La Silicon Valley réapprend à donner du temps au temps

Attablé dans une pizzeria du centre de Palo Alto, Graham Spencer déjeune tranquillement en évoquant à mots couverts son dernier projet : une "start up" à laquelle il travaille depuis plus de six mois avec son complice Joe Kraus - mais elle n'a pas de nom, de projet de développement exponentiel et immédiat, ni même d'employés, en dehors de ses deux fondateurs.Difficile d'imaginer meilleur symbole de la profonde transformation qu'a vécu la Silicon Valley au cours des deux dernières années. L'esprit d'entreprise et la passion des nouvelles technologies n'ont pas disparu avec l'explosion de la "bulle", loin de là. Simplement, on a réappris à donner du temps au temps.En apparence, rien n'a changé. Des rues manucurées et fleuries, des boutiques chic de University Avenue se dégage toujours la même impression de prospérité tranquille. Mais, en réalité, plus rien n'est comme avant à Palo Alto. Et Graham est bien placé pour le savoir.Pour avoir fait partie de l'équipe fondatrice du portail Excite en 1993, il a vécu avec une rare intensité la grandeur puis la décadence de la "nouvelle économie". Créé comme il se doit par une poignée d'étudiants dans un garage des environs, Excite est devenue la troisième destination la plus populaire sur Internet (après Yahoo ! et America Online) avant de se vendre à AtHome début 1999 pour... sept milliards de dollars. Deux ans plus tard, Excite AtHome a ajouté son nom à la longue liste des victimes du mirage technologique.Graham Spencer reconnaît bien volontiers qu'il a "beaucoup de chance". Il s'est désengagé assez tôt pour éviter que sa fortune de papier ne se transforme en un tas de cendres. Il est riche, même s'il ne veut pas dévoiler l'ampleur de son patrimoine.Surtout, son enthousiasme est mieux qu'intact. Il est renouvelé. "C'est comme en 1993," dit-il. "On a retrouvé le même ressort profond : développer de nouvelles technologies pour améliorer la vie des gens." Il y a trois ans, explique-t-il, "on m'aurait donné un mois pour transformer mon projet en société, recruter cent personnes, et six mois pour entrer en Bourse. Et il aurait fallu que je regarde sans arrêt par dessus mon épaule pour voir si personne n'était entrain de me dépasser." Aujourd'hui, Graham peut revenir tranquillement à ses premières amours : écrire des programmes. Il ne lancera sa société que quand il sera prêt. La pression a disparu.Etre un jeune entrepreneur de la Silicon Valley a cessé depuis longtemps d'être une promesse de fortune instantanée. Mais, assure Graham, "c'est redevenu 'fun'".
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