Matteo Renzi veut imposer au parlement sa nouvelle loi électorale

Après 15 mois de discussions, la nouvelle loi électorale italienne pourrait être adoptée la semaine prochaine. Un élément clé de l'agenda des réformes de Matteo Renzi.
Le projet de Matteo Renzi fait encore polémique en Italie. Silvio Berlusconi, notamment, y voit l'occasion rêvée de faire son retour politique. Il a pris prétexte des modifications du Pacte du Nazareno pour se lancer dans une attaque en règle du texte.

C'était une des grandes réformes voulue par Matteo Renzi... et une des plus difficiles à instaurer. La réforme électorale va peut-être enfin recevoir l'approbation de la Chambre des députés italienne lundi 27 avril, après plus de 15 mois de discussions. Mercredi 22 avril, la commission des Affaires constitutionnelles de la chambre a approuvé le projet de loi. Sans difficulté puisque les opposants avaient déserté les débats. Mais ce ne sera pas le cas la semaine prochaine où cette loi sera un test important pour Matteo Renzi.

La loi électorale actuelle

En quoi consiste ce projet appelé de l'autre côté des Alpes l'Italicum ? Il s'agit de remplacer la loi électorale actuelle qui date de 2006 (appelée le « Porcellum » d'après le mot de son initiateur même, le ministre de la Ligue du Nord Roberto Calderoli qui l'avait appelée « una porcata », une « saloperie »). Ce système complexe avait beaucoup été critiqué, notamment pour sa prime majoritaire qui permettait au parti arrivé en tête de rafler 55 % des sièges, mais aussi pour sa capacité à favoriser les grandes coalitions. Il s'agissait pour le gouvernement de Silvio Berlusconi de favoriser une bipolarisation et, ainsi, une personnalisation à l'extrême de la politique italienne. Le but étant de rassembler la droite derrière le Cavaliere pour lui assurer le pouvoir.

Cette loi électorale avait cependant une limite : l'égalité parfaite entre la Chambre et le Sénat sur le plan constitutionnel, alors même que la prime majoritaire pour le scrutin sénatorial n'est que régionale. Dès lors, on pouvait se retrouver dans une situation de blocage comme en février 2013 où le Parti démocratique (PD) de centre-gauche, majoritaire à la Chambre, ne disposait pas de majorité au Sénat. D'où un blocage qui avait débouché sur le gouvernement de coalition avec une partie du centre-droit (menée par le ministre de l'Interieur Angelino Alfano) pour la formation des gouvernements d'Enrico Letta, puis, un an plus tard de Matteo Renzi.

Quinze mois de discussions

Ce dernier avait voulu rendre l'Italie mieux gouvernée. Pour cela, il a entamé une réforme constitutionnelle pour ôter l'égalité entre la Chambre et le Sénat et transformer la chambre haute en représentante des régions. Parallèlement, il a construit une loi électorale, ce fameux Italicum, qui essaie de ménager la gouvernabilité et la représentativité. Après avoir trouvé, début 2014, un accord avec Silvio Berlusconi dans ce qu'on a appelé le « Pacte du Nazareno » (du nom de l'avenue romaine qui borde l'immeuble où les discussions ont eu lieu), il a dû lâcher du lest sous la pression de la cour constitutionnelle et de l'opposition interne au PD. Finalement, la version finale du texte est assez éloignée du Pacte du Nazareno, à la grande colère du Cavaliere.

La nouvelle loi électorale

Que prévoit ce texte ? La loi électorale est inspirée de celle en vigueur en Espagne, mais la répartition finale des sièges se fera au niveau national, et non dans des circonscriptions, comme en Espagne. Seuls les partis ayant obtenu plus de 3 % des voix pourront participer à cette répartition, sauf dans le cas des deux régions du Val d'Aoste et du Trentin Haut-Adige qui, ayant des minorités linguistiques, auront un régime spécial. La détermination du nombre d'élus se fera donc au niveau national, selon la méthode du plus fort reste qui, en théorie, favorise davantage les petits partis que la méthode d'Hondt de la plus forte moyenne.

Pour autant, si la répartition finale se fera au niveau national, l'élection des députés se fera dans 100 circonscriptions où les partis présenteront des listes de six noms. Les électeurs ne pourront choisir les têtes de listes, mais ils pourront ensuite exprimer des préférences. Si dans une circonscription, par exemple, il faut élire 6 députés, les électeurs pourront exprimer 5 préférences. Un « classement » sera réalisé en fonction de ces préférences dans chaque liste. Si, au titre de la répartition nationale, la liste obtient, par exemple, 3 députés dans cette circonscription, la tête de liste sera élue, ainsi que les deux premiers dans l'ordre des préférences sur cette liste. A noter que l'électeur devra, dans ses « préférences », choisir des candidats de sexes différents. Enfin, les candidatures multiples d'une même personne dans 10 circonscriptions au maximum sont possibles. En cas d'élections multiples, on remonte dans l'ordre des préférences.

Pour « compenser » l'effet de la représentation proportionnelle et assurer la « gouvernabilité » du pays, une « prime majoritaire » est accordée. Si une liste (et non une coalition) obtient 40 % des suffrages exprimés, elle obtient automatiquement 340 des 630 sièges de la Chambre, soit une majorité absolue de 53,9 % des sièges. Si aucune liste n'obtient ces 40 %, un deuxième tour est organisé entre les deux premières listes. Le vainqueur de ce deuxième tour obtiendra alors automatiquement 627 sièges. Aucun apparentement ne sera possible entre les deux tours.

La colère du Cavaliere

Ce texte entrera en vigueur le 1er juillet 2016, mais, a prévenu Matteo Renzi, il n'y aura pas d'élections anticipées à cette date. Le président du conseil italien entend rester en place jusqu'à la fin de la présente législature en 2018. Sauf, évidemment, si l'Italicum est rejeté par la Chambre la semaine prochaine. Car rien n'est joué. Le projet de Matteo Renzi fait encore polémique en Italie. Silvio Berlusconi, notamment, y voit l'occasion rêvée de faire son retour politique. Il a pris prétexte des modifications du Pacte du Nazareno pour se lancer dans une attaque en règle du texte. « Nous ne pouvons pas permettre à Renzi de prendre le pouvoir avec 30 % des voix avec une loi électorale qui, avec la barrière des 3 %, atomise les oppositions », a-t-il expliqué. Le Cavaliere était favorable à une barrière d'entrée au parlement plus haute, à 8 %.

Matteo Renzi avait accepté début 2014, puis l'avait abaissé à la demande du parti de gauche SEL et d'Angelino Alfano et des centristes. Silvio Berlusconi y voit un piège : avec une barrière à 8 %, la seule façon d'entrer au parlement pour les centristes et même pour la Ligue du Nord dans certains cas (les sondages lui prédisent près de 15 % aujourd'hui) est de s'allier avec le Cavaliere. Cette barrière était l'assurance de voir se reformer le « Pole de la Liberté », la grande alliance berlusconienne qui a gagné en 2008. Du coup, le centre-droit est vent debout contre le texte et Silvio Berlusconi n'hésite pas à traiter Matteo Renzi de « petit dictateur. »

Vote secret et responsabilité du gouvernement

Mais le vrai danger pour Matteo Renzi se situe au sein de son propre parti. Avec l'appui des centristes, le PD dispose d'une nette majorité à la Chambre de près de 80 sièges. Mais la minorité du PD, dirigée par les « victimes » de Matteo Renzi, l'ancien leader Pier Luigi Bersani, le « chef historique » des anciens communistes Massimo D'Alema ou encore l'ancien président du conseil Enrico Letta, qui vient de démissionner de son poste de député, entend faire monter la pression Matteo Renzi pourrait bien payer sa gestion très personnelle du PD et la mise au pas des oppositions internes. Le danger principal pour le président du conseil serait qu'un groupe, les Berlusconiens par exemple, demande le vote secret. Dans ce cas, il y a un risque que nombre de députés PD décident de voter contre l'Italicum. Mais Matteo Renzi pourrait répondre en engageant la responsabilité de son gouvernement. Or, en cas de chute du gouvernement, le PD ne pourra se passer pour les prochaines élections de son leader encore très populaire.

Matteo Renzi pense déjà à l'étape suivante

Le président du Conseil est donc plutôt confiant, d'autant qu'il n'est pas sûr que certains affidés de Silvio Berlusconi, comme le député et banquier Denis Verdini, qui a mené les discussions du Pacte du Nazareno, suivent le Cavaliere. Déjà, donc, Matteo Renzi pense à l'étape suivante : la réforme constitutionnelle et celle des « droits civiques », comme le mariage entre personnes du même sexe ou l'établissement du droit du sol. En tout cas, après le Jobs Act entré en vigueur au 1er janvier, Matteo Renzi continue à déployer son agenda. Sera-t-il suffisant pour changer l'Italie ? Seul le temps le dira.

Commentaires 2
à écrit le 26/04/2015 à 23:49
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J'adore comment faire passer en douceur et sous de faux nez ce qui trouve son origine bien ailleurs que dans des considérations interne. Cette loi est la déclinaison italienne de la mise aux normes de notre future europe des régions intégrée à l'espa...

à écrit le 25/04/2015 à 13:57
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Tout nouvelle loi électorale mise en chantier ne sera que favorable a l'UE de Bruxelles et lui facilitera la mise en place de sa "dictature"!

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