Henry Blodget, un bouc émissaire bien commode

Henry Blodget était "le petit Prince de l'Internet", voire "le Roi Henry" du temps de la nouvelle économie triomphante et du Nasdaq à 5.000 points. Le voilà voué aux gémonies. La vérité est que l'idolâtrie d'hier n'était probablement pas plus justifiée que ne l'est l'indignité d'aujourd'hui.Henry Blodget est devenu une célébrité du jour au lendemain. En novembre 1998, il n'était encore qu'un obscur analyste chez CIBC Oppenheimer quand il publia une note prévoyant que l'action Amazon, alors cotée 240 dollars, atteindrait un cours de 400 dollars en un an."A l'époque, même si c'est difficile à croire, ils étaient presque profitables. Ils n'avaient aucun entrepôt, et leur croissance était spectaculaire. Je pensais que leur bénéfice atteindrait 700 millions de dollars, ce qui correspondait à un cours de l'action de 400 dollars sur la base d'un multiple de 40. C'est une estimation qui n'a rien de conservatrice, tout en demeurant dans des limites raisonnables," expliquera-t-il plus tard.L'objectif des 400 dollars fut atteint... en quinze jours. Il ne faudrait que quelques semaines de plus pour que Henry Blodget soit débauché à prix d'or par la première maison de titres des Etats-Unis, Merrill Lynch, et n'y dispute régulièrement le titre d'analyste Internet le plus influent des Etats-Unis à la "Reine Mary", Mary Meeker de Morgan Stanley.Dans le contentieux qui opposait la justice de l'Etat de New York à Merrill Lynch, et qui vient de faire l'objet d'un accord à l'amiable, les travers du géant de Wall Street ont été symbolisés par un courrier électronique dans lequel Henry Blodget qualifie de "détritus" ("piece of junk") l'action InfoSpace, dont il recommande au même moment l'achat aux clients de la firme.Un tel double langage est assurément inexcusable. Mais c'est oublier un peu vite que Henry Blodget n'a pas inventé la pratique selon laquelle les analystes ont été largement employés pour "servir la soupe" aux banquiers d'affaires soucieux de décrocher de juteuses commissions. Mieux, il a à de nombreuses reprises tenté de tempérer l'ardeur d'autres analystes, comme en témoignent d'autres courriers électroniques publiés par l' "attorney general" de New York.Dès janvier 1999, Henry Blodget s'inquiétait de l'existence d'une "bulle" Internet. Il a toujours souligné que les valeurs de ce secteur étaient réservées aux amateurs de sensations fortes, lesquels ne devaient en tout état de cause jamais y placer plus de 5% de leur portefeuille. Il n'a jamais hésité à prédire que la plus grande majorité ne survivrait pas.Multimillionnaire, Henry Blodget a quitté Merrill Lynch l'an dernier pour écrire un livre - qui n'est pas encore sorti - et garde un profil aussi bas que possible tandis que son nom continue de s'étaler à la "une" de journaux. Il n'en a sans doute pas fini avec la justice, et la quête d'un fort commode bouc émissaire.
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