Quelle Europe leur propose-t-on ?

Le moins que l'on puisse dire est que l'Europe des Quinze n'a pas donné d'elle-même un visage bien attrayant aux pays qui aspirent depuis si longtemps à être ses nouveaux membres. Que sont venus chercher les dix heureux élus (1) ? Soyons réalistes : d'abord et avant tout un ancrage à l'Ouest, de préférence en associant à leur entrée dans l'Union une adhésion à l'OTAN. Ensuite, bien sûr, une prospérité bien supérieure à la leur, la garantie, autrement dit, d'entrer enfin de plain-pied dans l'une des économies les plus riches du monde.Que constatent-ils depuis que leur a été accordé le feu vert lors du sommet de Copenhague, le 14 décembre dernier ? Que les membres actuels de l'Union sont profondément divisés quant à leur relation avec les Etats-Unis dans le cadre de la crise irakienne, qu'ils n'ont pas la même vision de l'OTAN et qu'ils sont aux prises avec une crise économique qui menace de rendre impossible le respect de la discipline qu'ils se sont eux-mêmes fixée en matière de finances publiques.Et comme si ce tableau n'était pas suffisamment inquiétant, le président Jacques Chirac, en guise de bienvenue au sein d'une alliance qui se vante d'être un modèle de démocratie, s'est chargé le mois dernier de tancer ceux d'entre eux qui avaient osé soutenir les Etats-Unis dans une lettre publiée par le quotidien "The Times ". Voilà des dirigeants "pas très bien élevés", qui avaient "manqué une bonne occasion de se taire", voire compromis - pour ceux dont la candidature n'est pas encore acceptée - leurs chances d'adhésion à l'UE. On n'est pas plus accueillant.Championne des bonnes manières, la France voit également l'un de ses ministres (Hervé Gaymard) accuser l'un de ses commissaires européens (Pascal Lamy) de trahir les intérêts de son pays en soutenant une réforme - par ailleurs indispensable, que cela plaise ou non - de la politique agricole commune.On ne peut en conclure autre chose : l'Europe a donné d'elle-même à ses futurs candidats une image pitoyable. Heureusement, elle n'a pas fait que cela. Sur la période 2000-2006, elle a entrepris de leur distribuer 18 milliards d'euros d'aide financière, et un autre "paquet" de 40,7 milliards sur la période 2004-2006 (soit 25 euros par habitant et par an de l'Union actuelle). La Commission s'apprête à recruter 3.400 fonctionnaires dans les dix nouveaux pays membres. L'Europe avance, un peu laborieusement certes, mais elle avance tout de même dans l'élaboration d'une nouvelle constitution. Pour ceux qui l'ont choisie, le pari aussi remarquable qu'ambitieux de la monnaie unique est en train d'être gagné. Elle est comme cela, l'Europe, parfois ridicule, souvent divisée, parfois généreuse, souvent efficace.Il reste à souhaiter que les Maltais ne s'y tromperont pas. S'ils disent "non" et créent ainsi un précédent, les plus hésitants - on pense notamment à l'Estonie, la Lettonie et surtout à la Pologne - pourraient suivre. Les sondages prédisent un peu plus de 50% de "oui" à Malte. Mais la preuve est faite qu'ils ne constituent pas une science exacte...(1) Pologne, Hongrie, République tchèque, Slovaquie, Slovénie, Malte, Chypre et les trois républiques baltes de l'ex-URSS, la Lituanie, la Lettonie et l'Estonie.
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