L'accord de Bruxelles a donné un répit à l'euro, mais la menace demeure

L'euro a gagné un répit avec l'accord de Bruxelles, un compromis qui a le mérite de satisfaire un peu tout le monde mais comporte de nombreuses incertitudes que les ministres des Finances des 17 vont devoir très vite clarifier. Tous les regards seront aussi une nouvelle fois tournés jeudi vers la Banque centrale européenne (BCE) et les mesures qu'elle pourrait annoncer pour contribuer à résoudre la crise en zone euro, après l'accord européen qui a apporté l'accalmie sur les marchés. L'institution monétaire de Francfort (ouest) réunit son conseil des gouverneurs pour, comme chaque mois, décider de son principal taux directeur.
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Se félicitant d'un "accord équilibré", le président de l'UE, Herman Van Rompuy, avait jugé dès vendredi qu'on ne pouvait "pas le résumer en vainqueurs et perdants". Chacun, de fait, a dû faire des concessions.

Le président français François Hollande, en échange des 120 milliards d'euros destinés à relancer la croissance, a renoncé à renégocier le "pacte budgétaire" et promis de le faire ratifier "rapidement".

Le chef du gouvernement italien Mario Monti, s'il a arraché que les fonds de secours européens puissent racheter de la dette de pays en difficulté, a dû accepter que cela se fasse en contrepartie de calendriers stricts de réforme.

Quant à son homologue espagnol Mariano Rajoy, qui a obtenu que les fonds européens puissent recapitaliser directement des banques sans alourdir les dettes nationales, il devra attendre la création d'ici à fin 2012 d'un mécanisme de supervision financière impliquant la BCE.

Tout en levant son veto aux revendications de Rome et Madrid, la chancelière allemande Angela Merkel a imposé le renforcement des pouvoirs de supervision de la BCE, amorce d'une union bancaire.

Elle a aussi "enterré" les demandes de mutualisation de la dette "que la France, l'Italie et l'Espagne avaient bruyamment exposées auparavant: eurobonds, eurobills", relève Christian Schulz, analyste à la banque Berenberg.

 

Questions sensibles

 

Mais le plus délicat reste à venir. "Le travail technique sera crucial et on y retrouvera les clivages nationaux connus", pronostique une source européenne. Ce sera la tâche des ministres des finances de la zone euro, pour leur prochaine réunion le 9 juillet.

A partir de quels seuils les fonds européens seront-ils autorisés à intervenir sur le marché de la dette, combien d'argent pourront-ils mobiliser ? Quel sera le rôle de la BCE, de la Commission, voire du FMI pour établir et surveiller les contreparties des plans d'aide ?

Jonathan Loynes, économiste à Capital Economics, note que le fonds de sauvetage permanent, le MES, ne pourra "couvrir qu'une fraction de la dette qui pèse sur l'Italie ou l'Espagne".

En matière de supervision bancaire, il reste à clarifier les pouvoirs de la BCE et ses relations avec l'Autorité bancaire européenne et les dix autres pays de l'UE non membres de la zone euro, "une question très sensible notamment à Londres ou à Varsovie", relève un diplomate européen.

L'Eurogroupe aura enfin à examiner les demandes d'aide de l'Espagne, de Chypre, et de la Grèce qui a demandé un assouplissement des contreparties exigées par la troïka (BCE, UE, FMI) des bailleurs des fonds internationaux.

"Madrid aimerait que l'aide soit versée rapidement pour ses banques, mais la Commission devra d'abord évaluer si toutes les banques sont viables et méritent d'être aidées", relève une source européenne qui ne table pas sur un versement avant l'automne.

Pour Chypre, l'incertitude porte sur le montant de l'aide, qui doit encore être évaluée par la troïka.

Les marchés financiers ont bien réagi à l'accord de Bruxelles, et "un désastre imminent a été évité, mais il reste encore davantage à réaliser", juge Marco Valli, analyste à Unicredit.

Et les perspectives de long terme n'ont été qu'effleurées. Tout au plus le sommet s'est-il mis d'accord sur une méthode de travail, en demandant à Herman Van Rompuy d'affiner d'ici à la fin de l'année ses propositions "vers une véritable union économique et monétaire".

Le communiqué final du sommet a souligné qu'il existait "différents points de vue", et les Etats membres ont obtenu le droit d'être "étroitement associés aux réflexions".

En somme, "la discussion sur l'intégration budgétaire et la mutualisation de la dette n'a pas du tout commencé", conclut Gilles Moec, économiste en chef à Deutsche Bank.

 

Les yeux braqués sur la BCE

 

 

Tous les regards seront une nouvelle fois tournés jeudi vers la Banque centrale européenne (BCE) et les mesures qu'elle pourrait annoncer pour contribuer à résoudre la crise en zone euro, après l'accord européen conclu vendredi qui a apporté l'accalmie sur les marchés.

L'institution monétaire de Francfort (ouest) réunit son conseil des gouverneurs pour, comme chaque mois, décider de son principal taux directeur. De l'avis quasi-unanime des analystes, elle devrait annoncer la baisse de ce taux pour stimuler une économie atone, y compris en Allemagne gagnée par la morosité ambiante.

Ira-t-elle plus loin en annonçant par exemple de nouvelles mesures de liquidités en faveur des banques ou la reprise de ses achats d'obligations publiques que le marché secondaire? Rien n'est moins sûr. 

Pourtant, seule une action significative de la BCE, aux moyens financiers théoriquement illimités, pourrait mettre fin "au cercle vicieux de la peur", estime Holger Schmieding, de la banque Berenberg.

"Si l'accord (de Bruxelles) incite la BCE à intervenir avec un soutien sérieux aux marchés obligataires, cela pourrait être un succès éclatant. Si la BCE reste en retrait, la crise pourrait connaître une escalade dangereuse durant l'été", prévient l'économiste.

Selon lui, la BCE doit signifier qu'elle ne laissera plus les taux d'emprunt des pays de la zone euro flamber à des niveaux insoutenables, comme ceux que connaissent actuellement l'Espagne ou l'Italie, et s'engager à intervenir sans limite au-delà d'un écart de taux de 5,5% avec ceux de l'Allemagne, la référence en zone euro.

Sans un objectif clairement affiché, les rachats d'obligations qu'elle pourrait effectuer seront sans effet, comme par le passé, juge-t-il.

Pour son collègue Christian Schulz, le "seuil critique" au-delà duquel la BCE pourrait faire une telle annonce ne semble toutefois pas encore franchi.

Malgré l'aggravation de la crise, son programme en cours de rachat est à l'arrêt depuis quasiment mi-février, la BCE estimant que ce n'est pas à elle de résoudre les problèmes budgétaires des Etats.

Vendredi, elle a obtenu gain de cause: les fonds de secours FESF et MES pourront acheter directement des titres de dette de pays fragiles sur les marchés, a-t-il été acté. Une revendication de longue date.

Mais la capacité d'intervention de ces fonds ne peut pas dépasser 700 milliards d'euros, dont environ 200 sont déjà utilisés pour la Grèce, l'Irlande et le Portugal, rappellent les économistes.

 

Un nouveau LTRO à l'horizon?

 

Le président de la BCE Mario Draghi s'est aussi montré satisfait de la possibilité ouverte par les dirigeants européens de recapitaliser directement les banques en difficulté avec ces fonds.

Une poignée d'économistes sont d'avis que la BCE pourrait annoncer un nouveau prêt sur trois ans aux banques de la zone euro, après ceux de décembre ou février où elle avait prêté près de 1.000 milliards d'euros. Un flot d'argent qui n'a pas contribué à relancer le crédit, carburant de la croissance: les crédits au secteur privé ont reculé de 0,1% en mai, selon des chiffres publiés vendredi.

Cet argent est en outre allé alimenter de manière asymétrique les pays de la zone euro, trouvant refuge dans ceux qui se portent bien comme l'Allemagne, et ne conduisant que dans un premier temps à des achats d'obligations des pays en difficulté.

Seule quasi certitude, "la BCE va baisser son taux de 25 points de base", à 0,75%, estime à l'unisson de ses confrères Jennifer McKeown, de Capital Economics.

L'institution monétaire de Francfort s'est elle-même employée ces derniers jours à ouvrir la porte à ce nouveau relâchement de sa politique monétaire.

"Il n'existe pas de doctrine qui dise que le taux directeur ne peut tomber sous 1%", a ainsi déclaré son chef économique Peter Praet au Financial Times Deutschland.

Le taux directeur de la BCE est fixé à 1% depuis le mois de décembre 2011. Il s'agit de son plus bas niveau historique.

 

 

Commentaires 2
à écrit le 01/07/2012 à 13:26
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Bien compliqué, tout cela... Effets d'annonces à l'issue du sommet, tout le monde il est gentil, tout le monde il a bien travaillé, tout le monde il a passé une nuit blanche pour sauver le système, tout le monde il a fait des concessions.... Les marc...

à écrit le 01/07/2012 à 12:26
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Faudra en parler à l'homme à la Rolex ... M. Moscovici ... cf la Capital de ce mois ci ... mais Monsieur le cache ... il porte une autre montre de luxe (à 8000€ !!) pour ne pas que cela se voit !!!!!...

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