Transsibérien des écrivains Vladivostok, terminus

Sur le quai, la fanfare et des Marseillais. Le staff de la gare Saint-Charles s'apprête à signer le jumelage avec Vladivostok. On est ahuri. Ému, « essor頻, comme dirait Nicolas Bouvier. Danièle Sallenave ne veut pas contenir ses larmes : « Si on ne pleure pas ici, alors... » La gare est somptueuse, dans le plus pur style architectural de la Russie impériale. La visite de la base navale, interdite aux étrangers jusqu'en 1992, semble irréelle. L'horizon sur la mer du Japon est totalement bouché. La moiteur couvre de nimbe les bâtiments de guerre de la marine russe. Neuf mois de l'année, il en est ainsi. Après, la glace prend le relais. Le sous-marin S-53 repose sur le sol, devant le mur aux victimes de la guerre russo-japonaise - des milliers de noms. Un bambin chevauche le char qui tend son canon vers le pays du Soleil-Levant. Dans la chapelle des marins, l'icône de la vierge pleure des larmes de myrrhe.À l'Alliance française, la salle, une nouvelle fois, est comble, les auditeurs en demande, les écrivains hébétés. « Nous avons décidé de faire une première mondiale avec Danièle Sallenave », explique Dominique Fernandez. « Les deux livres que nous allons écrire, suite à cette traversée, sortiront en même temps, chez Grasset et Gallimard, à l'automne 2011. » Lors de la conférence de presse, les écrivains répondent aux questions, d'un oeil. « Le but de ce voyage était de le faire. Vivre un rêve, vivre un mythe », déclare Guy Goffette, dans un sursaut d'énergie. « J'ai vu, j'ai entendu. Je ne connaissais pas les autres, j'avais des préjugés sur la Sibérie. Mais ce que nous venons de vivre est une expérience inédite, extraordinaire. On dit qu'?un Russe qui ne chante pas est un Russe mort?. Nous, nous sommes passés de la chansonnette à la symphonie. »En termes d'ambiance, la ville qui a vu grandir l'acteur Yul Brynner se situe entre San Francisco et Brest, pour ses rues qui montent et qui descendent, ses arrière-cours, et ses bars à matelots - il y a même un « Café Montmartre ». Les jusqu'au-boutistes décident de tremper leurs pieds dans le Pacifique. D'autres s'achèvent au bar du Néant tandis que l'essentiel de la troupe se retrouve autour d'une dernière fiole de vodka au 4e étage de l'hôtel Azimut - ça ne s'invente pas. Au rez-de-chaussée de ce qui est sans doute le meilleur hôtel de la ville, le karaoké se loue 1.000 roubles l'heure pour six personnes, avec - ou sans option - les hôtesses de charme. De la fenêtre, dans la torpeur encre de Russie, seule l'inscription au néon pourpre « Strip » illumine. Dernières confidences, l'inattendu surgit ; les « provodnitsas » ont parlé. La nuit dernière, alors qu'à 4 heures du matin nous prenions les borborygmes de l'hôtesse du wagon la plus hermétique d'entre toutes comme des condamnations fermes et méprisantes, le martèlement des essieux, tels des coups de cymbales dans la nuit extrême-orientale, aurait dû nous alerter. Non, ce n'était pas une symphonie de Rachmaninov, les bruits assourdissants révélaient bien autre chose : la faiblesse des essieux. Là même où chaque soir, on se retrouvait pour discuter, fumer, rire et chanter, ils chauffaient, au point de déclencher l'alarme. Et cette nuit-là, cette dernière nuit transsibérienne, nous avons filé en toute insouciance sur des essieux ardents. On hallucine. Les provodnitsas sont peu disertes. Pour connaître leurs secrets, on doit pénétrer dans l'intimité de leur alcôve. Et surtout parler russe. Il faut revenir, en hiver. Le mythe du Transsibérien est bien vivant. ? Dès lundi, notre nouvelle série : Les hôtels mythiques.
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