Quand Dublin se relance à la conquête du monde...

À genoux en 2008, l'économie irlandaise sort difficilement la tête de l'eau grâce à la stratégie mise en place par Dublin, résolument tournée vers le commerce extérieur. La faiblesse relative du coût du travail n'explique pas à elle seule les 43 milliards d'excédent commercial dégagés par ce pays en 2012. Les méthodes de son agence chargée du soutien à l'export des entreprises devraient inspirer plus d'un comité régional de développement français...
« Les étudiants étrangers sont nos futurs ambassadeurs commerciaux. Les portes de nos universités leur sont grandes ouvertes », affirme Franck Ryan, le DG de l'agence irlandaise de soutien à l'export. Une leçon à méditer en France... Ci-dessus, le célèbre Trinity College de Dublin, fondé en 1592. / Wikipédia

Il n'y a rien de plus dangereux qu'un animal blessé ! Quand on connaît le traditionnel fighting spirit anglo-saxon, il est préférable de se méfier du tigre celtique. Terrassé par la crise financière en 2008 qui a conduit le pays à réclamer une aide internationale de 85 milliards d'euros fin 2010, Dublin se relève. Certes, la partie n'est pas gagnée. Le taux d'endettement irlandais atteint encore 120 % du PIB. À 13,7 % de la population active au premier trimestre, le taux de chômage est l'un des plus élevés d'Europe. Mais son recul est enclenché grâce au retour progressif de la croissance, le PIB devant augmenter d'environ 1 % cette année malgré un premier semestre délicat.

Par quel miracle ? « Nous avons tiré des enseignements de nos erreurs. Notre économie ne repose plus sur la seule vitalité du secteur bancaire et de l'immobilier. Nos efforts se concentrent aujourd'hui sur le développement de secteurs créateurs d'emplois, innovants et résolument tournés vers l'international pour faire du commerce extérieur le principal moteur de notre économie. Nos entreprises ont compris qu'elles ne pouvaient pas compter sur le seul marché irlandais et ses 4,5 millions d'habitants pour survivre.

Exporter devient un réflexe », explique Frank Ryan, le directeur général d'Enterprise Ireland, l'unique agence gouvernementale de soutien à l'export chargée de détecter et d'accompagner les entreprises potentiellement exportatrices. Avec une enveloppe annuelle de 350 millions d'euros, l'un des rares budgets publics à avoir été épargnés par la rigueur, l'agence soutient 3 500 des 5 000 entreprises exportatrices du pays.

Faire fructifier l'héritage économique

Alors que le gouvernement français essaie de créer les synergies entre les nombreux acteurs publics de soutien à l'export dans l'Hexagone, voire à pacifier leurs relations, les entreprises locales irlandaises n'ont pas l'embarras du choix lorsqu'il s'agit de demander une aide publique. « parce que nos circuits de fonctionnement sont très courts, nous décidons et agissons très vite », admet Frank Ryan.

Une fois passée la porte de l'agence, le plus dur commence pour l'entreprise. Il faut convaincre ! Ce n'est pas parce que le coût du travail dans l'industrie a chuté de 27 % depuis 2008, marqué par les gains de productivité et les baisses de salaires, que le succès est garanti. « On ne perd plus de temps et d'argent à accompagner systématiquement les entreprises sur les salons du monde entier. Ce n'est pas l'unique voie de réussite. En revanche, si nous jugeons que l'entreprise a le potentiel, nos 28 agences implantées dans le monde se mettent en ordre de marche pour trouver des débouchés à ses produits et services », explique Sinead Lonergan, responsable du bureau français d'Enterprise Ireland.

Et si le projet est recalé ? « Il vaut mieux que l'entreprise peaufine son projet plutôt que de se casser les dents. Nous accompagnons l'équipe dirigeante pour mieux envisager son projet, par exemple en cofinançant des besoins de formation », explique Frank Ryan. Ainsi, de nombreux dirigeants partent pour Stanford ou Cambridge pour s'aguerrir grâce à Enterprise Ireland, qui peut également accorder des bourses ou entrer minoritairement dans le capital d'une entreprise pour lui donner les moyens financiers de ses ambitions.

L'Irlande compte également sur l'étranger pour réussir son pari. Avec un taux d'imposition à 12,5 % du bénéfice, c'est d'ailleurs assez facile...« Les investissements directs étrangers doivent enrichir la base industrielle du pays, en particulier dans les secteurs à haute valeur ajoutée comme le high-tech et la chimie, pour ensuite stimuler l'export », explique Frank Ryan. L'Irlande sacrifie-t-elle son héritage économique ? Même pas. L'agriculture s'est modernisée, permettant à l'industrie agroalimentaire d'être exportatrice nette.

Les étudiants étrangers sont chouchoutés

Pour étendre ses ramifications internationales, l'Irlande peut compter sur sa diaspora « historique » installée aux États-Unis depuis l'exode des années 1850. Aujourd'hui, 20 % des exportations irlandaises traversent chaque année l'Atlantique, faisant du pays de l'Oncle Sam le premier client de l'Irlande. De grands espoirs sont fondés sur une nouvelle diaspora.

« Plus de 32 000 étudiants étrangers suivent actuellement un cursus en Irlande. Ce sont nos futurs ambassadeurs commerciaux. Les portes de nos universités leur sont grandes ouvertes », insiste Frank Ryan. Un enthousiasme qui contraste avec la position française en la matière. Espérant effacer les dégâts causés par la circulaire Guéant qui bridait l'embauche des étudiants étrangers, l'actuel gouvernement souhaite améliorer leurs conditions d'accueil, mais le chemin est encore long. Un récent rapport de la Cour des comptes estime que l'accueil qui leur est réservé est toujours désastreux.

Rationaliser les processus de production

Côté irlandais, malgré tous les efforts, le soutien à l'export ne peut réussir si la compétitivité des entreprises n'est pas constamment relevée. C'est la raison pour laquelle le gouvernement, via Enterprise Ireland, invite sans relâche les entreprises à se remettre en question pour progresser. Lors de la conférence « Driving Competitiveness » organisée fin mai à Dublin, une quarantaine d'entreprises irlandaises et étrangères - essentiellement japonaises, allemandes et américaines - sont venues présenter la technique dite de lean production.

S'agit-il de faire du low cost ? Bien au contraire ! « Supprimer tous les gestes inutiles qui ne créent pas ou qui détruisent de la valeur ajoutée est une philosophie qui tire les entreprises et leurs salariés vers le haut. Chaque entreprise qui frappe à la porte d'Enterprise Ireland est systématiquement incitée à suivre cette méthode », détaille Richard Keegan, l'organisateur de la conférence. Une méthode qui ne peut marcher que si tout le monde est partie prenante, « de la base au sommet avec la participation active des représentants du personnel et des syndicats de salariés », insiste Robinson Galvao chez Tetra Pak, l'un des intervenants de cette conférence.

Résultat ? L'excédent commercial irlandais augmente depuis cinq ans pour atteindre 43 milliards d'euros en 2012, tiré principalement par les exportations d'ordi nateurs, de prod u it s chimiques et pharmaceutiques mais aussi de bétail. À titre de comparaison, la France a enregistré un déficit de 74 milliards.

Commentaires 3
à écrit le 17/07/2013 à 15:31
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C'est du pipo tout ça, dublin n'a aucune richesse à part des cochons et des pommes de terre.

à écrit le 11/07/2013 à 11:51
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Baissons nos salaire de 20% en France, on va devenir compétitif et on va qu'exporter vu qu'on aura pas l'argent pour consommer nos propre produits. Ainsi nous aurons un excédent commercial, mais est ce que c'est ça le but? Rendre nos patrons et leurs...

à écrit le 08/07/2013 à 19:34
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C'est facile d'avoir un commerce extérieur nettement positif quand on est spécialiste du dumping fiscal... Par contre ça ne semble pas générer tant d'emploi que ça de poser des boîtes au lettre

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