TTIP : les PME demandent aux négociateurs de leur donner la priorité

Alors qu'elles représentent 99% des entreprises de part et d'autre de l'Atlantique, les PME souhaitent que le TTIP reflète leurs besoins. Pas seulement dans un chapitre qui leur sera dédié, mais dans tout le traité. Les barrières commerciales, plus importantes pour les petites entreprises, sont dans le collimateur. Un article de notre partenaire Euractiv.
Les PME fournissent deux tiers de tous les emplois du secteur privé.

« Nous voulons un TTIP soigneusement rédigé qui promeut la croissance économique, et dont les PME pourront bénéficier », a déclaré Ulrike Rabmer-Koller, président de l'UEAPME, l'Union européenne de l'artisanat et des petites et moyennes entreprises.

« Un chapitre spécifique dans le TTIP doit refléter les intérêts des PME. Nous saluons l'inclusion de ce chapitre, mais nous demandons aussi à ce que leurs intérêts soient reflétés dans d'autres chapitres », a-t-elle ajouté, insistant sur le fait que l'Europe devrait suivre le principe du « penser aux petits d'abord » lorsqu'il s'agit de coopération réglementaire.

99 % des entreprises européennes et américaines - plus de 20 millions en UE et 28 millions aux États-Unis - sont des PME. L'accord commercial entre l'UE et les États-Unis est censé créer des nouvelles opportunités, surtout pour les PME, étant donné que les barrières commerciales ont tendance à peser de manière disproportionnée sur les petites entreprises, qui ont moins de ressources que les grandes entreprises pour les surmonter.

Les PME fournissent deux tiers de tous les emplois du secteur privé et ont une incroyable capacité à créer de nouveaux emplois. Toutefois, quand il s'agit d'exporter, elles sont pénalisées par les droits de douane et les règlementations.

La Commission européenne et la commission américaine du commerce international ont entrepris une série de consultations mettant en lumière les facteurs intersectoriels faisant peser des charges disproportionnées sur les PME. Ceux-ci comprennent notamment le coût d'ajustement à différents systèmes réglementaires, dans différentes juridictions, le coût lié à la protection des droits à la propriété intellectuelle, aux procédures douanières, aux règles d'origine, aux exigences fiscales, entre autres.

PME en difficulté : réglementation, taxes et transparence

Prenant pour exemple Gynius, une société d'appareils médicaux basée à Stockholm, la commissaire au commerce, Cecilia Malmström, a expliqué à EurActiv.com que la société avait mené une lutte acharnée pour que son dispositif de dépistage des cancers gynécologiques soit approuvé aux États-Unis.

« Le TTIP aurait facilité cette procédure pour un produit pouvant sauver des vies », a-t-elle affirmé. La même mésaventure est arrivée à Montavit, une société autrichienne du Tyrol confrontée à des coûts très élevés chaque année pour la double inspection de ses établissements aux États-Unis et en Europe. L'entreprise a donc décrété qu'être implantée aux États-Unis coûtait trop cher.

Les barrières commerciales sont lourdes, coûteuses et complexes, a quant à elle souligné la directrice générale de Swedish Enterprise, Carola Lemne. « Les grandes entreprises s'en sortent, elles peuvent se permettre d'installer des boutiques de l'autre côté de l'Atlantique, de construire des usines, etc. Ce sont les PME qui sont en difficulté », a-t-elle précisé.

Selon Jacques Pelkmans, expert commercial du centre d'études de la politique européenne (CEPS), le secteur de l'ingénierie mécanique - le plus grand secteur d'exportation de l'UE - pourrait booster la croissance et l'innovation si les barrières, extrêmement complexes, étaient bien négociées.

« Dans le secteur de l'ingénierie, nous sommes très compétitifs grâce à nos machines personnalisées. La Chine est compétitive grâce au volume de biens qu'elle produit », a-t-il déclaré, ajoutant que les PME allaient faire la différence dans ce secteur.

>> Lire : Hollande prône pour l'instant le « non » au TTIP

Bernd Supe, propriétaire d'une société de taille moyenne, leader mondial de la fabrication d'outils de découpe industrielle, a abordé la question des taxes dans le chapitre du TTIP sur les PME.

« Je ne veux pas compliquer les choses, elles sont déjà assez compliquées comme ça », a-t-il estimé. « Il ne faut pas oublier que lorsque les PME opèrent dans un autre pays, et qu'elles ont des filiales dans ce pays, elles doivent faire face à la même législation fiscale que les grandes entreprises. Or, elles ne peuvent pas se le permettre. »

Certaines PME s'opposent au TTIP car les négociations manquent encore de transparence.

« Les négociations sont moins opaques qu'avant et nous nous en réjouissons. Mais la transparence ce n'est pas seulement donner accès à des documents », a expliqué Ukrike Rabmer-Koller. « C'est aussi expliquer les conséquences de l'accord et sensibiliser. Les parties prenantes et les PME doivent être plus impliquées. »

>> Lire : Les fuites sur le TTIP pourraient bénéficier au traité

TTIP de la dernière chance

Bernd Supe craint qu'un accord acceptable ne soit jamais atteint. « Le TTIP est, je pense, notre dernière chance de créer un accord de libre-échange qui pourra être suivi par le reste du monde. »

« Si nous loupons le coche, le reste du monde ne voudra plus nous écouter. Cela mènera à une division du marché européen et les PME perdront de l'importance et du sens. Nous servirons nos PME sur un plateau d'argent à nos amis chinois. »

« Dans ce cas, nous devrons peut-être penser à relocaliser en dehors de l'Europe », a ajouté Bernd Supe.

« Soyons honnêtes, tout le monde ne va pas profiter du TTIP », a quant à elle avoué Carola Lemne. « Il risque d'y avoir des victimes et des secteurs protégés qui ne supporteront pas la concurrence. Mais en général, les résultats seront bénéfiques. »

« Nous devons garder à l'esprit que la concurrence mondiale ne disparaîtra pas si nous ne signons pas le TTIP », a-t-elle ajouté.

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CONTEXTE

La Commission européenne estime qu'un accord « ambitieux » sur le TTIP augmenterait la taille de l'économie européenne d'environ 120 milliards d'euros (ou 0,5 % du PIB) et celle de l'économie américaine de 95 milliards d'euros (0,4 % du PIB). Économiquement, le TTIP bénéficiera aux consommateurs en leur proposant des produits moins chers, assure la Commission.

Selon une étude du centre pour la recherche en politique économique, un foyer moyen de 4 personnes verra ses revenus nets augmenter d'environ 500 euros par an, grâce aux effets combinés de hausse des salaires et de réduction des prix.

Toutefois les polémiques ne cessent de prendre de l'ampleur sur l'opacité des négociations, l'abaissement des normes environnementales et le fait que les gouvernements seraient à la merci des poursuites engagées par les multinationales.

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Par Daniela Vincenti, traduit par Marion Candau d'Euractiv

(Article publié le 30 mai 2016)

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Commentaires 3
à écrit le 01/06/2016 à 15:24
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Le TTIP n'est pas fait pour les PME, ils n'ont rien compris au schmilblick ! Des rêveurs. "qui pourra être suivi par le reste du monde" c'est le but, créer une "norme" mondiale, une référence que la Chine sera alors obligée de prendre comme incontou...

à écrit le 01/06/2016 à 11:56
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"qu'être implantée aux États-Unis coûtait trop cher." Si c'est pour créer de l'emploi aux us, non merci... Bizarre que les petits patrons n'aient pas compris qu'ils étaient bouffés par les grands... C'est CA, le sens du capitalisme.

le 01/06/2016 à 15:30
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Le marché public est peu ouvert aux étrangers aux USA mais parait qu'on a quantité de savoir-faire qui leur serai(en)t utile. Développer une activité spécifique depuis Paris, c'est pas pratique. On va construire le tunnel (assemblages de structures ...

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