"La réforme va entraîner une montée en puissance du Conseil constitutionnel"

Adopté au congrès de Versailles, l'article 61-1 de la Constitution crée le recours de l'exception d'inconstitutionnalité. Lors d'un contentieux, un justiciable (particulier, entreprise,...) pourra invoquer qu'une disposition législative est contraire à la Constitution. Avant de juger, le tribunal saisira alors la Cour de cassation ou le Conseil d'Etat. Cette haute juridiction décidera soit de trancher la question, soit de l'adresser au Conseil constitutionnel. Alors qu'un projet de loi ordinaire sur la mise en œuvre de l'article 61-1 a été déposé à l'Assemblée nationale, Dominique Rousseau, professeur de droit public à l'Université de Montpellier 1 et membre de l'Institut universitaire der France (1), met en exergue l'importance de la réforme.

La Tribune - Que pensez-vous du recours pour un justiciable de contester la constitutionnalité d'une loi ?
Dominique Rousseau - C'est une réforme importante qui risque de bouleverser l'architecture juridictionnelle. A terme, elle va avoir pour conséquence de mettre en position suprême le Conseil constitutionnel vis-à-vis de la Cour de cassation et du Conseil d'Etat sans pour autant devenir une Cour suprême à l'américaine. Dans un premier temps, les changements seront minimes. Le Cour de cassation et le Conseil d'Etat joueront leur rôle de filtre en transmettant un nombre "raisonnable" de recours en inconstitutionnalité au Conseil constitutionnel. Qui lui-même n'a pas intérêt à en recevoir beaucoup sous peine d'être débordé !

- Et dans un second temps...
- La réforme va forcément entraîner une montée en puissance du Conseil constitutionnel. La Cour de cassation et le Conseil d'Etat seront dépendants des décisions rendues par le Conseil constitutionnel. Même s'ils ne lui renvoient pas un recours pour exception d'inconstitutionnalité, ils devront lui adresser leur décision de rejet. Par conséquent, le Conseil constitutionnel pourra faire connaître son avis sur sa non saisine et la Cour de cassation et le Conseil d'Etat pourront alors se trouver "coincés" et mis sous pression entre le Conseil constitutionnel et le juge ordinaire (tribunal de grande instance, tribunal administratif, etc...).

- Comment voyez-vous la transformation du Conseil constitutionnel ?
- En raison d'un contrôle a posteriori sur une loi promulguée, le Conseil constitutionnel va intervenir dans le procès. Les règles du procès équitable fixées par la Convention européenne des droits de l'homme lui seront applicables. A mon avis, la transformation du Conseil constitutionnel en juridiction impliquerait de profonds changements dans son mode de fonctionnement et de nomination. A l'instar de l'Allemagne ou de l'Espagne, devraient être nommés au Conseil constitutionnel uniquement des professionnels du droit au vu de leurs diplômes et de leurs expériences juridiques.

- Peut-on encore trouver des dispositions inconstitutionnelles dans le droit français ?
- Oui, nombre de dispositions législatives n'ont pas été soumises au contrôle a priori du Conseil constitutionnel. Il y a donc beaucoup de contentieux possibles pour le justiciable. Mais plus encore, les questions de constitutionnalité pourront être soulevées par les entreprises : droit des affaires, droit fiscal, environnement,... Le droit constitutionnel se transforme, il n'est plus seulement le droit de l'Etat, il devient le droit de la société.

 


(1) En partenariat avec la Cour de cassation , il a organisé, le 3 avril dernier, un colloque intitulé "Une nouvelle compétence pour la Cour de cassation : l'exception d'inconstitutionnalité". Les interventions on été publiées dans le numéro spécial 126 du 25 juin 2009 des Petites Affiches.

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