Vivement la retraite !

Chaque semaine, découvrez les chroniques sur la vie au bureau réalisée par Sophie Péters. Anecdotes, conseils, expériences : pour sourire mais aussi mieux se sentir dans son job.

A voir le nombre de Français opposés au recul de l'âge légal du départ à la retraite, pas de doute : nous sommes attachés à « la quille », cet eldorado sans stress et sans contraintes. Parce que le travail est perçu comme aliénant, parce que la pression est telle, nous rêvons tous de décrocher. Mais en est-on si sûr ? Hormis ceux qui sont épuisés par un travail pénible, pour la plupart des retraités, s'adonner à une vie de loisirs revient souvent à tomber dans le vide. Un vide de sens.

Dans ce débat sur les retraites, il y a une violence. Pire, une indifférence : celle qui méconnaît les rythmes humains et la psychologie de l'individu. L'écart ne cesse de se creuser entre le moment du départ et l'arrivée du grand âge. Résultat : encore en pleine possession de leurs moyens, beaucoup se retrouvent sur la touche, perdant d'un seul coup leur identité. Si la société de consommation s'en réjouit, les intéressés beaucoup moins.

Mise à l'épreuve

Ainsi un article paru dans la revue « psychologie et neuropsychiatrie du vieillissement », de mars 2005 montre à quel point ce passage constitue une mise à l'épreuve. La perte du statut professionnel met en péril la santé mentale. Et si l'on considère

que les seniors d'aujourd'hui étaient hier les premiers « workaholics » (drogués du boulot), il y a de quoi s'inquiéter. Transition majeure, elle est vécue comme un traumatisme par au moins 30 % des sujets. « Cette crise, d'ordre narcissique, est grandement confortée par une exclusion sociale due à la cessation du travail. [...] L'individu pour qui le travail permettait l'expression de sa créativité en perd le cadre [...] mais le retraité souffre aussi de la désorganisation de son quotidien. Ce sentiment de vide peut être source d'angoisse », notent les deux universitaires Evelyne Bouteyre et Nadège Lopez. Sans compter la perte du sentiment d'utilité qui menace la cohésion du moi. Autant de ruptures susceptibles de déclencher des réactions pathologiques. D'où l'urgence de s'atteler à une meilleure adaptation du temps de travail. De développer une forme de continuité, tout en établissant de nouveaux rôles et de nouveaux investissements, pour permettre au sujet de maintenir une bonne estime de soi. Et de lutter contre la dépression dans une période où les capacités d'adaptation sont fortement sollicitées et où les remaniements psychiques sont nombreux.

Mais restons vigilants quant à la façon dont nous traversons nos crises actuelles. Selon les chercheurs, elle détermine notre capacité à passer l'ultime étape, au risque sinon de rejouer d'anciens traumatismes. Continuons alors fidèlement de poursuivre jusqu'à la fin tout ce qui a donné un sens à notre jeunesse et notre maturité. La retraite commence dès à présent, comme une autre présence au monde, le lieu d'une perception nouvelle.

« Ce n'est pas la jeunesse mais la vieillesse qui n'a pas d'âge. » Jean-Claude Pirotte, écrivain.

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