Le capital-risque assume son retour à la normale

"Il faut lutter contre la sinistrose", résument plusieurs dirigeants de fonds d'investissement. Un mot d'ordre plus facile à proclamer qu'à appliquer. La méthode passe peut-être par la remise en perspective. Ainsi, l'indicateur Chausson Finance, publié le mois dernier, reflète une baisse des 15% des montants investis au premier semestre, à 306 millions d'euros. Mais ce recul est à comparer avec ceux du Nouveau marché (-33% sur les six premiers mois de l'année) et du Nasdaq (-25%). "Quant on remet de l'argent dans une entreprise deux ans après y être entré, le ratio de valorisation est comparable à celui de l'évolution des marchés financiers : les multiples ont changé", explique Régis Saleur, de Seeft Management. Voir une entreprise dont la taille a triplé en deux ans refinancée sur la base d'une valorisation en hausse de 20% n'est donc ni incohérent, ni inquiétant. "Nous vivons une crise saine, une période de consolidation comme il s'en produit périodiquement", assure Stéphane Boudon, président du directoire de CDC Ixis Innovation. "Nous sommes à contre-cycle. Pour nous c'est le bon moment pour investir. C'est d'ailleurs au début des années 90 que nous sommes entrés dans une petite société qui s'appelait Business Object", rappelle Philippe Herbert, directeur associé chez Partech. Pas question pour autant d'oublier les échecs : des start-up "lessivées" financièrement par une tentative avortée d'introduction en Bourse, par le gel des investissements après le 11 septembre ou par l'effondrement d'un business plan trop dépendant du seul marché publicitaire, chaque investisseur a ses anecdotes à raconter. Mais mêmes douloureuses, ces pertes ne remettent pas en cause la volonté d'investir. D'autant que le nerf de la guerre, lui, est toujours là en abondance : les fonds disposent encore de centaines de millions d'euros et continuent de lever des capitaux. "CDC Ixis Innovation V a déjà récolté 24 millions d'euros, avant même le lancement de la commercialisation", se félicite Stéphane Boudon. C'est également le cas de Partech qui doit investir en deux ans 150 millions d'euros de Partech IV, un fonds de 306 millions d'euros levé en juillet 2000. Reste à trouver des dossiers solides. L'époque où les bureaux des investisseurs croulaient sous le poids des business plans est révolu, mais les candidats au financement ne sont pas pour autant devenus une denrée rare. Seeft reçoit ainsi 60 à 80 dossiers par mois, et met l'accent sur la recherche active, en soulignant l'intérêt croissant des "spin-off", ces projets issus le plus souvent d'unités de recherche de grands groupes industriels, dont les travaux justifient un investissement sans toucher forcément au métier de base du groupe. "De la course de relais à la course de fond"Partech, qui se concentre principalement sur le logiciel d'entreprise et les télécoms, sélectionne des dossiers déjà très avancés. Le fonds privilégie donc des entreprises déjà constituées, dotées d'une équipe dirigeante compétente, et ayant signé ses premiers contrats. Et ce alors que Partech intervient principalement dans des premiers tours de table.Les affaires sont donc loin de s'arrêter. CDC Ixis Innovation a ainsi réalisé quatre nouveaux investissements depuis le début de l'année (Quosmetrix et Kaïdara dans les technologies de l'information, Scynexis et Aptanomics dans les biotechnologies). Seeft, lui, s'est limité à un seul, préférant mettre l'accent sur les refinancements. "On est passé de la course de relais à la course de fond, résume Régis Saleur. On sait qu'on finance pour longtemps, et que le premier tour doit parfois suffire à mener le projet jusqu'à l'équilibre financier". Devant la difficulté de trouver beaucoup de dossiers solides, Partech a mis l'accent sur l'internationalisation de son portefeuille. Cette année il donc embauché un associé en Allemagne, et un autre en Israël, avec l'ambition de développer le portefeuille en Europe du Nord et au Proche Orient. Evidemment, les échéances ont été doublées par rapport aux espoirs de 1999, où les fonds comptaient récupérer leurs investissements en deux ans. Une attitude partagée par Stéphane Boudon, encore plus patient. "Lorsqu'on investit dans une société, on est là pour dix ans". Là encore, l'éclatement de la bulle a provoqué un brusque mais salutaire retour à la normale. "Il y a cent ans, il fallait trois générations pour amener une entreprise à la maturité. On est d'abord passé à deux générations puis, grâce au capital-risque, on est descendu à quelques années, mais jamais à 18 mois !".Les biotechnologies reprennent le flambeau. Parmi les dix plus grosses levées de fonds recensées par Chausson Finance pour le premier semestre (montant moyen : 16,4 millions d'euros), cinq ont été réalisées par des sociétés de biotechnologies. Les sciences de la vie ont donc pris le relais d'Internet et du logiciel, en vedettes en 2000 et 2001. Mais l'informatique et les télécoms résistent bien : Telisma, éditeur d'outils de reconnaissance vocale et spin-off de France Télécom R&D, a récemment levé 10,5 millions d'euros, Xyleme, spécialiste des contenus XML, 11 millions. Et en mai, Trema, fournisseur de solutions pour l'industrie financière, avait réuni 22 millions d'euros. Il est vrai que la société compte déjà dix ans d'existence.
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