Voici une distinction dont le récipiendaire se serait sans doute bien passé. Le magazine américain de référence du monde de l'aéronautique, Aviation Week, a élu Angela Merkel « homme de l'année » 2012. Une décision étonnante puisque la chancelière allemande n'est guère connue pour sa passion des objets volants. Lorsqu'elle travaillait, dans les années 1980, à l'académie technique de la RDA, l'actuelle chancelière était plus versée dans les problèmes de chimie quantique et de l'infiniment grand que dans les sujets spatiaux ou aéronautiques. Or, jusqu'ici, c'était plutôt des industriels ou des politiques directement en lien avec le secteur qui avait été primés.

Mauvaises raisons

Mais voilà, Aviation Week considère qu'Angela Merkel a joué un rôle déterminant dans le secteur l'an dernier par son blocage de la fusion EADS-BAE. Non que la rédaction de l'hebdomadaire estime qu'il y a là de quoi se réjouir. Bien au contraire, Jens Flottau, journaliste, estime qu'elle a bloqué cette fusion « pour de mauvaises raisons ». Mais en agissant de la sorte, la chancelière, précise Aviation Week, « a refusé de modifier le paysage industriel » et a « montré à quel point l'industrie aérospatiale européenne était sous le contrôle des politiques. »

Reflet de la politique de Berlin

Autrement dit, la consécration d'Angela Merkel par Aviation Week est aussi un désaveu. Du reste, il met en lumière la méthode européenne de la chancelière : faire passer les intérêts allemands d'abord, fussent-ils contraires à ceux de la majorité des pays européens. Toute la gestion de la crise européenne s'est faite sur ce mode. Toutes les concessions arrachées à Angela Merkel n'ont été que moindres maux pour l'Allemagne qui a sauvé l'essentiel et imposé ses choix, ceux de la désinflation compétitive interne à la zone euro. Cette récompense d'Aviation Week montre que le champ d'expression du pouvoir considérable qu'a acquis l'Allemange avec la crise européenne n'a (presque) plus de limites...