"La baisse de la TVA n'était pas un simple cadeau de Noël"

Alistair Darling, ministre de l'Economie britannique, a donné une interview à cinq quotidiens européens, dont La Tribune. Il alerte contre les risques de protectionnisme dans le monde, répond à Nicolas Sarkozy sur la baisse de la TVA, et refuse de placer des limites chiffrées sur les bonus.

La Tribune : Nicolas Sarkozy estime que la baisse de la TVA ne fonctionne pas. Pensez-vous que votre décision de réduire la TVA de 17,5 à 15% était une erreur ?
Alistair Darling : Absolument pas. La baisse de la TVA n?était pas un simple cadeau de Noël. Cela va durer pendant treize mois. Et même Ken Clarke, qui est un opposant politique (ancien ministre britannique de l?Economie, Ndlr), estime qu?il serait idiot de dire que la baisse de la TVA n?aura pas d?effet. La raison pour laquelle j?ai choisi cette action est que cela permettait d?injecter immédiatement 12 milliards de livres (13 milliards d?euros) dans l?économie britannique, alors qu?une baisse des impôts sur le revenus par exemple ne peut pas être effective avant plusieurs mois.

Vous appelez à plus de coopération économique internationale. Mais chacun semble travailler dans son coin. La France, qui vient de lancer un plan de soutien automobile, est accusé de protectionnisme par le reste de l?Europe.

Nous aussi, nous soutenons notre industrie automobile. La France le fait, mais de manière différente. Ce n?est pas un problème. Nous n?avons pas besoin de tous faire la même chose : ce qui est important est que nous agissions tous, et que nous le fassions en même temps. Sinon, on risque une amélioration de l?économie seulement dans une partie du monde, mais pas ailleurs, et cela se traduirait par une récession beaucoup plus longue que ce qui serait normalement le cas.

Les banquiers sont accusés d?être à l?origine de la crise. Londres étant une énorme place financière, estimez vous avoir une responsabilité dans l?absence de régulation ?

Tout le monde a des leçons à tirer de la crise, les banques centrales et les gouvernements y compris. Mais la première ligne de défense contre la prise de risques doit se situer au niveau des conseils d?administration des banques. Il est évident que beaucoup de banquiers ne posaient pas les bonnes questions et ne comprenaient pas les risques. Il y a donc des leçons de gouvernance et de régulation à tirer et c?est aux gouvernements de le faire.

Pourquoi refusez-vous d?imposer une limite chiffrée aux bonus des banquiers qui ont été aidés par l?Etat, comme le propose Barack Obama ?

Nous parlons à RBS (détenue à 70% par l?Etat britannique, Ndlr) de son régime de bonus. Mais RBS et les autres banques ont des obligations contractuelles vis-à-vis de leurs employés. Ceci étant dit, il y a un principe simple selon lequel il ne devrait pas y avoir de bonus liés à des pertes. Je ne suis pas contre les gens qui sont recompensés pour bonne conduite. Mais il est clair que cela pose problème lorsque l?on voit dans certaines banques, que les bonus sont considérés comme une partie du salaire.

Que pensez-vous de l?idée d?un régulateur financier paneuropéen ?

Les régulateurs, et il y en a une quinzaine en Europe, doivent travailler plus ensemble. Nous nous sommes mis d?accord pour mettre en place des collèges de régulateurs. Mais la création d?un seul régulateur paneuropéen risque d?être en décalage avec ce qu?il se passe dans le reste du monde. L?Europe est importante, mais Londres demeure un marché international.

Ce week-end se déroule à Rome le G7 des ministres des Finances. Le 2 avril, la Grande-Bretagne recevra le G20. Peut-on espérer voir la mise en place d?un nouveau système financier international ?

Le 2 avril ne sera pas un point final, mais un processus. Nous sommes encore loin d?être sortis de la crise, mais nous espérons ce jour-là obtenir des déclarations de principe des gouvernements, en ce qui concerne la régulation, le commerce, la fiscalité. Il y a quatre très importants thèmes à venir pendant le G7 :
- comment travailler ensemble pour soutenir l?économie. Chaque pays peut choisir ce qu?il veut faire, nous n?avons pas besoin de tous faire la même chose, mais ce qui est important est que nous le faisons et que nous le faisions ensemble.
- la coopération pour restaurer le crédit est le deuxième point. Le rôle des institutions financières y est essentiel : le G7 doit faire face au fait que la plupart des ces institutions ont été créés il y a 60 ans pour un monde qui était très différent. Il faut étendre les membres du Forum de Stabilité, pour inclure la Chine, le Brésil, l?Inde. Ce sont des grandes économies, qui seront d?importants "joueurs" dans le futur. L?extension du Forum peut se faire d?ici quelques semaines. De plus, le FMI peut jouer un plus grand rôle.
- la supervision : clairement, le système actuel n?a pas marché. Il y a eu une énorme hausse du crédit depuis huit ou neuf ans et quand cela a fini, cela a eu des conséquences catastrophiques
- enfin, il est très important d?être très dur contre le protectionnisme. Dans les années 1930, cela a été désastreux. Cela serait désastreux aujourd?hui.

Mi-janvier, vous avez annoncé que vous alliez mettre en place un système de garanties pour les actifs toxiques des banques. Confirmez-vous ou pensez-vous que la création d?une mauvaise banque soit inévitable ?

Nous travaillons actuellement à un menu d?option, et nous n?excluons aucune solution. Tout doit être envisagé.

L?économie britannique est-elle trop dépendante de la City ?

La City est une partie majeure de l?économie et elle le redeviendra. Et je veux m?assurer que cela continue. Mais la pharmacie, l?automobile, l?industrie créative, ont bien fonctionné depuis dix ans. La plupart de notre capacité industrielle perdue s?est passée dans les années 1980 et aujourd?hui, notre secteur industriel ne se porte pas mal.

Est-ce que la City n?est pas responsable de la crise, avec son approche "light touch" de la régulation ?

Le problème a affecté tous les pays au monde. Même ceux qui affirment avoir une forte régulation ont été touchés. Le problème est les régulateurs se concentraient uniquement sur ce qu?il se passait chez eux, mais ne regardaient pas au dessus de la barrière.

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