Les grands enjeux de 2014 (4/4) le choix du Japon, s'ouvrir ou souffrir

Quels seront les grands défis de 2014 pour l'économie mondiale? A découvrir dans ce quatrième volet, le défi de l'ouverture pour le Japon… faute de quoi l'Abenomics risque d'échouer en l'absence d'une reprise de la consommation.
L'ère Meiji a symbolisé l'ouverture du Japon au monde et l'essor de l'économie japonaise. C'est d'un nouveau mouvement d'ouverture aux investisseurs étrangers et à l'immigration qu'a besoin le Japon, faute de quoi les Abenomics risquent d'échouer. (Photo : Wikimedia Commons)

L'ère Meiji, qui couvre la fin du dix-neuvième et le début du vingtième siècles, symbolise l'ouverture du Japon sur le monde et les prémices d'une prospérité qui en fait aujourd'hui la troisième économie mondiale. Un enseignement dont le pays, empêtré dans la stagflation depuis quinze ans, ferait bien de se souvenir s'il ne veut pas perdre son statut de créancier du monde qui lui permet de rendre soutenable une dette publique colossale.

Abenomics profite aux investisseurs et aux entreprises internationales...

C'est pour lutter contre la stagflation que le premier ministre japonais s'est lancé dans un programme de relance sans précédent appelé Abenomics qui comporte trois "flèches". L'une repose sur une politique monétaire ultra expansionniste de la banque centrale du Japon (BoJ), l'autre sur une hausse des dépenses publiques et la dernière sur des réformes structurelles dont on peine encore à voir la couleur. Son objectif : développer la demande intérieure en tuant le réflexe d'épargne pour raviver la croissance. Une Arlésienne pour l'archipel.

Le bilan d'étape de cet énième plan de relance est mitigé. La croissance a montré quelques signes de vigueur avant de perdre en rythme au troisième trimestre. Ce sont surtout les entreprises japonaises présentes à l'international et les investisseurs qui ont profité de la générosité de la BoJ. L'indice Nikkei a en effet connu sa meilleure performance depuis 40 ans en 2013 avec une progression de 57%.

... mais les consommateurs en sont exclus

Les consommateurs japonais, principale cible dans le discours, restent quant à eux les grands oubliés. Car les prix ont bel et bien augmenté sous l'effet du yen faible qui rend les produits importés plus chers. Mais pas leurs salaires, qui stagnent voire baissent encore. Et les récents soubresauts de la consommation ne sont que l'effet d'une anticipation de la hausse de la TVA, qui va passer de 5 à 8% cette année.

Cette hausse, très controversée, avait été critiquée par Shinzo Abe pour qui elle allait encore peser un peu plus sur la faible demande. Un retour de bâton auquel s'attendent la plupart des analystes. Mais le premier ministre a finalement plié devant l'impérieuse nécessité de faire rentrer de l'argent dans les caisses pour financer le système de retraite japonais et son onéreuse politique de relance par les travaux publics.

La bombe des dépenses sociales...

La hausse des dépenses sociales, et plus particulièrement la question du financement des retraites, est l'autre grand point d'interrogation qui plane sur le pays dont la population ne cesse de vieillir et de décroitre. En 2013, il a encore perdu 244.000 habitants. Un record.

Dans ces conditions, deux choix sont possibles, sinon affaiblir un système de retraites qui nourrit un quart de la population : poursuivre une hausse des impôts qui risque de peser un peu plus encore sur les revenus des personnes qui travaillent, et donc sur la consommation, ou faire porter le poids du financement à un plus grand nombre. Réduisant d'autant l'impact des dépenses à venir sur la population.

... pourrait être évitée en ouvrant les frontières

C'est au nom de cette deuxième solution que de nombreux économistes et observateurs réclament une quatrième "flèche" à Shinzo Abe : l'ouverture du Japon à l'immigration. Le but étant de faire augmenter la force de travail... et le nombre des salaires imposables. De quoi aussi relancer la croissance en augmentant le nombre de consommateurs. Une rengaine plus que jamais d'actualité. En situation de plein emploi, le Japon peut se permettre une telle politique. Mais les Japonais, peu ouverts aux populations immigrées s'y opposent.

Des tentatives, notamment dans les années 1980, avaient déjà été mises en place, sans grand succès. Et le doublement de la population étrangère à 2,2 millions de personnes au cours de ces vingt dernières années a entraîné des crispations dans l'archipel, alors qu'elle ne  représente... que moins de 2% de la population totale. Par comparaison, les immigrés représentent environ 11% de la population en France, qui ne se classe qu'au 54ème rang mondial.

Accepter de s'ouvrir a déjà profité au Japon

C'est pourtant de son manque d'ouverture que le Japon souffre le plus, et la politique d'expansion monétaire et d'augmentation de la demande intérieure par la dépense publique ne sauveront pas l'archipel sans réformes du pays en profondeur.

En ce sens, 2014 est une année décisive pour savoir si le Japon finira par sortir de son marasme économique, ou s'il continuera à se tirer une balle dans le pied.

Pour mémoire, la modernisation du Japon sous Meiji avait rencontré de très fortes réticences et provoqué l'instabilité. C'est pourtant de cette période d'ouverture que le pays a hérité la création du yen, la construction des chemins de fer et son système éducatif.

Épisode 1/4 : La zone euro à l'heure du crash test

Épisode 2/4 : La Chine malade de son système bancaire

Épisode 3/4 : Sortie de crise ou début d'une autre pour les États-Unis ?

Commentaires 3
à écrit le 11/05/2014 à 11:13
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Il travaillent beaucoup trop et sont sous pression permanentes et n'ont que 15 jours de vacances par an, leurs vie privée en prend un sacré coup. En sortant d'une journée interminable il vont se détendre au karaoké, boire... au lieu de rentré chez eu...

à écrit le 04/01/2014 à 14:20
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très bel article qui resume bien , le protectionnisme nippon , les compagnies étrangères ont beaucoup de mal a se faire des clients , le marché japonais est déprimé et c'est pas fini , il est vrai que l'ouverture serait un mieux que le secteur du lux...

à écrit le 04/01/2014 à 8:08
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Il manque une 5ème flèche concernant le role de l'énergie qui doit être associée au travail pour financer les charges sociales.

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