La sécurité alimentaire sous la pression du prion

Quelle célérité ! Quelques heures à peine après la publication aux Etats-Unis d'une inquiétante étude sur la présence de prions dans la viande bovine, les autorités sanitaires françaises se mobilisent. "Avant une semaine", précise-t-on à l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments (Affsa), seront connus les résultats d'une nouvelle campagne d'investigation sur des carcasses de bovins atteints d'encéphalopathie spongiforme bovine (ESB). Deux équipes scientifiques, appartenant à l'Affsa et au Commissariat à l'énergie atomique, ont été mobilisées pour ce faire. Elles vont pratiquer des tests d'identification (de type Elisa et Western Blot) pour répondre le plus rapidement possible à une très dérangeante question : oui ou non, le muscle de bovin (la viande qui nous est servie couramment) peut-il être contaminé par les prions pathologiques, ces protéines infectieuses que l'on dit responsables de la maladie de la vache folle chez l'animal et de celle de Creutzfeld-Jakob chez l'homme ?Une inquiétude née de la publication, mardi dernier, d'une étude signée Stanley P. Prusiner, prix Nobel de médecine 1997 pour sa découverte du prion. Jusqu'à présent, on pensait que cet agent pathogène infestait principalement les tissus lymphatiques et neuronaux des bêtes infectées. D'où l'interdiction de la consommation de cervelle ou de moëlle épinière. Or, des expérimentations menées par Prusiner sur la souris, à qui on a inoculé l'agent de la tremblante du mouton, révèlent la présence de prions pathologiques dans les tissus musculaires... Dans leur compte-rendu, le prix Nobel et son équipe soulignent les limites de l'expérience : tout d'abord, la souris n'est pas l'homme. En outre, il est difficile d'extrapoler les résultats à la maladie de la vache folle en raison des conditions même de l'expérimentation (transmission intercérébrale et non pas orale) et du fait que l'agent inoculé n'était pas celui de l'ESB. Reste que l'étude s'inscrit en totale contradiction avec ce que l'on supposait sur la totale inocuité du muscle de bovin.Les conséquences de ces suspicions peuvent être redoutables. Les autorités sanitaires françaises l'ont enfin compris. Dans le passé, le manque d'information, l'opacité des procédures de contrôle et la réticence des responsables à communiquer ont fait énormément de ravages. Les professionnels de la filière viande, qui ont vu leur chiffre d'affaires chuter drastiquement à chaque rebondissement de la crise de la vache folle, peuvent en témoigner. En sera-t-il de même, cette fois-ci ? Pour l'éviter, la France abat la carte de la transparence. Il serait souhaitable que l'Union Européenne fasse de même. Bruxelles s'est, pour le moment, contenté d'indiquer qu'elle allait "évaluer" les résultats des travaux du professeur Prusiner.Retrouvez l'actualité technologique tous les mercredis dans "La Tribune de l'Innovation", édition papier.
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