« Une décision injuste pour les cliniques privées » (Delphine Balerdi)

OPINION- Alors que le ministre délégué à la Santé a décidé de n'accorder aux cliniques privées que 0,3 % d'augmentation de leurs tarifs, contre 4,3 % aux hôpitaux, Delphine Balerdi, présidente du conseil d'administration de la clinique de ­Verdaich (Haute-­Garonne), et porte-parole d'un collectif de cliniques privées*, dénonce une inégalité de traitement qui va entraîner « des disparités territoriales, renforcer les déserts médicaux, aggraver la situation de l'hôpital et emporter de nombreux établissements privés.»
Delphine Balerdi.
Delphine Balerdi. (Crédits : © Guillaume Oliver)

La santé est désormais la deuxième préoccupation des Français, après le pouvoir d'achat. Déserts médi­caux, difficultés d'accès aux généralistes, aux scanners et IRM, embolisation des hôpitaux, services d'urgences débordés, pénuries de médicaments sont le quotidien d'un grand nombre de nos concitoyens. Pourtant, les réformes structurelles peinent à émerger. Certains décideurs politiques semblent privilégier les approches dogmatiques avec l'excuse du déficit public brandie en totem et, souvent, une bonne dose de mauvaise foi.

Une décision injuste

La décision du ministre délégué à la Santé de n'accorder aux cliniques privées que 0,3 % d'augmentation de leurs tarifs, contre 4,3 % aux hôpitaux, est révélatrice d'une forme d'abandon. Pire, il y a derrière cette décision injustifiée la volonté de relancer une guerre du secteur public contre le secteur privé, dépassée et mortifère. Le fondement de cette discrimination serait l'efficience du secteur privé, qui devrait donc être pénalisé, pour permettre à l'hôpital de retrouver un rythme d'activité satisfaisant. Si cette décision est injuste pour les cliniques privées, elle est insultante pour l'hôpital public et pour les hospitaliers.

L'hôpital n'a pas besoin que les cliniques soient artificiellement défavorisées. Il a besoin d'être mieux accompagné et soutenu dans ses évolutions. Cette décision va accroître les disparités territoriales, renforcer les déserts médicaux, aggraver la situation de l'hôpital et emporter  de nombreux établissements privés. Pour finir, elle sera l'alliée du sentiment de déclassement ressenti par bon nombre de Français.

Notre système repose sur deux piliers

L'hôpital a besoin des cliniques pour se désemboliser, et les cliniques ont besoin de l'hôpital. Notre système repose sur deux piliers. En briser un, au prétexte que l'autre serait trop fragilisé, revient à faire trembler l'édifice sur ses bases, voire à le casser. Les acteurs privés de la santé jouent un rôle essentiel. Ils représentent dans certains territoires 50 % de l'offre de soins et 26 % sur le plan national. Ils assument 35 % de l'offre hospitalière pour à peine 18 % des financements publics. Ils sont extrêmement efficaces dans la prise en soins de pathologies graves comme le cancer, ils sont en avance sur les activités ambulatoires, affichées comme une priorité de santé publique. C'est moins connu, mais ils sont indispensables dans les soins médicaux et de réadaptation (SMR), c'est-à-dire l'aval des hôpitaux. Une activité SMR pourtant déjà très menacée par une réforme de son financement décidée unilatéralement par le gouvernement en 2023.

Pense-t-on sérieusement que transformer le secteur privé de la santé en variable d'ajustement budgétaire va apporter une quelconque solution à ces défis ? Notre système a besoin d'une vision, pas d'une rétraction. Il a besoin de mobiliser toutes ses parties prenantes, en tournant le dos aux dogmes qui l'ont si souvent sclérosé et qui sont responsables de la situation actuelle. Il a également besoin d'un courage politique pour fixer des objectifs et des priorités claires pour l'avenir, adossées à une visibilité budgétaire pluriannuelle.

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* Présidente du conseil d'administration de la clinique de ­Verdaich (Haute-­Garonne), avec ­Willy ­Siret (LNA Santé), ­Gwenola Ster (Ster Santé), David Bouniol (Clinalliance), Géraldine Austruy (HPA) et 16 autres signataires.

Retrouvez l'ensemble des signataires :

  • Aude d'ABBADIE, directrice du groupe Les Flamboyants
  • Géraldine AUSTRUY, directrice du réseau Hospitalisation privée d'addictologie
  • Fabrice-Sébastien BACH, directeur de la clinique SMR La Maison Basque et la clinique Beaulieu-Colisée
  • Delphine BALERDI, présidente du CA de la clinique Verdaich
  • Frédérique BORDET, PDG de CRF Pasori
  • David BOUNIOL, directeur de Clinalliance
  • Jean-Yves CAILLAUD, directeur de la clinique du Parc
  • Agnès COURCIERAS, directrice du CSSR La Roseraie, du CRF de La Hève, et du centre de nutrition Les Jonquilles
  • Lamine GHARBI, président de la FHP et du groupe Cap Santé
  • Sabine GIORDANO, directrice associée de la clinique Saint-Christophe
  • Aurélien HEEDER, directeur de la clinique du Pays de Montbéliard
  • Fabrice JOURNEL, président de Sedna Santé
  • Pierre-Yves de KERIMEL, directeur de la clinique des Minimes, de la clinique du Château de Vernhes et du centre de Santé des Minimes - réseau Sérénis
  • Jean-Louis MAURIZI, PDG du CRF Paul-Cézanne
  • Alexandre MEYER, PDG de Mey Santé
  • Tekla NEMETH, directrice de la clinique de SMR Primerose
  • Éric NOÊL, délégué général de la FHP-SMR
  • Philippe PISAPIA, directeur de la clinique du Pic-Saint-Loup et de la clinique Saint-Clément (groupe Clinipole)
  • Christophe SADOINE, directeur de la clinique La Mitterie et de la clinique Les Peupliers
  • Willy SIRET, directeur de LNA Santé
  • Gwenola STER, directrice de Ster Santé

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Commentaires 6
à écrit le 05/05/2024 à 15:24
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Il serait intéressant d'enquêter sur les montages juridiques des investisseurs car il est fort probable qu''ils séparent l'immobilier de la partie prise en charge hospitalière .Je m'explique vous avez d'un coté une sci propriétaire des locaux qui son...

à écrit le 05/05/2024 à 11:53
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Ce que ne dit pas l'article, c'est que les fonds d'investisseemnts américains et austaliens ont fait main basse sur une grande partie des cliniques françaises avec KKR - groupe ELSAN et Ramsay Health Care. J'invite les lecteurs à voir les cours de le...

à écrit le 05/05/2024 à 9:27
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D'abord il me semble même si je m'avance un tantinet que ces cliniques n'ont pas la charge de former de nouveaux médecins et qu'en tant qu'organismes privés ils assurent à leurs actionnaires un certain retour sur investissement.

à écrit le 05/05/2024 à 3:55
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consommateur âgé, je constate que pour un doigt bloqué il m'a fallu 6 mois et 250 euro pour retrouver la mobilité partielle de ce doigt à parcourir généraliste référant, spécialiste clinicien, hôpital ayant abandonné de prodiguer de tels soins et d...

à écrit le 04/05/2024 à 17:46
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Vous deviez être la solution maintenant vous êtes un problème en plus pour la santé.

à écrit le 04/05/2024 à 17:26
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Le jour où les cliniques privées feront tout ce que font les Hôpitaux elles seront traitées à égalité. Il n'y a aucune raison qu'elles ne fassent que les spécialités qui rapportent le plus et laissent aux Hôpitaux ce qui rapporte le moins.

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