Craintes autour de l'économie allemande

Alors que la campagne électorale allemande tend de plus en plus à se personnaliser, la première économie européenne reste bel et bien "l'homme malade" du Vieux continent, avec une demande intérieure absolument atone. Certes, l'importance des exportations peut donner l'illusion d'une reprise, mais l'Allemagne ne peut ne contenter de cet unique moteur. L'institut hambourgeois HWWA l'a prévenu hier, la croissance "manque d'élan" et ne devrait pas dépasser 0,7% cette année. Signaux contrastés. Les acteurs économiques semblent de plus en plus ressentir la "mollesse" de la croissance allemande. Certes, l'indice de l'institut ZEW de Mannheim mesurant le sentiment économique outre-Rhin n'est en recul que de 0,5 point sur un mois, à 69,1 en juillet. Un chiffre qui montre une bonne résistance de l'optimisme dans les milieux économiques, malgré la baisse des marchés auquel cet indice est généralement très sensible. Ainsi, le sous-indice mesurant le sentiment sur la situation actuelle est en hausse de 4,1 points en juillet. Pourtant, le tableau reste contrasté, car le recul de l'indice ZEW présage d'un repli de l'autre indice phare de l'économie allemande, l'IFO, qui sera publié à la fin du mois. Par ailleurs, on peut se demander si l'optimisme des analystes et des dirigeants, qui sont interrogés par l'institut, est encore réellement fondé.Ainsi, un autre institut, de Berlin celui-ci, nommé le DIW, a également revu sa prévision de croissance à la baisse pour 2002. Après avoir avancé une hausse du PIB de 0,9% au printemps, le DIW ne table plus que sur 0,6%, soit 0,15 point de moins que la prévision gouvernementale. Plus grave encore, l'institut considère que la reprise allemande en cours n'est qu'un feu de paille. "L'année prochaine, la reprise sera déjà terminée", indiquent les experts berlinois. Selon eux, la hausse de l'euro stoppera la dynamique externe, tandis que le respect du Pacte de stabilité européen par le gouvernement allemand aura un "effet restrictif considérable" sur la croissance, souligne le DIW. L'institut ne vise donc qu'une croissance de 2% pour 2003. Un chiffre qu'il avance avec "scepticisme". Pour ne rien arranger, le FMI a également revu ses prévisions pour l'Allemagne à la baisse. Désormais, le Fonds ne prévoit plus que 0,8% de croissance en 2002 et 2,3% en 2003 contre 0,9% et 2,7% précédemment.La production industrielle en berne. Plusieurs éléments sont venus ajouter aujourd'hui de l'eau au moulin du pessimisme allemand. Une des principales déceptions est ainsi le recul de la production industrielle de mai. Depuis le début de l'année, la production industrielle allemande soutenait la conjoncture outre-Rhin grâce à l'accroissement de la demande externe. En mai, les grèves organisées par IG-Metall pour obtenir des augmentations de salaires et les "ponts" ont, selon le Ministère des Finances "très affecté" la production. Celle-ci a reculé de 1,3% sur un mois et de 0,9% sur deux mois. L'importance de l'écart avec les attentes du consensus Reuters (+0,5%) ne peut cependant pas s'expliquer que par ces raisons inhabituelles. D'autant que sur un an, le recul est considérable, à 3,2%, et que le secteur le plus touché par la baisse est celui de la construction (-4,7% sur un mois), qui n'était pas concerné par la grève.La production industrielle est en effet également touchée par l'absence totale de reprise de l'investissement. Ainsi, la production de biens d'équipement a baissé de 2,8% en mai, effaçant entièrement la timide reprise d'avril (+1,3%). Quant aux biens de consommation, la légère progression de leur production (+0,2%) est trop timide et trop isolée pour qu'on puisse parler d'une reprise. Sur deux mois, la production de biens de consommation a ainsi reculé de 1,3%. Chômage en hausse. Car la clé de la reprise allemande réside bien dans la relance d'une consommation atone depuis plus d'un an. Or, l'emploi joue un rôle essentiel dans cette reprise. Et comme le notait hier le président de HWWA, "le marché du travail n'est absolument pas influencé par la reprise". Une opinion confortée par les chiffres du chômage publiés ce matin. En données corrigées des variations saisonnières (CVS), le nombre de demandeurs d'emploi a progressé de 39.000 personnes sur un mois. Un chiffre conformes aux attentes des analystes, qui porte le nombre de chômeurs CVS en Allemagne à 4,09 millions. En données brutes, qui sont les plus utilisées politiquement et les plus observées par les consommateurs, la hausse en juin est de 7.937 en un mois à 3,954 millions, soit 260.000 personnes de plus qu'en juin 2001. Cette hausse intervient après un bon mois de mai pour les données brutes, qui avait vu le nombre de chômeurs passer sous les 4 millions. Le taux de chômage au sens du BIT reste stable sur un mois à 9,5% de la population active en données brutes. Il est néanmoins plus élevé de 0,3 point que l'an dernier à la même époque et progresse en données CVS de 0,1 point à 9,8%. En bref, rien de réjouissant pour les consommateurs allemands qui vont continuer à craindre pour leurs emplois. Certes, le directeur de l'agence fédérale pour l'emploi Florian Gerster promet une "reprise de l'emploi au quatrième trimestre 2002", mais l'échéance est encore lointaine et incertaine. Or, comme le moteur des exportations semble insuffisant pour inciter les entreprises à l'embauche, on voit mal comment l'économie allemande pourrait entrer franchement dans une phase de croissance. Un enjeu politique ? Les adversaires du chancelier Schröder se sont d'ailleurs emparés de l'aubaine. Le chef du groupe CSU au Landtag de Bavière, Michael Glos, parle ainsi "d'une catastrophe" et estime "qu'aucune amélioration n'est encore en vue". Selon lui, "il est impossible de continuer ainsi" sur le plan de l'emploi. De son côté, le Chancelier s'est défendu mollement lors d'un déplacement à Ludwigshafen. Selon lui, "le ralentissement économique mondial" est en grande partie responsable de la hausse du chômage. "Nous espérons que la reprise débutera dans les prochains mois et nous y travaillons", a-t-il ajouté. Car Gerhard Schröder jour désormais sur un autre plan : le rejet que peut inspirer son adversaire conservateur et bavarois Edmund Stoiber. Beaucoup plus populaire que ce dernier, le Chancelier n'entend plus amener le débat sur les problèmes économiques. Il ne fait plus de promesses sur le futur nombre de chômeurs, mais personnalise au contraire à l'extrême le débat autour du thème "c'est lui ou moi".
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