hier le communisme.

à écrit le 05/09/2015 à 10:53
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le fromage est trop gras ha ha

à écrit le 05/09/2015 à 8:55
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Il y a un parti de gauche en Grèce dont aucun média ne parle : le pkk.

le 06/09/2015 à 15:57
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vous voulez surement dire le KKE? Le PKK pour moi c'est les communistes Kurdes. sinon le KKE est un parti Communiste Trotskiste "ligne dur" (reste favorable à l'URSS après la scission de 1989), qui est très sectaire n'est pret à faire aucune allianc...

le 06/09/2015 à 17:56
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@grrr Oui je voulais dire le kke. Quant aux alliances on voit ce que ça donne...

à écrit le 05/09/2015 à 8:12
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En fait nous nous retrouvons dans cette mécanique de partis dont les têtes sont toujours les mêmes sur des décennies, nous nous retrouvons également dans les résultats notre dette et notre chômage ne cessent de croitre nous nous retrouvons dans le cl...

le 05/09/2015 à 8:28
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Remplacer grece par france et tsipras par Hollande et vous y êtes Hollande a menti aux francais et trahi les socialistes Dommage que l'Europe et le FMI ne soient pas encore en France car cela a permis à Hollande de ne rien faire

à écrit le 05/09/2015 à 7:37
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Fermez le ban. Certains de la plateforme de gauche qui se présentent encore comme étant de gauche doivent se sentir un peu bêta aujourd'hui. Finalement ce qui motive Tsipras c'est simplement le pouvoir pour le pouvoir. Nous assistons à un torpillage ...

à écrit le 05/09/2015 à 7:37
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Fermez le ban. Certains de la plateforme de gauche qui se présentent encore comme étant de gauche doivent se sentir un peu bêta aujourd'hui. Finalement ce qui motive Tsipras c'est simplement le pouvoir pour le pouvoir. Nous assistons à un torpillage ...

le 05/09/2015 à 11:09
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C'est vrai, la trahison de Tsipras est décevante. Elle laisse la gauche "bêta", il faut savoir le reconnaître, mais elle ne touche en rien aux vraies idées de gauche. Il s'agit de tomber sur le bon leader. Lorsqu'on regarde les autres partis politiqu...

à écrit le 05/09/2015 à 7:18
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Trop drôle, le coeur de Romaric est désormais plus à gauche que son ancienne idole. Le point faible de Tsipras est qu'il a promis ce qu'il ne pouvait tenir et a trahi. Ses points forts sont : son pragmatisme (la politique reste l'art du possible m...

à écrit le 05/09/2015 à 6:57
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j'ya crois pas!!! c'est plus l'allemagne le coupable? he ben dites donc, vous avez perdu en verve, mon ami !!!

à écrit le 05/09/2015 à 6:37
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Tsipras est aux abois...voilà , qu'il veut maintenant s'associé avec le parti de Papandréou ...principal créateur de l'ardoise colossale grecque ....

à écrit le 05/09/2015 à 3:16
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Tres bon article On l a vu venir depuis longtemps il est pret a toutes les compromissions pour garder le pouvoir C'est un populiste de la pire espèce qui trahit chaque jour ces idees et ces amis J'espère qu'il va etre renvoyé par les grecs

à écrit le 04/09/2015 à 22:42
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Excellente analyse ! Il n'y a pas que Syriza qui change...

à écrit le 04/09/2015 à 19:30
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C'est le problème du système d'élection à la proportionnelle qui ne semble pas être le plus approprié dans certains pays. En France, sous la IVème République, il y a eu 28 gouvernements en 13 ans (45-58) avec des périodes intermédiaires où seules les...

le 04/09/2015 à 23:18
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vrai : pour s'accommoder de la proportionnelle il faut des pays politiquement matures comme l'Allemagne, la Belgique ou l'Espagne.

le 05/09/2015 à 7:40
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@ bruno_bd Je parlerai plus de cultures nationales. Un sociologue d'entreprise - Philippe d’Iribarne - qui a comparé les cultures d'entreprises de différents pays a très bien vu cela : • en "temps de paix " : un respect très relatif des rè...

à écrit le 04/09/2015 à 18:52
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C'est quoi la chanson déjà....je retourne ma veste .... Encore un repenti 🙏🙏

à écrit le 04/09/2015 à 18:22
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C'est vraiment du n'importe quoi, il fallait s'y attendre....

à écrit le 04/09/2015 à 17:57
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Désolé Romaric, mais la réalité, c'est que comme tous les politiques du monde entier, il veut s'accrocher au pouvoir. Le pouvoir, c'est l'argent facile et une retraite dorée assurée. Si c'était sang et sueur, tu aurais nettement moins de candidats :-...

à écrit le 04/09/2015 à 17:33
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Le vendu dans toute sa spendeur.Il aurait pu rentrer dans l'histoire, il va rentrer dans la longue liste des larbins qui vendraient père et mère pour un centime

le 05/09/2015 à 8:31
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Et tout cela fera grimper Aube Dorée et permettra à Tsipras de justifier une éventuelle grande coalition pour faire barrage au fascisme. Tiens, tiens....comme un goût de déjà vu.

à écrit le 04/09/2015 à 17:23
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Moi et une foule de Grecs nous ne faisons plus la moindre confiance à ce "cheval de Troie" des institutions américaines. Il faut lire l'excellent livre de Varoufakis "Notre Printemps d'Athènes", à bon entendeur....

le 04/09/2015 à 23:27
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Le meme Baroufakis qui a une belle villa a Egine et qui prone secretement un systeme informatique pour cacher a 10 millions de grecs qui paieraient leur impot en Euros que la Grece est completement ruinee et a adopte le drachme du jour au lendemain. ...

le 05/09/2015 à 7:54
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@toto Ok, faisons de la politique fiction : Varoufakis est premier Ministre à la place de Tsipras et nous sommes le 13 juillet au matin. A part courir les plateaux télé en faisant la leçon à tout le monde avec ses tirades germanophobes il fait...

le 05/09/2015 à 14:28
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Varoufakis avait dit qu'il démissionnerait si le oui l'emportait. Le non l'a emporté et il a quand même démissionné. deux possibilités: - il s'est barré parce qu'il savait que le non était une catastrophe. ->fourbe - Il s'est barré parce qu'il ...

le 07/09/2015 à 16:39
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Varouf représente l'espoir tandis que Tsipras représente les apparatchiks. L'un tente de trouver des solutions non conventionnelles, l'autre promet du non conventionnel mais au moment d'appuyer sur le bouton fait une pirouette et dit que c'est pour ...

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