Privatiser, pour faire quoi ?

Laurent Fabius a pris un risque calculé en début de semaine. En disant ses faveurs pour une poursuite du désengagement de l'Etat de l'opérateur public, le ministre de l'Economie sait qu'il aborde un sujet qui peut heurter une partie de la majorité plurielle. Mais depuis 1997 et l'arrivée de Lionel Jospin à Matignon, nombre de dogmes historiques de la gauche ont été oubliés en chemin. Opposés à toute privatisation de France Télécom quand ils étaient dans l'opposition, les socialistes de retour au pouvoir ont poursuivi le processus engagé par Alain Juppé en privatisant un quart du capital de l'entreprise. Et il n'a pas fallu plus d'un an pour que le gouvernement Jospin n'opère une augmentation de capital suivie d'une nouvelle privatisation partielle. Aujourd'hui, l'Etat ne détient plus que 55,5 % de France Télécom. A plus d'un titre, cette situation paraît donc provisoire, quel que soit le résultat des élections. La droite, parce qu'elle souhaite voir l'Etat se désengager vigoureusement de nombreuses entreprises publiques, inscrira cette mesure à son programme. A gauche, les déclarations de Laurent Fabius le prouvent, la réflexion fait son chemin, au moins au parti socialiste.Néanmoins, pour vaincre les réticences politiques et syndicales qui ne manqueront pas de s'exprimer, le gouvernement qui engagera le processus devra réussir à conditionner l'évolution de l'entreprise France Télécom à la poursuite de sa privatisation. Les deux premières ouvertures du capital ont en effet été réalisées en invoquant la nécessité de préparer l'entreprise à de nouveaux défis industriels. La première fois, France Télécom venait d'être transformé en société anonyme et devait affronter la concurrence avec la fin programmée de son monopole. La deuxième fois, il devait nouer une alliance avec Deutsche Telekom qui ne sera finalement pas allée bien loin.Depuis, l'ancien monopole historique est devenu un acteur international incontournable, resté puissant à domicile. Grâce à ses titres, France Télécom a racheté Orange et s'est propulsé au deuxième rang européen des mobiles. Mais, au prix, il faut le rappeler, d'un endettement qui a frisé les 65 milliards d'euros. La participation majoritaire de l'Etat dans l'opérateur lui a d'ailleurs largement permis de traverser les récents tumultes boursiers en lui garantissant son indépendance.Ainsi, à ceux qui pointeront - non sans raison - les risques que fait peser le franchissement de la barre des 50 % sur les obligations de service public et surtout sur l'utilisation de l'opérateur comme levier politique, notamment dans l'aménagement du territoire, la meilleure réponse ne pourra être qu'un nouveau projet industriel. Diluant la participation de l'Etat, une fusion avec un autre grand opérateur européen pour ne pas perdre pied sur un marché en pleine concentration serait en effet une explication plus noble qu'une « simple » opération financière.
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