Découvertes économiques : le « Made in Pays de la Loire » se visite

SERIE TOURISME- PAYS DE LA LOIRE (2/5). Imaginée il y a vingt ans pour promouvoir la découverte du monde économique, l’association « Visitez nos entreprises en Pays de la Loire » favorise l’ouverture au public de plus de 200 entreprises chaque année. Des portes grandes ouvertes ou entrouvertes selon la stratégie des dirigeants.
A Machecoul (44), la fromagerie Beillevaire est l’une des 35 entreprises des Pays de la Loire à avoir choisi de maintenir des visites à l’issue de la crise sanitaire.
A Machecoul (44), la fromagerie Beillevaire est l’une des 35 entreprises des Pays de la Loire à avoir choisi de maintenir des visites à l’issue de la crise sanitaire. (Crédits : DR)

Comprendre la construction d'un paquebot aux chantiers de l'Atlantique, découvrir la fabrication d'un avion chez Airbus, s'initier au monde des abeilles chez les ruches de Mary, s'éveiller les papilles chez Cointreau au détour d'un alambic... ou démystifier les « objets porteurs de sens » chez le mayennais Martineau. Si l'idée de faire visiter son entreprise et ses lieux de production ne coule pas forcément de source pour des dirigeants plutôt enclins à préserver leur savoir-faire, la démarche est accompagnée depuis vingt ans par l'association « Visitez Nos Entreprises » (VNE), fondée à l'initiative la région et de la Chambre de Commerce et d'Industrie. « Nous sommes la seule association en France structurée à l'échelle d'une région », souligne Julien Goudeau, Président de VNE et responsable tourisme de la maison des Vin Orchidés (Ackerman, Château de sancerrre...).

En 2019, près de 500.000 visiteurs ont poussé les portes des 61 entreprises ouvertes au public en Pays de la Loire. Au point que certaines en font une véritable stratégie d'attractivité. « C'est bien plus qu'une simple vitrine », reconnait Charlotte Rondeau, Responsable Evènementiel & Visites de La Fromagerie Beillevaire, née en 1998, au cœur du marais breton vendéen, entre l'embouchure de la Loire et l'Ile de Noirmoutier. C'est à Machecoul, dans les années 1980, que Pascal Beillevaire, jeune fromager de 20 ans, titulaire d'un BEP agricole, lance le Machecoulais : une pâte molle au lait cru de vache, à la croûte lavée, de forme ovale, légèrement rosée et plissée... Quarante ans et des millions de litres de lait plus tard, l'homme est à la tête de groupe de 500 personnes (avec un chiffre d'affaires annuel de 60 millions d'euros), de six ateliers de production en France, d'un réseau de boutiques et exporte dans 40 pays à travers le monde... Tout une histoire.

Des circuits de plus en plus pros

L'entreprise a choisi de la raconter il y a dix ans. « Par transparence vis-à-vis du consommateur. Pour lui donner confiance », justifie Charlotte Rondeau. L'an dernier, la fromagerie a investi 150.000 euros pour professionnaliser le parcours. « Avec un circuit qui permet de voir les salariés au travail, des films didactiques et interactifs, une cave d'affinage pour s'initier les odeurs, proposer un espace dégustation, une boutique et un coin snacking qui -hors période Covid- permet à une quarantaine de personnes de profiter d'une offre déjeuner avec des formules abordables à 6,90 ou 8,90 euros», explique Charlotte Rondeau. A cela s'ajoutent des balades dans le marais qui mènent jusqu'à l'ancienne ferme familiale où les premiers fromages ont été produits.

Accessibles, à l'année, du lundi au vendredi -quand la production est en route-, visites, descriptifs et vidéos sont bilingues. « Ça a pris de l'ampleur », atteste Charlotte Rondeau. « Les réservations ne se font plus par téléphone, mais en ligne. Et on met le paquet sur la communication, les réseaux sociaux... C'est un réel bénéfice pour les commerces du groupe. On y présente les produits, les métiers, la vente directe... » Même les contraintes liées au Covid (distanciation sociale, port du masque, groupes limités à dix personnes et deux personnes en boutique) sont vécues avec philosophie. « Ça nous a même donné des idées, comme les dégustations proposées en portions individuelles plutôt qu'en plateaux où tout le monde piochait dedans ! », observe la responsable Evènementiel de la Fromagerie, qui se félicite que l'association VNE ait pu les accompagner et ouvrir son réseau au cours de la crise sanitaire. Une période compliquée à l'issue de laquelle la moitié des adhérents n'a pas réouvert ses portes au public. « Nous avons mis en place des ateliers de partage d'expériences sur la gestion de crise, la signalétique, les gestes barrières et recensé les protocoles dans un guide sanitaire », explique Anne-Marie Vallée, animatrice, recrutée en 2018 par l'association pour revigorer le réseau. « Résultat, de nouvelles pratiques sont apparues comme la réservation ou la billetterie en ligne, le développement de visites libres ou en famille... »

La main dans le pot miel

A Saint-André de la Marche, en Vendée, le groupe d'apiculture Famille Mary, spécialisé dans la production de miel et les produits cosmétiques depuis près de cent ans, s'y est lancé en 2018 avec La ruche de Mary. « Nous avions un lieu idyllique près d'un vieux moulin, une entreprise centenaire qui s'est développée autour d'un métier peu commun, une histoire commerciale avec une trentaine de magasins, un spa, des produits cosmétiques... », explique Adrien Gaudineau, diplômé d'un master en gastronomie et développement du tourisme en entreprise, recruté il y a deux ans pour mettre en place ces visites, vendues 1,50 euro la place. Un circuit pédagogique d'une heure pour découvrir le monde de l'abeille. « L'intérêt pour nous, c'est vraiment de transformer le visiteur en client de la boutique et de le fidéliser», reconnait-il. « On ouvre une ruche derrière un kiosque vitré. Je montre la reine, ensuite, on passe dans une salle pour découvrir l'extraction du miel des alvéoles, ses utilisations dans les cosmétiques, dans la gastronomie... puis, on propose aux visiteurs une dégustation. La boutique est une vraie plus-value », explique-t-il. « J'ai construit mon discours en questionnant les apiculteurs, ensuite j'explique la biodiversité, l'évolution de l'entreprise », dit-il. Ici, l'investissement représenterait 10.000 euros dont une grande partie est consacrée à la communication vers les supports des Offices de Tourisme et autres guides. « J'aimerais moderniser la visite, y mettre davantage de couleurs, de vidéos... et faciliter le parcours extérieur, plutôt escarpé pour les personnes à mobilité réduite, et annualiser les visites en 2021 avec des séances thématiques pour pallier l'hibernation des abeilles.»

L'an dernier, le site a accueilli 5.000 personnes pendant la saison estivale et les passages en boutique seraient appréciables. « C'est l'avantage des métiers de bouche. Contrairement à un fabricant de poids lourds ou d'ordinateurs, la vente directe est non négligeable dans les visites d'entreprises », observe Corinne Lava, responsable de l'activité « receptive » chez le liquoriste Cointreau, à Saint-Barthélemy d'Anjou, près d'Angers, où la visite des alambics est inscrite dans le marbre.

Tout n'est pas bon à montrer

« Nous avons retrouvé des dépliants en noir et blanc du fondateur Edouard Cointreau où il était indiqué, ne quittez pas la ville d'Angers sans avoir visité la distillerie », raconte-elle. Si au gré des regroupements (groupe Remi Martin), l'activité « visite d'entreprise » ne représente qu'une goutte d'eau au sein du groupe Remi Martin, elle revêt un caractère patrimonial, territorial, touristique et managérial indéniable. Un pôle où exercent sept personnes pour faire vivre un véritable espace muséographie, fraichement rénové et agrandi.

Dans les Pays de la Loire (133.000 établissements), un peu plus de 200 entreprises ouvrent ou entrouvrent leurs portes, une fois par an, à l'occasion des journées régionales de la visite d'entreprise. Des structures de toutes tailles, de la TPE aux grands groupes, dont les secteurs diversifiés permettent au territoire ligérien d'offrir un reflet du « Made in Pays de la Loire ». Signe du tournant écologique de la population, les visites de l'unité de traitement et du recyclage des déchets Sivert de l'Est Anjou serait l'une des plus demandées.

Mais, seule une de ces entreprises sur quatre adhère à l'association VNE pour en faire une activité pérenne, saisonnière ou permanente. « Toutes ne savent pas comment faire », admet Corinne Lava. « Au-delà des aspects sanitaires, tout n'est pas à montrer. Notamment dans l'agroalimentaire où l'effet peut être inverse à ce qu'on attend. Il faut d'abord faire un état des lieux, montrer des gestes, et raconter une histoire qui peut mettre en perspective une filière régionale. Evidemment, c'est plus simple quand on a un lieu de production », admet-elle. Chez Cointreau, les premières visites organisées pour ne pas déranger la production datent de 1972. La professionnalisation avec un bâtiment et une équipe dédiée, et la mise en place d'un droit d'entrée arrivent quinze ans plus tard. En 1999, pour les 150 ans du groupe, l'entreprise a créé une vraie scénographie avec l'historien Pascal Blanchard. « Et, début juillet, nous avons finalisé un tout nouveau parcours après avoir dû stopper les travaux pendant le confinement »

Désormais, le circuit se fait selon une boucle qui intègre un escalier traversant la salle des alambics, entre l'espace muséographique immersif et la salle de dégustation où le visiteur est invité à sentir les écorces, l'alcoolat, goûter le produit pur... L'espace muséographique comprend trois parties, dont un espace aménagé comme un musée de curiosités où l'on déambule dans un appartement qui retrace l'histoire de la famille Cointreau. Plus loin, un show vidéo en motion design évoque l'histoire des cocktails où la liqueur est devenue un ingrédient de base. En sortant, les visiteurs trouvent la boutique, aujourd'hui soumises aux protocoles sanitaires en vigueur. « L'objet n'est pas d'en faire une activité lucrative. C'est avant tout une vitrine. Dans les métiers de bouche, la vente directe dans les visites d'entreprises est loin d'être négligeable, même si chez nous, dans le groupe -Remi Martin- ça représente une goutte d'eau», résume Corinne Lava.

Cocktail et management

Au regard de l'investissement, l'équilibre serait atteint avec 15.000 visiteurs par an, soit la fréquentation de l'an dernier, ce qui correspondrait, peu ou prou, « au chiffre d'affaires d'un petit commerce ». Ouvert à l'année, le lieu est aussi l'endroit idéal pour accueillir les distributeurs, des professionnels et des barmans pour des animations et des formations ou pour louer des salles. « C'est devenu une vraie activité marketing », dit-elle. Chronophage autant que prioritaire. C'est là où Cointreau voit plus loin. « On éduque au cocktail et on fabrique des ambassadeurs », reconnait Corinne Lava. « La plupart des gens qui viennent chez nous ont déjà une bouteille de Cointreau chez eux. Le problème c'est plutôt que la rotation n'est pas très, très forte. Heureusement, on constate un vrai éveil à la culture cocktail chez les 18-35 ans ».

Et Cointreau n'a pas lésiné pour se doter d'un bar dernier cri et attirer les meilleurs barmans du monde pour des Cointreau Academy. «Ils sont exposés à la marque pendant deux jours. Je crois à l'effet ricochet et j'ai la prétention de croire qu'après être venu chez nous, les gens rachètent du Cointreau. On montre aussi que l'on peut réaliser des cocktails simples et accessibles. Quand un visiteur s'équipe d'un doseur, d'un presse agrume ou d'un shaker, c'est bon signe pour l'entreprise... », indique la représentante de Cointreau pour qui l'ancrage territorial des visites d'entreprises s'avère aussi très important. « Nos nouvelles installations ont été testés par nos collaborateurs et leur famille auprès de qui nous avons pu tester et roder nos discours et recueillir des avis. En fait, c'est aussi, un très bel outil de management.» Les visites mènent à tout.

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Commentaire 1
à écrit le 05/08/2020 à 15:00
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Passer d'une région la plus pauvre; tellement pauvre que l'immigration face à l'éxode rural a étée très faible, à une des régions les plus dynamiques fait tout de même plaisir. A tel point que si la région associée à la région Bretagne pourrait dev...

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