Croissance : et si le salut venait de l'Allemagne ?

Dans un entretien au quotidien allemand Rheinische Post, Arnaud Montebourg, le ministre du Redressement productif, plaide pour une augmentation des salaires outre-Rhin afin de stimuler les exportations tricolores.
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Est-ce un aveu d?impuissance face à la dégradation de l?économie française ? Mardi, dans un entretien accordé au quotidien Rheinische Post de Düsseldorf, Arnaud Montebourg, le ministre du Redressement productif, a demandé un effort aux entreprises allemandes. "La supériorité de l'Allemagne est dangereuse pour l'Europe. L'économie allemande a eu pendant de longues années un avantage compétitif du fait de la retenue salariale. Cette situation n'est pas tenable dans la durée sur le plan économique. Nous poussons donc à ce qu'il y ait un ajustement entre nos pays. Ce sera positif pour les deux pays et pour l?ensemble des pays européens", a-t-il déclaré lors de son déplacement dans la capitale de Rhénanie-du-Nord-Westphalie.

Depuis la seconde partie des années 90, la modération salariale est de rigueur en Allemagne. Conjuguée aux quatre réformes Hartz qui ont notamment flexibilisé le marché du travail et durci les indemnisations versées aux chômeurs, celle-ci s?est traduite par une baisse de 2,3% des coûts salariaux unitaires entre 1996 et 2005 estime l'Insee. Actuellement, le coût horaire de la main d??uvre est de 30,4 euros en Allemagne et de 34,2 en France selon Eurostat, l?Office européen des statistiques.

Elle a aussi entrainé une baisse du taux de chômage. « Le taux de chômage a fortement baissé en Allemagne depuis 2005 : alors qu?il s?établissait à 11,4 % au premier trimestre 2005, il atteint 5,4 % au quatrième trimestre 2012. À l?inverse, en France, et plus encore dans la zone euro, le taux de chômage est plus élevé fin 2012 qu?il ne l?était en 2005 », détaille l?Insee. Cette stratégie est symbolisée par le dynamisme de la machine à exporter allemande qui lui permet en grande partie de respecter ses engagements communautaires dans le domaine des finances publiques. En 2012, l?Allemagne a affiché un excédent commercial de 188,1 milliards euros quand la France déplorait un déficit de 67 milliards.

Des achats massifs de biens made in France ?

Qu?espère le ministre du Redressement productif en plaidant ainsi un relèvement des salaires plus fort que celui actuellement en cours dans un certain nombre de branches. Que les consommateurs allemands achètent des produits made in France ? Pourquoi pas. Mais l?effet ne devrait être que marginal. « Début 2013, les exportations se redresseraient, progressant de 0,6 % au premier trimestre puis de 0,7 % au second. Elles seraient soutenues par la croissance du commerce mondial, qui retrouverait au cours du premier semestre 2013 un rythme proche de sa moyenne des années 2000-2007. La demande adressée à la France resterait cependant moins dynamique que le commerce mondial. En effet, la demande en provenance d?Espagne et d?Italie continuerait de baisser au premier semestre 2013 et c?est principalement le rebond des importations allemandes et américaines qui contribuerait au redressement de la demande adressée à la France », explique l?Insee dans sa dernière note de conjoncture.

Un sujet qui monte outre-Rhin

Cet appel à la solidarité franco-allemande a-t-il des chances d?être entendu alors que la modération salariale est l?un des facteurs expliquant la différence de compétitivité entre la France et l?Allemagne ? Une chose est à peu près sure, c?est un sujet qui monte et il devrait alimenter de plus en plus le débat public jusqu?aux prochaines élections législatives le 22 septembre prochain. Bien décidé à empêcher Angela Merkel de faire un troisième mandat, le SPD a fait de la hausse des salaires un de ses thèmes forts de campagne. Les syndicats sont également à l'offensive, en particulier l'IG Metall qui négocie actuellement avec la fédération des employeurs de la métallurgie un nouvel accord pour quelque 3,5 millions de salariés.

Cette branche est notamment composée du secteur automobile, de la mécanique, des semi-conducteurs ou encore de l'électroménager. Estimant que les salariés devaient enfin toucher les fruits de la croissance, IG Metall souhaite une hausse de 5,5% des salaires. "Cette fois-ci nous négocions purement sur les salaires. Nous voulons maintenir l'emploi dans le secteur par le biais de la stimulation de la demande. Si nous augmentons le pouvoir d'achat en Allemagne, 20% de cette augmentation se traduira en demande pour des produits finaux et intermédiaires des industries de la métallurgie et l'électronique", a déclaré mardi Jörg Hofmann, l'un des responsables du syndicat au quotidien Frankfurter Allgemeine Zeitung, menaçant de durcir les négociations par des mouvements de grève. Alors que l'accord en vigueur expire le 30 avril, Jörg Hofmann espère qu?un nouvel accord sera signé d'ici la Pentecôte, le 20 mai.

Au regard de l?influence de ce secteur qui emploie 3,7 millions de personnes, un accord signé dans la métallurgie pourrait bien entraîner d?autres accords de ce type. Déjà, en mars, les employés des services publics des Länder ont décroché une revalorisation de 5,6 % sur deux ans les et les 75.000 salariés de la sidérurgie ont obtenu une augmentation de 3 % sur quinze mois.

Une stratégie allemande montrée du  doigt

Les exhortations d?Arnaud Montebourg sont-elles légitimes? Un certain nombre l?économistes sont sur la même longueur d?ondes, notamment à l?Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) qui regrette depuis longtemps la politique de désinflation compétitive menée par l?Allemagne via la modération salariale par l?Allemagne. Dans une étude, intitulée "Compétitivité des pays de la zone euro", l?OFCE estime que cette stratégie est une "stratégie dommageable" qui devait se solder par une "victoire à la Pyrrhus".

Pour l'OFCE, "la compétitivité ne doit pas être une finalité, elle n'est qu'un moyen parmi d'autres d'atteindre une croissance plus élevée. La recherche de la compétitivité à tout prix peut être contreproductive si elle s'appuie sur la contraction des salaires plutôt que sur les gains de productivité". Et d'évoquer "des gains en termes de parts de marché" qui se font "au détriment des partenaires commerciaux les plus proches, ce qui ne peut assurément pas servir de modèle de croissance dans un espace économique intégré tel que la zone euro". L?OFCE avance aussi l?impact négatif su la demande intérieure, en particulier "sur la consommation des ménages privant ainsi la croissance d'un moteur essentiel, surtout quand ce type de stratégie est poursuivi par un grand pays". "Plutôt qu'à travers une course à la baisse des coûts, c'est à la mise en ?uvre d'une politique d'innovation active et coordonnée que les pays de la zone euro doivent s'atteler pour réaliser une insertion efficace dans le commerce international, élément clé de la croissance », explique l'OFCE.


 

Commentaires 4
à écrit le 17/04/2013 à 16:12
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Heureusement que notre bouffon est là pour nous faire rire avec ses vues extra européennes.

à écrit le 16/04/2013 à 20:05
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La solution à été donné par Louis gallois! Baisser les taxes des entreprises! Et pas un crédit d'impôts compliquer! Crier vive les riches entrepreneurs!

à écrit le 16/04/2013 à 20:02
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Ce monsieur-là il ne fait que repeter comme un perroquet des petites "sagesses" comme cela pour detourner l'attention de l'electeur de son propre manque d'idées pertinentes pour redresser la situation de la France de sa propre force. Tous ceux qui so...

le 04/06/2013 à 8:36
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+1000 bonne analyse. T

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