Polémique sur le report de l'équilibre budgétaire

La proposition formulée mardi par la Commission européenne de repousser de deux ans, à 2006, l'objectif de retour à l'équilibre budgétaire des pays de la zone euro suscite de sérieux remous. Si les "mauvais élèves" de la zone, comme la France, l'Italie ou le Portugal, se félicitent de cette initiative, d'autres, plus vertueux, comme l'Espagne ou les Pays-Bas, s'en indignent. Et certaines inquiétudes se manifestent quant à la réaction de la Banque Centrale Européenne, qui pourrait être tentée de resserrer sa politique monétaire.En prenant son initiative, destinée à intégrer dans le Pacte de stabilité de la zone euro la réalité des perspectives économiques actuelles, la Commission européenne a-t-elle pris le risque de déstabiliser l'euro ? Ce changement de cap est en effet loin de faire l'unanimité, à en juger par les réactions qui se multiplient depuis hier soir.Le soudain assouplissement de la position de Bruxelles, qui se voulait jusqu'ici gardien intransigeant des principes du Pacte de stabilité, a bien sûr était favorablement accueilli par les pays qui ne sont pas à même de respecter la date de 2004 pour un retour à l'équilibre budgétaire. Jean-Pierre Raffarin s'est félicité dès hier soir de cette initiative, qui tombe d'autant mieux pour la France que le gouvernement a annoncé ce matin un budget qui prévoit un déficit de 2,6% du PIB en 2003, ce qui exclue toute possibilité d'équilibre l'année suivante.De même, des pays comme le Portugal et l'Italie, qui sont loin de l'équilibre, se déclarent satisfaits de l'annonce de la Commission. Le ministre italien de l'Economie s'est ainsi déclaré "pleinement d'accord" avec la nouvelle "appréciation" de la Commission européenne sur le Pacte de stabilité. Il n'en va pas de même des pays "vertueux" qui ont parfois accompli beaucoup d'efforts pour assainir leurs finances publiques et ne voient pas pourquoi les pays "laxistes" devraient se voir récompensés par l'abandon de contraintes qui valaient pour tous. Ainsi l'Espagne, dont les finances publiques étaient à l'équilibre l'année dernière, n'apprécie pas le changement de cap. Selon le ministre espagnol de l'Economie, Rodrigo Rato, l'Espagne ne peut "en aucun cas" l'accepter, a-t-il déclaré mercredi matin à Madrid. Avant de prendre une telle décision, a-t-il précisé, "je crois que les pays qui se rendent compte qu'ils ne peuvent pas respecter leurs engagements doivent exposer quels sont leurs motifs et leurs projets pour changer la situation"... Même attitude aux Pays-Bas, où le gouvernement s'est déclaré "désagréablement surpris" par la suggestion de la Commission, selon un porte-parole du ministère néerlandais des Finances. C'est en effet toute la crédibilité du Pacte de stabilité, et donc de l'euro, qui est en cause. Initialement fixé à 2002, l'objectif d'équilibre budgétaire avait déjà été repoussé à 2004. Un deuxième report, à 2006, pourrait laisser penser que les engagements pris par les pays de la zone euro ne pèsent décidément pas lourd.Consciente du risque, la Commission a réaffirmé ce matin que le pacte de stabilité demeure la "pierre angulaire de la bonne santé économique de l'Union européenne". En outre, fait-elle valoir, l'évolution proposée s'accompagne d'un "renforcement" du pacte, les pays fautifs devant s'engager à consentir un gros effort en matière de déficits structurels. Reste que ce changement des règles du jeu, qui sera étudié pour la première fois par les ministre de l'Economie et des Finances de la zone euro début octobre à Luxembourg, risque surtout de braquer la Banque centrale européenne. Très attachée aux principes d'équilibre des finances publiques, la BCE pourrait être tentée de "compenser" un regain de laxisme de la part des Etats membres par un relèvement - ou une non-diminution - de ses taux d'intérêt. Le tout au nom de la lutte contre l'inflation et donc de la défense de l'euro. Mardi déjà, avant l'annonce par Bruxelles de ses nouvelles propositions, le vice-président de la BCE, Lucas Papadimos, avait lancé une claire mise en garde: "si la stabilité de la politique budgétaire est négligée à moyen ou long terme, cela peut obliger à compenser par la politique monétaire".
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